Frédéric Bobin, les douces prémices d’un futur album (@ David Desreumaux)

Fré­dé­ric Bobin en Ariège (© David Desreumaux)

27 mars 2016 – Frédéric Bobin

avec Fré­dé­ric Bobin (com­po­si­tion, gui­tares, voix) et Mickaël Coin­te­pas (contre­basse, guitare)
Textes de Phi­lippe Bobin

Concert à domicile – Artigat (Ariège)

Nous aurions aimé aller écou­ter le duo la veille sur la scène du tout nou­veau fes­ti­val Affiche du festival Chant’à SeixChant’à Seix qu’une voix pres­ti­gieuse a créé. Nicole Rieu et ses invi­tés – Fré­dé­ric Bobin et Michèle Ber­nard pour une pre­mière !! Pas mal, non ? – méri­taient que l’on soit là pour ce bap­tême. Mais la vie d’une chro­ni­queuse impose par­fois des choix cor­né­liens. Et c’est dire aus­si com­bien la Chan­son est vivante, jusque dans nos cam­pagnes, nos montagnes !

C’est donc dans un salon, chez des amis, défen­seurs de la Chan­son, hôtes géné­reux et dyna­miques, que nous retrou­vons Fré­dé­ric Bobin. On ne peut trou­ver mieux pour le par­tage, autant artis­tique qu’amical.

Le concert est en acous­tique et l’on savoure l’indéniable chance d’entendre l’authenticité de la voix, avec son grain, sa tex­ture. On prête au concert immé­dia­te­ment une atten­tion par­ti­cu­lière. L’échange est dif­fé­rent. On pense bien sûr, aux plus grand

s de nos artistes Chan­son, qui ont débu­té ain­si, très loin de la dévo­ra­tion tech­no­lo­gique qui devait pré­va­loir des décen­nies plus tard.

Or, au fil des ans la voix de Fré­dé­rique gagne en pro­fon­deur et en nuances aus­si. Il semble qu’en même temps son par­cours le rap­proche de plus en plus de la tona­li­té de la chan­son qui l’a nour­ri, presque ber­cé, celle qu’il lui arrive aus­si d’honorer dans un concert de reprises avec Pierre Delorme, avec Léo­nard, Graeme, Bob et les autres. Pour en par­ler en juillet 2015 on avait titré « Nos­tal­gic song ». On serait ten­té ce soir de recou­rir aux mêmes mots.

Ses six chan­sons nou­velles, offertes en pré­mices d’un futur album, sont les chan­sons d’un homme qui se pose, qui prend le temps de regar­der d’où il vient. C’est l’approche déli­cate, sen­sible, de celui qui sent dans ses veines le temps faire son œuvre et lui ouvrir le cœur à la ten­dresse. Bien sûr dans l’attention à l’autre qu’on lui connaît, Fré­dé­ric Bobin a com­men­cé par saluer Mickaël Coin­te­pas à ses côtés et l’absent auquel il doit ses textes, son frère, son fran­gin à Nevers. Cette créa­tion à quatre mains n’est cer­tai­ne­ment pas pour rien dans la per­cep­tion que nous avons de cet artiste. Il touche à ce que nous avons de plus pré­cieux en nous. Il s’adresse à l’intime.

C’est donc dans cette veine-là que leur créa­tion che­mine pour nous prendre encore par le cœur. Il est vrai que, comme eux, on se retourne par­fois. Dans le rétro­vi­seur on voit alors La vie qu’on aurait pu vivre, « tous les pos­sibles tra­jets /​comme des lignes de chance », on s’arrête sur les débuts du par­cours que l’on voit défi­ler en Super-huit. Sur l’é­cran appa­raît alors l’image de l’adolescent qui [prend] une gui­tare en guise de poi­gnard contre [ses] com­plexes. On s’en va sur les traces de l’enfance. Peut-être, nous aus­si, nous arrê­tons-nous dans ces lieux char­gés de mémoire (La mai­son de mon grand-père) et peut-être fai­sons-nous aus­si ce bilan quand Le soir tombe : « Je n’ai pas chan­gé le monde… J’aurais tant vou­lu /​Écou­ter le fil des sai­sons /​mettre le bleu sur l’horizon »…

Mais l’essentiel ne serait-il pas de reve­nir à l’épure, un autre Eldo­ra­do » … celui qu’offre Une goutte d’eau ? L’essentiel n’est –il pas de gar­der, « au fil d’une vie qui fut mou­ve­men­tée », L’espérance en l’homme que chan­tait Claude Nou­ga­ro ? Frédé­ric Bobinlui, nous chante : « Pour un géra­nium qui pousse dans les char­niers /​Tant qu’il y aura des hommes /​On pour­ra espé­rer » Et l’on est prêt à répé­ter encore et encore long­temps avec lui : Tant qu’il y aura des hommes…

Quand bien même pose­rions-nous notre regard sur ce monde qui ne cesse de nous fendre l’âme. Car on est tou­jours tou­ché d’entendre – de fre­don­ner avec lui – les chan­sons qui ne perdent rien de leur poids de véri­té : les por­traits en dip­tyque de Tatia­na sur le périph et de Joe de Géor­gie, le sort tra­gique d’un patri­moine indus­triel et humain sacri­fié (Sin­ga­pour, La vieille ouvrière), notre condi­tion enfin d’Étrange bipède…

En somme, Fré­dé­ric Bobin a dis­til­lé, en mots simples, en mélo­dies immé­dia­te­ment fami­lières, une immense ten­dresse. Elle se mariait à l’atmosphère du lieu, à la qua­li­té de l’accueil, à la récep­tion du public.

On aurait aimé s’y fondre pour longtemps.

Tant qu’il y aura des hommes (David Desreumaux)
L’es­pé­rance en l’homme
 (Claude Nougaro)