23 juin 2016 – Spectacle « Coup de cœur » du Festival des Voix 2016
avec Lior Shoov (ukulélé, hang, tubes en plastique, clochettes, jouet musical…)
Médiathèque de Lafrançaise (Tarn & Garonne)
Elle s’appelle Lior, « lumière » en Hébreu. S’entrechoquent alors des pensées qui viennent en rafale où se mêlent une actualité brutale et des souvenirs. Des lectures, un flux d’images en noir et blanc qui nous hantent…
Lior vient d’Israël… Elle voyage. Elle se pose ici ou là, en extérieur, sur les places, aux angles des rues, en intérieur aussi comme aujourd’hui au cœur de ce festival qui fait la part belle à l’inattendu, à l’ailleurs.
Elle accueille le public au plus près de lui, dans ses rangs. Elle joue de ses mains, de ses doigts, de sa bouche. Elle frappe son buste, ses hanches en cadence. Naît alors une musique étrange. Lior sourit, chantonne une langue venue d’ailleurs. Est-ce bien une langue ? Dans les premières minutes — instants fragiles pour nous apprivoiser — elle vient même toucher les spectateurs, s’amuser un peu de leur corps comme du sien. Le public rit volontiers de cette gestuelle étrange, de cette part d’enfance quand elle s’empare de leurs petites bouteilles d’eau, arrache leurs étiquettes, en fait naître des sons… « Faire place à l’inconnu », inventer au fil du spectacle, faire son, musique de tout. « Tout ce que je vois je le fais sonner », au risque du n’importe quoi… Au risque de l’échec sans aucun doute.
Le propos de Lior ? « Laisser la vie nous traverser… et la vie, elle, elle s’en fout ! »
Puis, lentement elle gagne la scène qui s’éclairera par instants d’une guirlande de petites lampes blanches, parfois seulement une ampoule qui se balance obstinée devant son visage. L’éclairage reste faible, sans couleurs mais intimiste, à moins que ce ne soit l’éclairage nocturne d’un coin de rue. Il nous semble à l’unisson de la tenue de l’artiste. Lior ce soir est vêtue d’une sorte de chasuble grise, toute droite, sur pantalon noir. Elle n’est ni d’aujourd’hui, ni d’hier. Malgré ses mimiques, malgré son évidente maîtrise du jeu de clown, elle pourrait ressembler à un être revenu d’une longue route… pas forcément joyeuse… une épreuve. Un petit être qui se bat pour gagner sa part de rêve malgré tout. D’ailleurs sa voix nous le dit : elle semble s’être brisée contre les aspérités du chemin, contre des rochers un jour de tempête en mer. Contre le vent, un jour, elle s’est voilée.
Musicalement, elle joue de tout petits instruments, juste à la dimension nécessaire pour être transportés dans un sac à dos : piano à pouces, ukulélés, clochettes. On aimera particulièrement l’instant où elle s’assoit pour jouer du hang qui laisse échapper ces sons métalliques et si doux ou bien celui où elle s’attarde à jouer d’un jeu musical pour enfant. S’ensuivent bruitages d’animaux, plusieurs langues… Elle paraît chercher, tout le temps. Elle le dit, le chante, on ne sait plus bien… Elle cherche à être là, dans l’intensité de l’instant et nous fait vivre cette quête continue. Elle laisse échapper ce cri : « Je suis perdue, perdue, perdue »… Car il y a tant à apprendre, à comprendre…
En fin de spectacle elle s’en va chercher dans le public un spectateur, engage avec lui un échauffement du corps, puis un duo de tubes en plastique… Échange improbable !
C’est avec un sac en plastique que l’on peut sans doute approcher le sens de son spectacle, jouant du bruit qu’il provoque froissé entre ses paumes. « Comment tu fais pour être aussi léger ?… Un jour, j’apprendrai à faire comme toi, me remplir et me vider… » Et bien sûr, elle voudrait faire voler ce sac… et voler avec lui…
Voilà, Lior Shoov, c’est une invitation poétique à goûter l’inconnu, à se perdre avec elle dans d’improbables expériences sonores, dans ce jeu entre le réel et l’imaginaire, entre soi et l’autre.
C’est aborder l’énigme du spectacle vivant.