Tribu Nougaro – Le Bijou  2022 (©Claude Fèvre)

Tri­bu Nou­ga­ro – Le Bijou, 2022 (© Claude Fèvre)

6 octobre 2022 – Toi là-haut et moi tout bas on ne se quitte pas

La ren­trée du Bijou, une créa­tion pure avec Tri­bu Nougaro

Avec

Laurent Malot (chant), Franck Ste­ckar (pia­no, accor­déon, trom­pette, per­cus­sions, chœurs), Chris­tophe Devil­lers (contre­basse, trom­bone, har­mo­ni­ca, per­cus­sions, chœurs)

Mise en scène de Xavier Lacou­ture


Le Bijou – Tou­louse (Haute-Garonne)

« Dans le jazz, la musique clas­sique, le théâtre, la danse, on réin­ter­prète sans cesse les grands créa­teurs. Le met­teur en scène, l’acteur, le dan­seur, le cho­ré­graphe et l’interprète s’évertuent, si la démarche est hon­nête, à appor­ter leur vision per­son­nelle. Pour­quoi pas dans la chan­son ? Art Mineur ? » Laurent Malot

https://​www​.leter​rier​pro​duc​tions​.com/​s​p​e​c​t​a​c​l​e​s​-​m​u​s​i​c​a​u​x​/​t​r​i​b​u​-​n​o​u​g​a​ro/

Schplaouch ! C’est ce mot de Claude Nou­ga­ro qui nous vient… Splaouch ! Laurent Malot a plon­gé dans l’œuvre de celui qu’il nomme le « patron », comme dans l’eau de la mer… D’ailleurs, aucun doute, Claude est là, présent.

« Toi là-haut et moi tout bas on ne se quitte pas »… car… « Pas besoin d’être devin /​Ni de tirer les tarots pour devi­ner d’où je viens/​Nou­ga­ro… » chan­te­ra Laurent, dans sa chan­son hom­mage, avant de quit­ter la scène.

Claude est là ce soir, dans le noir de la salle du Bijou à Tou­louse. Il s’en vient à plu­sieurs reprises mettre son grain de sel dans le dérou­le­ment du concert. Sa voix, son accent ini –mi-ta-ble – on n’oubliera pas la finale ! Le e muet étant une héré­sie par ici, nous le savons bien… Vous l’avez donc déjà com­pris, Laurent Malot a rem­por­té un pari ce soir : chan­ter Claude Nou­ga­ro à Tou­louse… Disons tout de suite qu’il offre une émou­vante ver­sion de la chan­son phare, Tou­louse, optant pour le texte dit, au début et à la fin… Au final, le public s’est levé pour sou­li­gner son admi­ra­tion et sa joie. Car ce n’est pas rien de reprendre ce réper­toire qui, de toute évi­dence, s’apparente à une « œuvre ».

C’est sans doute ce que nous retien­drons fina­le­ment de cette soi­rée, grâce à ce trio, ces repré­sen­tants de la tri­bu, du clan, de la famille Nou­ga­ro : Laurent Malot accom­pa­gné de deux excel­lents musi­ciens, Franck Ste­ckar au pia­no, à l’accordéon, à la trom­pette et Chris­tophe Devil­lers à la contre­basse, mais aus­si au trom­bone. Nous qui fré­quen­tons assi­du­ment la créa­tion de chan­sons, cette chan­son que nous sommes de plus en plus nom­breux à appe­ler d’Art et Essai – comme on le dit du ciné­ma d’auteurs – à l’issue de ce concert, nous mesu­rons la dimen­sion excep­tion­nelle de celle que nous a lais­sée Claude Nou­ga­ro. Outre les mots, ceux qui roulent sous la langue, qui se jouent des pho­nèmes, capables de tout embras­ser des sen­ti­ments et des sen­sa­tions, on redé­couvre la diver­si­té des thèmes… Comme on est loin de cette ten­dance au nom­bri­lisme, à l’égocentrisme… Ecou­tons donc Tri­bu Nou­ga­ro nous enchanter !

Le concert com­mence par un dia­logue ins­tru­men­tal du pia­no et de la contre­basse et l’arrivée, par la salle, du chan­teur qui s’impose d’emblée par sa voix sans micro. Et tout natu­rel­le­ment, c’est avec le La Chan­son « la chan­son cou­sue d’or /​Qui se paie des jar­dins /​En gueu­lant dans les cours… » que s’ouvre le concert, juste le temps de per­ce­voir la qua­li­té de la voix et sur­tout, sur­tout l’incarnation, c’est-à-dire ce corps qui habite la scène comme le boxeur le ring… C’est tout le corps qui s’engage, le chan­teur entre dans l’arène, frappe du pied le plan­cher, esquisse subrep­ti­ce­ment des regards, des gestes… On se dit que vrai­ment ce n’est pas seule­ment un dia­logue avec nous, mais une conni­vence avec Claude. Toi là-haut « dans cette vie sans toi » comme le chan­tait Claude à son père, et c’est le tuba qui s’en vient évo­quer cette voix dis­pa­rue. Les titres que nous aimons s’enchainent… ceux qui res­ti­tuent le monde de Nou­ga­ro : La danse, Le ciné­ma et cette trom­pette bou­chée qui crée tout un uni­vers de cave de jazz, Clo­di Clo­do où s’invite natu­rel­le­ment l’accordéon, ce savou­reux med­ley bré­si­lien (Bré­si­lienCama­rade -Tu ver­ras), Quatre boules de cuir, Don Juan auquel vient répondre en contre-point cette petite mer­veille de chan­son d’amour, de chan­son d’absence, Mar­cia mar­tienne « Quand tu n’es pas là, tu es par­tout là /​Là là là là et puis là et ici /​Le silence te crie /​Ton absence c’est ma par­tie… ». S’en suivent Tou­louse, A bout de souffle et sur­tout, sur­tout Assez, cette éton­nante chan­son où s’expriment « Ce cri, ce rejet, cette transe « Expa­triez votre souf­france », cette révolte contre notre « huma­ne­rie, nos démences… ». Quoi de plus ter­rible que le cri de « la petite fille en flammes /​dans son dimanche de napalm » ?

On a bien besoin alors d’un retour à l’expression la plus fine de l’amour, du refuge sur ses îles, avec L’île Hélène et l’invitation dans l’Île de Ré. Écou­tez comme c’est beau : « Sur les pierres vieilles /​Je nous appa­reille /​De phrases ver­meilles /​Par­tons /​Nous jet­te­rons l’ancre /​Dans le fla­con d’encre /​D’une nuit qu’é­chancre /​Là bas /​Le phare sirène /​Du cap des Baleines… » 

Apai­sés, nous sommes prêts main­te­nant à par­ta­ger le med­ley sur fond de per­cus­sions afri­caines (L’amour sor­cier – Paris MaiLoco­mo­tive d’or). Nous chan­te­rons tous, ravis, d’un même chœur/​cœur, Arm­strong, avant de quit­ter le Bijou et lon­ger la Garonne en pen­sant aux mots de Claude « Moi mon Océan /​C’est une Garonne /​La grande per­sonne /​Dont je suis l’enfant… »