Nicolas Jules – Le Bijou- 2017 (©René Pagès)

Nico­las Jules – Le Bijou- 2017 (© René Pagès)

2 février 2017 – 16e Détours de Chant – Nicolas Jules en trio

avec Nico­las Jules (gui­tare élec­trique, voix) – Clé­ment Petit (vio­lon­celle) – Roland Bour­bon (bat­te­rie, percussions)

Le Bijou (Toulouse)

On se sou­vient encore avec émo­tion de décembre 2015, du solo ébou­rif­fé, ébou­rif­fant de Nico­las Jules, dans la cave du Café Plùm. On se sou­vient d’avoir cher­ché les mots pour dire le para­doxe entre ses facé­ties et la dou­leur qui affleure à cha­cune de ses chan­sons. On aurait eu envie de conso­ler son petit cœur bles­sé. Il faut vous dire que le per­son­nage en scène, tout comme l’homme dans la vie, a quelque chose de pro­fon­dé­ment atten­dris­sant. Sa sil­houette, ses yeux grands ouverts, comme s’ils mar­quaient tou­jours un éton­ne­ment, sa cour­bette en fin de chan­son, ses ten­ta­tives cho­ré­gra­phiques – Ah la petite rota­tion du bas­sin ! – son atten­tion au moindre mou­ve­ment dans le public et sa capa­ci­té à en faire illi­co une blague. Tout cela lui confère un côté enfan­tin. Comme échap­pé d’un monde ima­gi­naire où bonnes fées et méchants loups se côtoient. Il paraît même qu’un ogre y rôde, prêt à le dévo­rer. Cet ogre est de mèche avec l’amour. Sûr, il l’a rencontré.

Le voi­ci donc aujourd’hui avec deux aco­lytes qui entrent en scène avec un léger déca­lage. Le temps pour lui de jouer avec nous, de ses silences, de ses mimiques de faux timide… Le temps de se lan­cer, boucles de gui­tare élec­trique à l’appui, dans une chan­son qui donne le ton : « Le vent a pris nos sou­pirs, l’océan pren­dra bien­tôt nos san­glots »… Arrivent alors deux mas­to­dontes (par­don !) deux gars qu’il pré­sente. L’un, Roland Bour­bon (onze ans de com­pa­gnon­nage avec Nico­las Jules) qua­li­fié de « phy­sique type de bor­de­lais », bat­teur de son état, dans une tenue de scène plu­tôt inat­ten­due : buste nu recou­vert d’un petit gilet, ber­mu­da, grosses chaus­sures. L’autre Clé­ment Petit, vio­lon­cel­liste, « tient du san­glier »… Ces deux là vont offrir un accom­pa­gne­ment musi­cal à la mesure de la déme­sure du verbe de Nico­las Jules. C’est plein de trou­vailles, d’inventions, de sur­prises… Comme s’il s’agissait d’une autre langue, d’un autre dis­cours en contre­point des mots. Aus­si fan­tai­siste, aus­si poé­tique… Ils inventent la musique du diable, de l’enfer – elle s’invite sou­vent – tout comme celle d’un jar­din d’Eden jamais atteint…

Au cours de ce voyage poé­tique, on entend une lettre, reçue « par hasard, par erreur » et son appel : « Embrasse-moi, avant que je dise n’importe quoi »… Voi­là, nous le savions, nous le pres­sen­tions. C’est bien ça ! S’il dit un peu n’importe quoi dans ses chan­sons, si les mots s’entrechoquent bizar­re­ment, font des entre­chats. S’ils nous peignent des mondes noc­turnes avec cette lune qui rend fou, des villes avec leurs enseignes qui inventent leurs paroles, avec la police, leurs phares, leur sirène, avec les gens qui vont à l’essentiel à petits pas pres­sés… Si pour dire ses sen­ti­ments, ses sen­sa­tions, il fait appel à tout un bes­tiaire étrange, faon, biche, chien –sur­tout celui du « désir [qui] aboie dans sa poi­trine » ! – cacha­lot, baleine rouge ou « loup pris dans la gueule du tigre » … C’est que l’amour lui échappe ou car­ré­ment le noie dans une « eau noire »… C’est alors que, pour échap­per au « diable à ses trousses », pour cal­mer ce cœur qui « tourne, tourne dans la béton­neuse », il « aiguise len­te­ment la lame d’un poème »…

Et c’est Crève-Silence, pro­chain album atten­du pour le 28 avril. Chan­sons écrites sur « papier bleu pour échap­per à la page blanche » ? Allez savoir !