Olivier Daguerre – Bookstore - Biarritz(©Claude Fèvre)

Oli­vier Daguerre – Books­tore – Biar­ritz (© Claude Fèvre)

10 & 11 février 2017 Concert et showcase
Sortie du livre-disque La nuit traversée

illustré par Sarane Mathis, avec le récit de Mély Vintilhac, paru chez LamaOEditions 

avec Oli­vier Daguerre (paroles et musiques, chant, gui­tares), Mickaël Bentz (arran­ge­ments, vio­lon, pia­no, orgue, gui­tare élec­trique, pro­gram­ma­tion, chœurs), Michel Mous­sel (basse)

L’Atabal & Librairie Bookstore – Biarritz (Pyrénées Atlantiques)

Il est enfin venu le temps de la scène, le temps d’incarner ses nou­velles chan­sons, de leur don­ner corps. On les habille de rêves, de sons, de lumières pour qu’elles cognent au cœur du public, aillent se glis­ser sous la peau.

« Prends ces mots dans tes mains et sens leurs pieds agiles /​Et sens leur cœur qui bat comme celui d’un chien… » écrit Ray­mond Que­neau . La chair chaude des mots, c’est aus­si celle des chan­sons. Dis­pa­rates, bario­lées, cha­mar­rées, on n’en finit jamais d’en faire le portrait.

Biar­ritz. Il est 17 heures dans cette jour­née d’hiver où le ciel vient se confondre avec la houle océane. Un jour où tout reste obs­ti­né­ment gris mal­gré le luxe des vitrines et les vil­las au charme d’un autre temps. Les vagues lèchent main­te­nant la pro­me­nade en grandes rafales.

On se glisse alors volon­tiers dans la librai­rie Books­tore, à quelques mètres de la plage et du Casi­no. Les livres nous font escorte et nous tendent leurs cou­ver­tures comme autant de parts de rêves à vivre. Il est d’autres voyages en effet que ceux des routes et des mers. Comme celui que s’apprête à nous offrir au pre­mier étage Oli­vier Daguerre et sa gui­tare, accom­pa­gné de Mickaël Bentz, son pia­no toy et son violon.

Thé et petits fours… La librai­rie a soi­gné l’accueil dans l’espace déli­cieu­se­ment cos­su et minus­cule – une alcôve – où nous sommes ras­sem­blés à deux mètres du chanteur.

C’est avec La cou­leur de Bar­ba­ra que s’ouvre ce temps de concert inti­miste. Huit Chan­sons de ce nou­vel album. Autant dire qu’il suf­fit de lais­ser le regard errer au-delà des vitres pour y voir que « dehors/​Dans le ciel res­pire encore /​La dou­leur de Bar­ba­ra ». Pour entendre « Une voix /​Vio­lon­celle bles­séUn appel à l’amour ». Il faut le dire, c’est tendre et mélan­co­lique. Et nous aimons retrou­ver cette voix pro­fonde d’homme qui cherche un sens à la vie, ce visage tour­né vers ses orages inté­rieurs, ces yeux qui se ferment, et ce sou­rire fra­ter­nel qu’il pose sur Mickaël Bentz et sur nous tous. Il se veut ras­su­rant quand il nous parle, volon­tiers bla­gueur, et pour­tant ses chan­sons nous plongent loin dans nos peurs, nos doutes et nos chagrins.

Quand il ter­mine avec le titre épo­nyme La nuit tra­ver­sée, on per­çoit bien enten­du l’urgence d’un départ, d’une fuite. La guerre et le sang sont aux trousses et ne laissent guère d’autre choix que « Le risque d’affronter le tour­ment ». Mais on se dit aus­si, comme le chan­tait Bar­ba­ra, qu’« il est d’autres com­bats que le feu des mitrailles », que cha­cun de nous, même « Le deuil posé sur le comp­toir », même cabos­sé, « a le droit de rêver de la nuit tra­ver­sée ». On se dit alors que cet album, ce livre-disque est celui d’un espoir, certes fra­gile avec ses ailes de papillon qui cherche où se poser. Le récit de Mély Vin­til­hac ne s’achève-t-il pas sur cette injonc­tion « N’oublie pas les mots, ils t’empêcheront de tom­ber /​N’oublie pas la musique, elle te por­te­ra plus loin » ?

La veille au soir, dans la « salle de musique actuelle », L’Atabal, nous avons pu voir et entendre une autre ver­sion de ces chan­sons et d’autres anciennes. Une ver­sion – plus rock, plus vis­cé­rale – pré­pa­rée en rési­dence avec des lumières en har­mo­nie. Avec un troi­sième musi­cien, le bas­siste Michel Mous­sel, sil­houette sin­gu­lière qui rythme, balance, scande de tout son être. A com­men­cer par ses che­veux qui lui couvrent alors le visage ! Mickaël Bentz, lui, joue l’homme orchestre ou peu s’en faut. Vio­lon, pia­no, gui­tare… Il passe de l’un à l’autre avec une aisance qu’Olivier salue en venant jouer face à lui à plu­sieurs reprises. On a droit à des envo­lées ins­tru­men­tales qui donnent furieu­se­ment envie de dan­ser, de sau­ter sur place – On ne s’en prive pas dans la reprise de Pour deux et ses joyeux « La, la, la » au refrain . Comme atten­du, espé­ré, on est por­té plus haut, plus loin. On fait écho à l’énergie en scène, à la rage par­fois, comme Dans le silence des agneaux. 

Mais la ten­dresse, la ten­dresse… Ce cœur qui « explose en plein vol » et cet amour comme celui qui s’étale dans les mots, « Je ne pour­rai jamais conti­nuer si tu pars en pre­mier » et cette peur qui taraude, tou­jours. Alors « On ira dépo­ser nos cœurs à l’endroit qui fait peur »…

Oli­vier Daguerre est de ceux qui s’engagent en scène sans conces­sion. Il est habi­té de mots, « mots de cœur » évi­dem­ment. Habi­té de musiques tout autant. Il nous confie l’incident, acci­dent, sur­ve­nu pen­dant cette rési­dence de pré­pa­ra­tion du concert. La chute de sa gui­tare, sa Gib­son dont il parle comme d’un bien pré­cieux. Cette confi­dence il nous la devait. Car en scène- sur­tout une pre­mière fois- on est si petit, si fra­gile. Alors, pen­sez donc, un jour de pre­mière, sans sa Gibson… !

La scène c’est avant tout le lieu du par­tage, de la ren­contre. Oli­vier Daguerre nomme et salue ses musi­ciens à plu­sieurs reprises. Cette fois il y ajoute le nom du des­si­na­teur, celui de l’auteure, de l’éditrice… Car La nuit tra­ver­sée, c’est un livre, le maillage de trois uni­vers artis­tiques : récit et des­sins sont nés de la ren­contre des chan­sons. Une année de mails et de coups de fils à pro­po­ser, cor­ri­ger, modi­fier. Et voi­là que les chan­sons et leur chair chaude trouvent écho, ici et main­te­nant dans le public.

On ter­mine avec un rêve : entendre en scène le texte de Mély Vin­til­hac, lu, mis en voix, se mêler aux chan­sons pour que la « chair chaude » du récit prenne corps et vie à son tour.