Barjac, Fou rire (© Droits Réservés)

Bar­jac, Fou rire (© Droits Réservés)

2 août 2016 – Barjac m’en Chante, Eric Mie, Délinquante, Wally & Vincent Roca

avec Eric Mie, gui­tare voix, accom­pa­gné par Maël Nes­ti, gui­tare élec­trique, man­do­line, mélo­di­ca, Oli­vier Her­mann, contre­basseDélin­quante, Claire Ber­nar­dot & Céline Ribault, accor­déons voix – Wal­ly & Vincent Roca, voix, guitares

Chapiteau & cour du château – Barjac (Gard)

Un jour sin­gu­lier à Bar­jac, ce 2 août 2016. Peut-être les his­to­riens de la Chan­son diront –ils bien plus tard : C’est cette année là que tout a bas­cu­lé… Mais n’anticipons pas !

Un jour qui décoiffe ! Et l’on subo­dore qu’il en a même défri­sé quelques uns. Un vent de comé­die, d’humour sau­vage, d’ironie, de satire a souf­flé dans les platanes.

Pré­ci­sons tout de suite. Il s’agit bien de satire avec un « i » à moins que l’on ne veuille déjà riva­li­ser avec les trous­seurs, détrous­seurs de mots que sont Wal­ly et Vincent Roca. On avoue, on s’est bien amu­sé à lire l’expression qua­li­fiant Eric Mie de « Chan­son­nier saty­rique » ! Il y aurait effec­ti­ve­ment du satyre en lui. Il se pour­rait bien qu’il appar­tienne à la cohorte lubrique de Dio­ny­sos comme il a bien vou­lu nous le démon­trer. Faire reprendre en chœur « poils au cul » ou pire (!!) « Branle –toi » a de quoi lais­ser pan­tois le fes­ti­va­lier, voire le lec­teur de cette chro­nique. Bien enten­du réduire le concert d’Eric Mie à ces cita­tions là serait car­ré­ment mal­hon­nête. N’empêche ! On en est res­té sur… le cul !

Eric Mie est arri­vé sur la scène sur­chauf­fée – atten­tion ce n’est pas de l’ambiance dont il s’agit- en trio, gui­tare, gui­tare élec­trique, contre­basse. Musi­ca­le­ment, c’est déjà très, très plai­sant. C’est enle­vé, joyeux. La gui­tare élec­trique donne sa touche des six­ties, entre rock et blues… Bref, elle n’est pas pour rien dans le plai­sir que nous pre­nons à écou­ter l’artiste avec son petit quelque chose de Char­le­bois – la ron­deur, la tignasse ?– qui aurait tro­qué l’accent qué­bé­cois contre l’accent vos­gien. Côté dis­cours ce serait plu­tôt Fran­çois Béranger.

Il ne manque pas de dire qu’il y a 24 ans qu’il chante et que pour lui, Bar­jac « c’est la consé­cra­tion »… Dix ans qu’il frap­pait à la porte…

Pour don­ner le ton, dans sa pre­mière chan­son, il divise l’humanité en deux camps, celui des cons et celui des salauds. Il a vite choi­si le sien et nous aus­si. Il ne se contente pas d’être l’apôtre du roi des cons, il se dit aus­si magi­cien, men­ta­liste, trans­for­miste. Bref, ça part dans tous les sens à un rythme effré­né… Il tire à bout por­tant sur tout ce qui bouge et nous asservit.

Eric Mie se révèle un sacré comé­dien, un vrai pitre ! Il offre des moments sal­va­teurs de franche hila­ri­té notam­ment quand il nous joue le père /​père Noël un soir de 24 décembre ou quand il pré­tend vou­loir faire un tube… ça sonne creux for­cé­ment « ce tube du bon­heur bidon rem­pli de ciel bleu de fadaises »… Car pour le reste, ce serait plu­tôt sombre. Faut dire que notre actua­li­té lui donne toutes les rai­sons de s’en prendre à une répu­blique en lam­beaux, toutes les rai­sons d’agiter le dra­peau rouge, et sou­vent aus­si le noir ce qui nous vaut une superbe chan­son offerte à Louise Michel : « Reviens-nous avec tes illu­sions ! » Il va jusqu’à dire sa détes­ta­tion, et son amour aus­si, de sa terre ori­gi­nelle, Luné­ville. Drôle d’enfance sem­blable à beau­coup d’autres, drôle d’avenir à des­si­ner entre peste, lèpre, et cho­lé­ra au milieu. Alors com­ment sur­vivre ? Eric Mie répond par la ten­dresse, l’évasion, le rêve…l’amour sous toutes ses formes, et sur­tout fémi­nines, avec l’humour pour habiller le tout !

En somme nous avons ri, beau­coup ri au cours de cette qua­trième jour­née. C’était comme une évi­dence que l’on s’offrait là un bel exu­toire à nos angoisses et nos colères… A nos aga­ce­ments aus­si pour ce qui nous concerne.

Par­fois on serait las en effet d’entendre ces sem­pi­ter­nelles chan­sons d’amour raté(es). Sans saveur, sans ce petit grain indé­fi­nis­sable de folie qui carac­té­rise une écri­ture sin­gu­lière… On tourne sans fin autour de son ego, de sa petite vie inté­rieure. On reste dans sa bulle et l’on revoit le geste élo­quent de Romain Didier lors de la ren­contre mati­nale : tête bais­sée, mains recro­que­villées devant le visage, pour dire un monde étroit, fer­mé… Celui d’une chan­son qui se sclé­rose, qui ne bouge plus, n’évolue plus. Alors on aime, oui, qu’elle nous bous­cule, nous mette l’eau à la bouche, réveille nos émo­tions endor­mies, nous fasse fris­son­ner, pleu­rer – nous aimons les émo­tions fortes ! – nous fasse écla­ter de rire comme aujourd’hui.

Eric Mie et sa folie en scène d’abord, puis le duo  Délin­quante, la grande Céline et la petite Claire, leur conni­vence de femmes, façon Thel­ma et Louise en chan­son, et enfin Wal­ly qui ne recule devant aucun jeu de mots, jamais méchant, tou­jours joyeux, en duo hila­rant avec Vincent Roca que l’on vou­drait suivre défi­ni­ti­ve­ment dans son jar­din ima­gi­naire de mots en liberté.

Cette jour­née là a remis nos pen­dules à l’heure. Quelques fous furieux les avaient déré­glées. On vous le répète, le rire est sal­va­teur. Pour quelques heures il accorde un répit à nos peurs, à nos colères dans une guerre qui n’a pas de nom.