De Calm, Disparue Juliette - 2017 (© Ronay dit Aloa)

De Calm, Dis­pa­rue Juliette – 2017 (© Ronay dit Aloa)

24 mai 2017 – De Calm, Dis­pa­rue Juliette

Sor­tie de son 3e album

Guillaume Carayol (paroles, chant), Mickaël Ser­ra­no (musiques, gui­tares, cla­viers, pro­gram­ma­tions, chœurs), Mako (cla­viers, rhodes, pro­gram­ma­tions), Philippe Entres­sangle (bat­te­rie, per­cus­sions), Mar­cel­lo Giu­lia­ni (basse), Salo­mé Per­li (pia­no, cordes), Éloïse Lor­mand (voix, chœurs), Renaud Mar­quié et Yann Lefebvre (chœurs)
Enre­gis­tré et mixé par Mako au Stu­dio Drop-in à Saint-Jean-de-Luz


En 2014 déjà, on s’était pro­mis de suivre le pro­jet de Guillaume Carayol et Mickaël Ser­ra­no, un pro­jet pop qui se joue de toutes les res­sources que leur offrent ins­tru­ments et pro­gram­ma­tions. Leur bio­gra­phie pré­cise qu’il ne faut pour­tant pas se méprendre les ins­tru­ments ne sont pas syn­thé­tiques mais véri­ta­ble­ment joués… Les gui­tares, ajoute-t-on, servent à fabri­quer des sons arti­fi­ciels qui rap­pellent ceux des synthés.

Les chro­niques de leur album sou­lignent la paren­té avec Étienne Daho pour le son, grâce à la réa­li­sa­tion de Mako, ou avec celle de Mios­sec pour la voix du chan­teur, ce qui situe d’emblée leur pay­sage sonore. On ajou­te­ra que l’écoute de ces onze titres offre un panel d’atmosphères qui nous pro­mènent du pla­nant au rock, du pia­no et des cordes au rythme dan­sant sans jamais mas­quer la voix…

Com­men­çons donc par l’objet. L’image de la cou­ver­ture, celle d’un homme tenant en laisse un alli­ga­tor est sai­sis­sante, trou­blante – on sait l’appartenance de Guillaume à l’univers ciné­ma­to­gra­phique. Un autre homme le suit. Ils marchent dans la neige. Où vont-ils ? D’où viennent-ils dans ce froid, cette neige ? On ne tarde pas à décou­vrir le sens de l’image puisque la pre­mière chan­son lève le voile… L’ouverture se fait dans un déluge de sons où s’élèvent des chœurs. Les pre­miers mots répètent comme une lita­nie « je t’ai en tête »…Des images du pas­sé, des « jours dor­lo­tés » jaillissent… « A trop san­glo­ter, on vire alli­ga­tor ». C’est donc ça ! La faute à un cha­grin d’amour qui vous trans­forme en ani­mal asser­vi, en cro­co­dile ram­pant… « Dis­pa­rue Juliette » les mots de la fin de la chan­son, titre de l’album nous ramè­ne­rait plu­tôt à une his­toire roman­tique, tout comme le tendre duo mas­cu­lin /​fémi­nin de la chan­son Il fait froid. Si l’amour nous met en miettes, nous poi­gnarde, quand il est là, il ras­sure, il met pour un temps un terme au froid, à cette sen­sa­tion de dés­équi­libre, de plan­cher prêt à s’effondrer sous nos pieds. Quand on a long­temps mar­ché, long­temps cher­ché, atteint de céci­té, la vie finit par se résu­mer dans ces mots : « L’existence, c’était toi »… Par­fois l’amour est éphé­mère, comme le régal qu’il pro­pose dans des yeux verts… Le titre La soi­rée répète dans des sons très rock « Une seule vie ! »

Au fond la vie, l’amour c’est un com­bat où « il n’y a pas que des vain­queurs, hélas ». Par­fois on se sent très seuls et bien peu sûrs de nous… si peu assu­rés quand il faut Miser sur nous ! On note­ra qu’il est tou­jours ques­tion de l’Autre dans ces chan­sons… Celui qui part, celui que l’on découvre enfin, celui qui était là près de nous dans l’enfance, un « secours », une « flèche qu’on lance » et dont on est sépa­ré, à quelques rues de dis­tance… On espère alors : « Il existe quelque part un geste ami­cal ». Le pire serait de se lais­ser aller à l’indifférence, pire encore, à la haine qui « ferme de tous côtés »… On en appelle à la bon­té, même dans le « brouillard inouï », même face à de « furieux déses­poirs »… Il nous faut tra­ver­ser la nuit même celle qui a vio­len­té toute une jeu­nesse réunie pour aimer la vie !

Il nous faut bous­cu­ler, ren­ver­ser nos vies, construire des écha­fau­dages (Fabrique)… « Allez, réveillons-nous ! » C’est sur cet élan vital, cette envie de « ciel sub­li­mi­nal » que s’achève l’album, pas aus­si sombre que pou­vait le lais­ser entendre le visuel et cet étrange alligator.

Au bout de cette écoute sou­dain nous appa­raît que cet ani­mal pour­rait bien être tout ce qui nous barre la route, tout ce qui nous pousse Au bord des falaises, nous empêche d’« ima­gi­ner d’autres enfances »… On com­prend alors si bien le lan­gage ins­tru­men­tal des gui­tares, syn­thé­ti­seurs, bat­te­rie pour dire « Effleu­rer la beau­té… scin­tillante… Il est sûre­ment temps de revoir fan­tai­sie… »