LamaO Editions, Guillo, 2017 (© Fany Souville)

LamaO Edi­tions, Guillo, 2017  (© Fany Souville)

30 mars 2017 – Prochaine publication, Album livre disque de Guillo,
Public adulte, Je ne suis pas un long fleuve tranquille (le 26 avril 2017)

avec les pré­cé­dentes publi­ca­tions de LamaO Edi­tions : M le méchant, Livre-disque jeu­nesse, Eddy La Gooyatsh, Fan­ny Mar­con­net, Pol Banon – Trois Petits Points, Album jeu­nesse, Jéré­mie Kis­ling, Lli – Rio clap clap clap, Livre disque jeu­nesse, Eddy La Goyatsh – La nuit tra­ver­sée, Album livre-disque Daguerre, Public adulte 

Parce que la plume des auteurs est aus­si un ins­tru­ment de musique incroyable, fai­sant chan­ter les mots sur le papier.

Parce que les artistes sont des poètes et des pas­seurs de mots, des griots.

Parce que pour chaque mot écrit ou chan­té une image naît dans l’imaginaire de cha­cun, des cou­leurs, des pay­sages, des par­fums, des sentiments.

Parce qu’illustrer ces mélo­dies enfan­tines, ces odes à la vie, est aus­si une manière de les faire vivre un peu plus inten­sé­ment. Fany Sou­ville

Des Mots à la Musique, de la Musique aux Mots

Elle s’appelait, elle s’appelle Fany.

Fany Sou­ville, édi­trice.

En écri­vant ces mots « Elle s’appelait Fany » on entend – allez savoir pour­quoi – la voix de Claude Nou­ga­ro, son accent de chez nous, sa dic­tion qui frappe les consonnes. Mais oui, bien sûr, Plume d’ange, ce texte inou­bliable, ce conte d’aujourd’hui… Elle s’appelait Fany, la petite fille que le nar­ra­teur aborde à la sor­tie de l’école, dans l’espoir qu’elle croie en son his­toire far­fe­lue de plume d’ange, ce qui sau­ve­rait l’humanité toute entière. On ne résiste pas à l’envie d’en trans­crire quelques mots :

« Dans la vive lumière d’a­vril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bri­dés, un peu chi­nois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son car­table orange, tout rebon­di de mathé­ma­tiques modernes.
Alors j’ai sui­vi la boule brune et bou­clée de sa tête, gra­vis­sant der­rière elle les esca­liers de la Butte…
 »

On se plaît à ima­gi­ner que cette Fany aurait pu être celle qui devait deve­nir cette grande femme brune dont la géné­ro­si­té, l’énergie vitale, l’humanité écla­boussent le visage. A un détail près : le décor d’en­fance de Fany Sou­ville, c’est Mon­tau­ban. Nous n’en sau­rons pas beau­coup plus sur elle si ce n’est que les com­bats qu’elle a menés dans sa vie n’ont pas réus­si à la détour­ner de ses rêves, de sa soif de mots et de musiques. Tout comme Claude Nou­ga­ro, pre­nant des che­mins de tra­verse, s’offrait en 1977 la face entière d’un 33 tours pour un texte dit et non pas chan­té, Fany, brouillant les cartes, trou­blant l’ordre éta­bli, publie des chan­sons dans des livres et pas seule­ment des chan­sons pour enfants ! Car, on le sait, la publi­ca­tion de récits illus­trés de chan­sons n’a rien de bien nou­veau pour ce qui concerne le jeune public. C’est ain­si que Fany a com­men­cé avec Eddy La Gooyatsh pour deux albums et Jéré­mie Kis­ling. Ils  pro­posent des his­toires qui peuvent aider les petits à gran­dir en humanité.

Mais les « grands », enfin nous tous… ?

Alors que l’on nous dit que le disque est fini, nous consta­tons para­doxa­le­ment que chaque chan­teur se livre à un vrai com­bat pour enre­gis­trer le sien. Fany fait plus encore, elle offre, par l’édition de livres, l’occasion de magni­fier, subli­mer les chan­sons. Du moins c’est ain­si que nous voyons ce chan­ge­ment de rayonnage.

Ce n’est que le début sans doute d’une aven­ture où viennent se croi­ser lit­té­ra­ture, des­sin, chan­son. Le pre­mier publié en février fut La nuit tra­ver­sée de Daguerre, chan­sons mêlées au des­sin et au récit. Un tis­sage sub­til, émou­vant, pro­fond sur lequel nous avons lon­gue­ment posé nos sen­sa­tions, nos réflexions. C’est au final un ouvrage d’une grande beauté.

Voi­ci qu’avec le prin­temps arrive Je ne suis pas un long fleuve tran­quille, chan­sons de l’album Sou­lage de Guillo, accom­pa­gnées d’un récit. Le récit auto­bio­gra­phique de ce qui est à la source de la créa­tion. Un homme, au beau milieu de sa vie, se livre sans fard dans une écri­ture à la troi­sième per­sonne, comme s’il lui avait été néces­saire de se mettre à l’abri, de prendre de la dis­tance avec l’impudeur de la confi­dence, de la confes­sion. En somme, un jeu de cache-cache avec le « je ».

Ain­si vous sau­rez tout ou presque de Guillo. Un homme qui marche « comme l’un ou l’autre d’entre nous »… Mais un artiste car « A chaque coin de rue, chaque seconde, une chan­son peut sur­gir ». C’est de cette his­toire là qu’il s’agit. L’enfance à Gonesse au pied des tours, le départ, ou plu­tôt la fuite à Pau, à l’Université, les amours vénales, une fois… Et puis, « écrire, chan­ter, ado­rer ça »…Être père… Trois fois… L’adultère – On vous l’a dit, il écrit sans masque – Sa vie, quoi… Tadous­sac, le Vieux-Qué­bec et le buste en bronze de Gand­hi… Et tout au long ses inter­ro­ga­tions, ses réflexions, ses ques­tions qui finissent en chan­sons – la mort, le fémi­nisme, les inéga­li­tés, la vio­lence et la haine. Mais sur­tout un amour, un bel amour qui se pré­serve de l’usure et de la pos­ses­sion. Les mots de Jacques Pré­vert pour le dire.

Entre les pages, entre les chan­sons se sont glis­sés des apho­rismes de Laurent Cachard, « un sup­plé­ment d’âme » dit Guillo.

En voi­ci un, en guise de conclu­sion sur ce livre-disque dont nous avons déjà par­cou­ru les chan­sons l’été der­nier : « Tant qu’on n’aura pas com­pris l’importance d’un geste simple, on conti­nue­ra de s’agiter vai­ne­ment. »

Quant à Fany, on la soup­çonne d’avoir déjà plus d’un titre de livre-disque en tête, plus d’un chan­teur conquis par son tra­vail. Du bel ouvrage, soi­gné, élé­gant, impri­mé en France évidemment.

Sou­ve­nez-vous de ce nom LamaO Edi­tions, en Gironde.

B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

LamaO Edi­tions (© Fany Souville)