15e Festival DécOUVRIR (2017) - Léopoldine HH (© Claude Fèvre)

15e Fes­ti­val DécOU­VRIR (2017) – Léo­pol­dine HH (© Claude Fèvre)

17 août 2017 – 15e Fes­ti­val DécOUVRIR

Lec­ture poé­tique de Marianne Auri­coste et Syl­vestre Clancier
Concert de Léo­pol­dine HH

Avec par ordre de passage :

Marianne Auri­coste (lec­ture), Syl­vestre Clan­cier (lec­ture) & Étienne Cham­pol­lion (accor­déon)

Léo­pol­dine HH accom­pa­gnée par Maxime Ker­za­net et Char­ly Chanteur

L’ensemble DécOU­VRIRÉtienne Cham­pol­lion (pia­no, accor­déon, gui­tare, uku­lé­lé, arran­ge­ments), Louis Thé­ve­niau (cla­ri­nette), Vincent Imbert (pre­mier vio­lon), Ben­ja­min Clou­tour (second vio­lon), Flo­rian Texier (alto), Astrid Bâty (vio­lon­celle)


Salle Latreille – Tulle (Cor­rèze)

Avant que ne vienne en scène le trio de Léo­pol­dine HH, prix Georges Mous­ta­ki 2017, ce sont deux poètes que l’on entend au milieu de son ins­tal­la­tion scé­nique colo­rée. D’abord Marianne Auri­coste qui nous dévide de sa voix douce ses mots tri­co­tés au contact de pay­sages fami­liers : Beauce d’abord, le pays de l’enfance, puis l’Aubrac, terre de rési­dence poé­tique. Une pro­me­nade apai­sante car la nature reste le repère ultime « Même l’horreur ne par­vient pas à déso­rien­ter les sai­sons. » On aime­ra aus­si ce poème où elle dénonce « deux mille ans de génu­flexions »… et nous pro­pose tout sim­ple­ment de rire à la vie. On est très ému aus­si d’entendre Syl­vestre Clan­cier, dont le père fut le meilleur ami de Guille­vic, d’autant plus qu’Étienne Cham­pol­lion l’accompagne à l’accordéon. Par­fois seule­ment d’un souffle, d’une ou deux notes… On a fer­mé sou­vent les yeux, tout comme lui, pour mieux se lais­ser empor­ter au flot des mots.

Si ce poète, tout comme son amie qui l’a pré­cé­dée a en lui « le bleu de l’enfance », s’il chante la terre, les arbres, il regarde aus­si ce monde qui cha­vire et s’adonne plus que de rai­son à son inhu­ma­ni­té. Alors la voix du poète rap­pelle : « Il fau­dra croire au rêve pour que l’humain advienne ». Il finit en scan­dant les mots essen­tiels : liber­té, fraternité.

Enfin, cette soi­rée à Tulle, ville par­te­naire du fes­ti­val DécOU­VRIR, s’offre l’étonnement et la joie. Une « bouf­fée de folie », annonce le programme.

Ne deman­dez pas à Léo­pol­dine HH ce qu’elle a dans la tête ! Peut-être trou­ve­rez-vous une piste en ouvrant un livre… ? Elle nous guide… Page 7 ? Elle com­mence avec cette énu­mé­ra­tion dont on devine qu’elle n’a pas de fin : Tche­khov, Ibsen, Cadiou, Ber­thold Brecht, Apol­li­naireOn sent beau­coup de choses… Voi­là, mais quoi au juste ? C’est ain­si qu’elle com­mence et sa chan­son, sa voix dont elle tire plein d’effets, son sou­rire, nous emmènent dans son monde. Une sorte d’Alice au pays des mer­veilles qui jamais ne revien­drait de son rêve, qui jamais ne refer­me­rait le livre. Elle aime les fleurs en pot… en alle­mand « Blu­men Im Topf », titre de son album… Voi­là, il vous fau­dra faire avec ça… C’est à prendre ou à lais­ser. Hé bien, sachez qu’on ne laisse pas. Il faut le dire tout de suite, on ne résiste pas à tout ce grand débal­lage d’impossibles. Vous êtes mis en condi­tion avant même qu’elle n’arrive avec ces deux grands esco­griffes qui « musiquent » de toutes les façons autour d’elle. Sur scène ils ont plan­té des fleurs en pot… Euh, par­don, pas des fleurs mais des petits mou­lins de toutes les cou­leurs… La scène avec tous ses ins­tru­ments, cla­viers, ordi­na­teurs, petite harpe, accor­déon… Un hula hoop dont on n’aura le rôle qu’à la fin ! C’est un peu comme une chambre d’enfants avant qu’une mère qui déci­dé­ment ne com­prend rien à rien, ne demande qu’on y mette un peu d’ordre. Léo­pol­dine, armée de ses deux H – ini­tiales des noms de ses parents – a les pieds et la tête dans l’imaginaire de son enfance. Alors elle arrive dans une tenue rose pâle, une sorte de tutu qui s‘achève en gros pom­pons tout autour… Les chaus­sures sont bor­dées d’une guir­lande lumi­neuse et sont sur­mon­tées des mêmes pom­pons ! La tenue a cela d’étrange qu’elle est anti­no­mique de sa coif­fure sage, sin­gu­liè­re­ment sur­an­née : cette tresse en cou­ronne de tra­di­tion slave…

On est bien per­sua­dé que tout cela relève d’une réflexion, d’une dra­ma­tur­gie dont elle est le per­son­nage cen­tral. Elle rit, s’amuse sans doute beau­coup de tout ce fatras – Tiens, on pour­rait ajou­ter Pré­vert à son énu­mé­ra­tion ! – D’autres mots nous viennent : Tohu-bohu, tin­ta­marre, tin­touin, cha­ri­va­ri, cham­bar­de­ment… Car tout cela est sonore aus­si, musi­cal, et le trio s’en donne à cœur joie. Ils sont capables de vous empor­ter dans un aria baroque et dans une transe élec­tro dans la même chan­son. Mais c’est quand on prête atten­tion aux textes que l’on s’étonne encore davan­tage. D’ailleurs c’est elle Léo­pol­dine qui tend une pas­se­relle déli­cate entre les poètes enten­dus avant elle et son uni­vers qu’elle emprunte à la poé­sie… Elle regarde le monde autour d’elle, en elle-même, elle lit – cer­tai­ne­ment beau­coup ! – et hop, elle embarque tout ça dans ses chansons !

On se dit alors que non contents de nous dérou­ter en per­ma­nence par leur spec­tacle, visuel, sonore, débri­dé, ils nous pro­posent un sacré remue-méninges ! Léo­pol­dine prend la peine de citer ses auteurs… Et ce sont autant de perches qu’elle tend, comme le nom de Gwe­naëlle Aubry et ce texte où l’auteure évoque son père et sa per­son­na­li­té dif­frac­tée… Que doit-on per­ce­voir aus­si quand on entend : « Je ne sais pas pour­quoi je me sens si… sépa­rée de vous ? »… Tou­jours cette ques­tion du sem­blable et du dif­fé­rent. Quand elle quitte la scène et revient en maillot de bain, une écharpe de miss por­tant son nom, on peut sim­ple­ment s’en amu­ser, certes. Il faut le dire, c’est assez irré­sis­tible sur­tout quand les musi­ciens en font autant. Mais peut-on igno­rer qu’à ce moment-là, on entend : « Je suis nueQui est cette per­sonne qui m’emporte ? » Et bien enten­du on peut ajou­ter la chan­son, un texte de Roland Topor qui répète « Zozo Lala » expres­sion alle­mande pour dire « Mi figue Mi-rai­sin »… Quand cela va-t-il finir ? On ne sait pas… Et pour clore son concert Léo­pol­dine, en comé­dienne experte, joue de cette ques­tion der­rière son cla­vier. On ne sait quand ça va finir… C’est en rap­pel qu’on la ver­ra faire du hula hoop à la joie des spec­ta­teurs debout qui l’acclament pour toute cette joie qu’elle a répandue…

« Le sum­mum de la cruau­té au théâtre, c’est le rire » a dit l’immense comé­dien Phi­lippe Cau­bère… Rions, rions tant qu’il est encore temps.