Loïc Lantoine & VBETO (© René Pagès)

Loïc Lan­toine & VBETO  (© René Pagès)

4 février 2017 -Soirée de clôture du 16ème Détours de Chant – Loïc Lantoine & The Very Big Experimental Toubifri Orchestra 

avec

Loïc Lan­toine (Textes, Voix) et les musi­ciens du VBETO : vibra­phone Mélissa Acchiar­di | per­cus­sions Lio­nel Auber­non | trom­bones Aloïs Benoit, Grégory Jul­liard trom­pettes Félicien Bou­chot, Emma­nuelle Legros, Yan­nick Pir­ri | flûte Mathilde Bouillot
saxo­phones Stéphanie Aurières, Thi­baut Fon­ta­na, Antoine Mer­met, Yan­nick Nare­jos, Ben­ja­min Nid
basse Lucas Herc­berg | gui­tare François Mignot | cla­ri­nettes Elo­die Pas­quier | bat­te­rie Coren­tin Quemener

Le Théâtre des Mazades (Toulouse)

[…] L’artisan de la « chan­son pas chan­tée » s’est mis à chan­ter. Avant, il fai­sait « avec les moyens du bord » : « Ça n’était pas une esthé­tique. Je pen­sais que j’étais abso­lu­ment inca­pable de chan­ter. Puis on a repris Bras­sens dans le spec­tacle Les étran­gers fami­liers avec la Com­pa­gnie des Musiques à Ouïr. Ça m’a décom­plexé, j’ai de plus en plus de plai­sir à le faire. Ce qui est rigo­lo, c’est qu’aujourd’hui encore, j’entends ‘c’est mar­rant, on se rap­proche du chant là’, alors que moi, j’ai l’impression d’être Maria Cal­las… voi­là, c’est ma croix ! L’histoire de la chan­son pas chan­tée nous fai­sait rire, mais ça ne veut rien dire. Par­fois, on m’a dit ‘vous êtes un pré­cur­seur du slam’, mais pas du tout. Je suis un imbé­cile d’Armentières qui ne sait pas quoi faire de sa vie.« RFI Musique, Mai 2013
Chan­son pas chantée 

Quelle belle idée d’avoir invi­té Loïc Lan­toine accom­pa­gné par cet orchestre fou, fan­tasque, fou­traque ! Quelle belle idée d’en avoir fait la soi­rée de clô­ture de ce fes­ti­val déjà haut en couleurs !

Quand l’orchestre déboule dans les ran­gées de spec­ta­teurs, bruyant cor­tège car­na­va­lesque, on est en droit de se deman­der ce qu’il advien­dra de la tendre et bou­le­ver­sante com­pli­ci­té qu’offre Loïc Lan­toine avec son vieux com­plice Fran­çois Pier­ron. Allons-nous fris­son­ner à sa voix d’homme cabos­sé ? Allons-nous, au bord des larmes, écou­ter sa lec­ture de textes poé­tiques en diable, nour­ris d’amour ? Le ver­dict est par­ta­gé par tous autour de nous… Oui, les dix sept musi­ciens, per­cus­sions, bat­te­rie, cuivres, gui­tare élec­trique, leurs échap­pées dans des musiques ins­pi­rées de jazz, de rock, pop, leurs chœurs, voire leur chant et leurs per­cus­sions cor­po­relles font escorte à l’amour de Loïc Lantoine.

L’amour, maître mot de cette soi­rée. Cet artiste en scène comme dans la vie, affiche une dégaine d’homme de la rue, avec l’accent de sa terre du nord, avec ses mimiques – curieux lan­gage de timi­di­té, de réserve, de sen­si­bi­li­té à fleurs de cœur bat­tant – avec ses diva­ga­tions, ses apar­tés, ses anec­dotes, petit bouts de confi­dence entre les textes qui nous le rendent si proche, si fra­ter­nel. Comme dans cet aveu : « Je com­prends plus rien à rien » Ou bien « Pour me remettre d’aplomb entre les chan­sons – à savoir pour reve­nir à une tona­li­té sombre alors qu’il vient de plai­san­ter – je pense à un cha­ton mort » On rit bien sûr mais on est bien prêt d’y croire vraiment…

C’est de l’amour et une immense admi­ra­tion qu’il exprime, pour cet orchestre qui lui rend bien et dont la musique le par­court de petits mou­ve­ments des mains, des jambes. Il lève alors par­fois les yeux au ciel… C’est de l’amour pour l’humanité, celle des petits, des sans grade qu’il honore dès la pre­mière chan­son… « C’est nous qu’on s’ra les PDG quand les cigares chan­ge­ront de bouche… » C’est de l’amour pour nous, « Ladies and Gent­le­men et tout le trem­ble­ment », pour nous tous qui pou­vons nous recon­naître peu ou prou dans ces mots là : « Ah merde J’ai l’a­mour amer/​Le chœur en chaos Y a ma tête à terre/​J’ai le béguin bègue /​J” peux plus tra­vailler ». Nous tous qui rece­vons, comme lui, « une petite musique de mort » sur nos écrans de télé, qui ris­quons fort d’avoir « d’la merde dans nos urnes ». Atten­tion dan­ger quand « tout est calme, trop ». Nous tous qui nous recon­nais­sons bien un peu dans l’évocation de ses sou­ve­nirs, dans ce refrain « Je cours /​Dans l’autre sens de la terre /​Je cours et me fatigue /​Je ne rat­trape rien /​Et le temps ne me laisse /​Que sou­ve­nirs et regrets /​Mais je cours … /​Et vive­ment demain ! » Car, les textes de Loïc Lan­toine, c’est de l’amour fou pour la vie « Plus le manque est grand /​Plus la vie est belle ».

Bien sûr, c’est aus­si – et sur­tout ? – de l’amour pour Elle. Celle à qui il dédie ces vers : « Qu’on me redise un jour que l’a­mour n’a qu’un temps /​Tant que cour­ra l’a­mour, je t’ai­me­rai autant /​T’en fais pas mon amour /​Lais­sons le défi­ler /​Il est temps de s’é­tendre pour mieux le défier » Des mots à vous faire tom­ber amou­reux, ou du moins à vous récon­ci­lier avec l’amour, avec des mots que l’on a cru obso­lètes : « Je suis ta fin, ton toujours »… 

Com­ment enfin résis­ter à cet amour là ? Celui qu’il exprime juste avant de ter­mi­ner son concert par une cho­rale plus légère avec tout l’orchestre… Leur salut est alors un vibrant appel à la fra­ter­ni­té qu’il serait bon d’emporter, quelque part bien à l’abri dans un recoin de son cœur.

Il se pour­rait que nous en ayons besoin dans les mois à venir.

« C’est pas la fin, c’est une pause
J’ai tou­jours eu envie des autres
De sou­rire à celui qui ose
De fou rire au moindre des nôtres

C’est juste cas­ser la gueule au monde
Je sais on fait jamais assez
Je sais on en a bouf­fé de l’immonde
Et puis après ça va passer

Lais­sez vos lumières allumées
J’ai besoin de vous souvenir
Et si ce soir je vais pleurer
Ben demain je va revenir »