Alsina, un amour sorcier pour Nougaro (© droits réservés)

Nou­ga­ro via Alsi­na (© droits réservés)

26 mars 2016 – Nougaro via Alsina

avec Jean-Marie Alsi­na (gui­tare, voix), Serge Bianne (basse), Iban Lar­re­bourre (bat­te­rie)
et Marc Tam­bou­rin­de­guy (pia­no)

L’Escale à Tournefeuille (Haute-Garonne)

Le ren­dez-vous était pris de longue date avec le ser­vice cultu­rel de Tour­ne­feuille, ville de l’agglomération tou­lou­saine qui ne s’en laisse pas conter par son écra­sante voi­sine si l’on en juge par l’espace cultu­rel en plein centre et son « Escale », flam­boyante bâtisse près du ciné­ma Uto­pia.

L’artiste a droit à plu­sieurs jours pla­cés sous sa ban­nière d’interprète de Nou­ga­ro, au cœur d’une pro­gram­ma­tion qui mul­ti­plie de pres­ti­gieux par­te­na­riats : Orchestre de chambre de Tou­louse, Orchestre natio­nal du Capi­tole, Centre de déve­lop­pe­ment cho­ré­gra­phique de Tou­louse… L’événement Autour de Nou­ga­ro met en syner­gie les dis­ci­plines artis­tiques, les struc­tures (média­thèque, école d’enseignements artis­tiques), les géné­ra­tions aus­si. De quoi nous réjouir sans modération.

Notre attente redouble car nous avons déjà pu appré­cier l’homme, sa géné­ro­si­té, sa pro­fon­deur… et sa sin­gu­la­ri­té : il se déplace en fau­teuil rou­lant. On hésite à le signi­fier. Et pour­tant, c’est si rare que l’handicap trouve sa place dans le monde du spec­tacle vivant, n’est ce pas ? Quand il s’agit de Claude Nou­ga­ro qui disait écrire avec tout son corps, beau­coup plus qu’avec sa tête et dont la pré­sence en scène signait un enga­ge­ment cor­po­rel de dan­seur, on devine le défi. Or, Alsi­na s’empare de la scène avec le même feu, la même flamme ! Son buste, ses mains redoublent d’expressivité, et les roues de son fau­teuil font le reste. Pas ques­tion de se pri­ver de danser !

Et puis ce concert-là, c’est le concert d’un quar­tet, s’offrant d’un seul corps au public. Effi­cace dès la pre­mière chan­son, Loco­mo­tive d’or. Le texte est pré­texte à voyage, décou­vertes, ren­contres, et la musique à pul­sions, bat­te­ments, rythmes. Très vite le regard s’attache au bas­siste, musi­cien à la longue che­ve­lure flot­tant sur les épaules, avec lequel à plu­sieurs reprises le chan­teur s’engage dans la danse. Les lumières les accom­pagnent, sou­li­gnant les atmo­sphères. On regrette seule­ment l’usage de pro­jec­teurs pivo­tants qui s’en viennent trop sou­vent nous aveugler.

Dans cet enga­ge­ment géné­reux du quar­tet, la voix d’Alsina est claire, puis­sante, avec de superbes envo­lées – presque lyriques – dans Vie Vio­lence en fin de concert. Elle ne tente pas l’imitation ser­vile, elle prend ses marques, incarne à sa mesure. On appré­cie la re-créa­tion de chan­sons fami­lières à nos mémoires : Sing Sing Song, L’amour sor­cier, Bidonville.

Par­fois le « Nou­ga­ro Express », ain­si qu’il est nom­mé, prend des allures de tor­tillard, fait des haltes, amou­reuses et pay­sa­gères dans l’Île Hélène, L’île de Ré, ou bien au fil de l’eau, hom­mage ren­du, déli­cat et tendre pour le « Ver­double » à Paziols (Une rivière des Cor­bières) épique et lyrique pour la Garonne. Ces haltes, c’est pour mieux reprendre le cours d’une vie de com­bat, pour que se lève l’espérance : Mai Paris Mai offre sans doute l’acmé de ce concert. On aime aus­si la ver­sion très épu­rée de Ô Tou­louse, on s’émeut au choix du réci­ta­tif pour Le chant du désert : « Dans le désert du papier blanc /​Mes vieux cha­meaux de mots naviguent /​Croi­sant par­fois les osse­ments /​D’un poème mort de fatigue /​J’ai soif »…

Spec­ta­teurs d’Al­si­na, nous sommes déci­dé­ment prêts à répondre à l’invitation finale. Il a ce qu’il faut pour nous désaltérer.

« Venez, puis­sants ou asser­vis /​Races, peuples, enfants de la femme /​Voi­ci de l’eau, de l’air, des flammes /​Atta­blez-vous : la terre est ser­vie »…