Jules Nectar –DDC - 2017 (© René Pagès)

Jules Nec­tar –DDC – 2017 (© René Pagès)

3 février 2017 – Jules Nectar en trio

avec Jules Nec­tar (Gui­tare voix) – Clé­ment Fois­seau (gui­tare élec­trique, basse) –Milu Mil­pop (Cla­viers, machine, per­cus­sion, voix)

Centre Culturel Alban Minville (Toulouse)

La Chan­son n’est-elle pas une langue sin­gu­lière, avec ses impé­ra­tifs, ses codes et la palette infi­nie de ses modes ? Emboi­tons le pas de l’écrivain Erik Orsen­na… Oui, oui, par­lons gram­maire… Enfin, disons, mise en forme de nos pen­sées. Pla­gions l’écrivain qui pour­suit ses aven­tures gram­ma­ti­cales en s’intéressant à la ponc­tua­tion. « Et la ponc­tua­tion n’a‑t-elle pas été inven­tée pour expri­mer les sen­ti­ments, mar­quer le rythme du cœur, noter les nuances affec­tives ? Alors com­ment ponc­tuer un texte ? Com­ment ani­mer sa vie ? Et si, au lieu de la subir, on la dan­sait ? »… Alors com­ment arran­ger musi­ca­le­ment un texte, com­ment le mettre en scène, en vie ?

Et si on dansait ?

Voi­là nous y sommes. En sui­vant le par­cours du tou­lou­sain Jules Nec­tar, en se sou­ve­nant de l’interprétation solo de ses chan­sons, puis en duo, trio… En venant à sa ren­contre aujourd’hui pour le décou­vrir dans un concert nour­ri de toutes les tech­niques sonores mises à sa por­tée, habillé de lumières. Après des rési­dences au Bijou puis à La Gespe à Tarbes, on en vient à cette ques­tion : Et si on dan­sait ? Car ce que pro­pose Jules Nec­tar nous trans­porte sur une piste de danse. Avec Clé­ment Fois­seau dis­cret et effi­cace à ses côtés, ponc­tua­tions de la gui­tare élec­trique, de la basse, avec l’étonnante, l’inattendue DJ Milu Mil­pop et sa voix. On est lit­té­ra­le­ment cap­té par sa minus­cule sil­houette et l’énergie qui s’en dégage. C’est presque un non sens, une aber­ra­tion de res­ter sage­ment assis à les écou­ter… Enfin, avouons qu’il nous en a fal­lu de la rete­nue, de la pudeur, pour ne pas aller danser !

On n’a rien oublié de Jules Nec­tar, seul avec sa gui­tare, sa valise dont il fai­sait une caisse de réso­nance. On aimait déjà son élé­gance – dans tous les sens du mot – sa capa­ci­té à faire face en scène à l’inattendu, se prê­tant volon­tiers à jouer au plus proche du public, gui­tare débran­chée. D’ailleurs il garde encore beau­coup de ce désir d’offrir des ins­tants où la tech­nique se tait, où les voix retrouvent leur accent de véri­té, puisque le trio chante ain­si deux titres. Et ce sont des moments impor­tants, parce qu’authentiques.

On aimait – et on aime – ses textes dépouillés de for­fan­te­rie, d’affectation ; ce sont sim­ple­ment ceux d’un homme sin­cère, confron­té au monde d’aujourd’hui, à la fois grave, tendre et sen­sible. On note­ra que la mise en lumière s’est aus­si ins­pi­rée de ces traits carac­té­ris­tiques d’un réper­toire vrai, en choi­sis­sant sim­ple­ment des lou­piotes, des ampoules nues accro­chées aux « retours » et sus­pen­dues dans les cintres, en tra­çant un cercle lumi­neux blanc autour de chaque musicien.

On suit le trio dans les gra­dua­tions des sen­ti­ments. Avec lui on se sent « seul et petit, une goutte au milieu de l’océan », ou bien on rate des trains qui auraient pu mener plus haut, plus loin, et on se retrouve « au fond d’une heure oubliée ». Quand des nuages noirs se font mena­çants, on aurait bien « envie de fer­mer les yeux et de ne plus prendre part à ce petit jeu ». Bien enten­du, il nous reste à évi­ter « les coups, les bleus », à essayer de sau­ver le meilleur de l’amour. Il nous reste à rêver, parce qu’on croit sou­vent que c’est « plus beau de l’autre côté ». Mais « com­ment faire pour pas­ser ? ». Com­ment ne pas faire bégayer l’Histoire, nous dit une nou­velle chan­son : « Je ne sais pas où on va – qui le sait ?- mais on y va tout droit … »

« Que ferons nous- de nos rêves ? »

Jules Nec­tar, un homme qui pose des ques­tions certes, mais qui regarde du côté de l’espoir, de l’entraide, de la confiance… Du côté de l’amour qui met « des lueurs dans [nos] nuits ». Sans doute faut-il y voir les rai­sons qui l’ont conduit un peu par­tout, des récom­penses de Vive la Reprise en 2014 aux sélec­tions régio­nales des Inouïs du Prin­temps de Bourges en 2015, et dans de nom­breuses salles et fes­ti­vals : Luxey, Albi, Bar­jac, Dax, Ivry-Sur-Seine, Paris, Mon­tau­ban, Concèze… Düs­sel­dorf (Alle­magne), Sta­ve­lot (Bel­gique), Saignelégier(Suisse). En somme, un véri­table artiste francophone !

Voi­ci donc un trio éner­gique, géné­reux, aux ins­pi­ra­tions élec­tro pop qui le rendent acces­sible à tout public d’aujourd’hui. Un trio qui rythme les sen­ti­ments, les sen­sa­tions de nos vies. Et si on dansait ?