Troyes Chante – 2021(©Droits Réservés)

Troyes Chante – 2021(©Droits Réser­vés)

10 & 11 décembre 2021, Troyes Chante, deuxième rendez-vous

Avec

Garance & Valen­tin Van­der (textes, musiques, gui­tares, chant)


Théâtre le Quai– Troyes (Aube)

Ima­gi­ner un nou­veau lieu, de nou­veaux ren­dez-vous pour mettre en lumière cette chan­son qui peine à se faire connaître pour mille et une rai­sons que tout lec­teur ici connaît bien. Se lan­cer dans cette aven­ture contre vents et marées, contre sur­tout ce méchant virus qui mit un frein au pro­jet à peine esquis­sé… Bref, faire preuve de téna­ci­té, de rigueur, d’optimisme et sur­tout d’amour pour la Chan­son. C’est pré­ci­sé­ment ce qui anime la petite équipe autour de Fred Cas­tel qui n’en est pas à son coup d’essai, loin s’en faut. Après Chant de Gout­tières à Chau­mont (Haute-Marne) et l’expérience de 120 concerts, le voi­ci à Troyes, ville où s’exerce sa vie professionnelle.

Le pro­jet ? Le voi­ci : ce fut tout d’abord, lors de la créa­tion de l’association en août 2020 l’idée d’un fes­ti­val de quatre jours pré­vu en jan­vier 2021 et bien évi­dem­ment repor­té. Il aura bel et bien lieu pour­tant, le der­nier week-end de jan­vier pro­chain avec Marion Cou­si­neau, Fran­çois Rous­seau et son spec­tacle hom­mage à Alain Bashung, Yves Jamait (oui, vous avez bien lu !) Mèche et Fré­dé­ric Bobin avec son invi­té inat­ten­du (et de choix, !) Kent… Pour envi­sa­ger un tel ren­dez-vous, il fal­lait un sou­tien finan­cier – sou­li­gnons l’accompagnement de la muni­ci­pa­li­té et du dépar­te­ment – et un lieu. Consi­dé­rons que de bonnes fées ses sont pen­chées sur le ber­ceau de l’association Troyes Chante avec la ren­contre des comé­diens admi­nis­tra­teurs de la Cie de théâtre Les 3 Scènes, Chris­tian Bren­del et Maria-Pas­ca­line Nau­din, pro­prié­taires du Théâtre Le Quai. Car de ce théâtre des années Trente qu’ils louent à l’association pour ses soi­rées Chan­son, ils ont fait un véri­table écrin pour le spec­tacle vivant. La scène et son équi­pe­ment en son et lumières, la salle et sa jauge d’une cen­taine de places, l’espace de répé­ti­tion, les loges jusqu’à la cui­sine… le tout per­met d’accueillir dif­fu­seurs et artistes dans des condi­tions de confort exceptionnelles.

C’est donc dans ce décor de rêve – le mot n’est pas trop grand – que nous avons assis­té au der­nier week-end enchan­té. Le pré­cé­dent, en octobre, avait accueilli Gérard Morel et Liz Van Deuq. Pour l’heure, en effet, Troyes Chante pro­pose un week-end tous les deux mois avant de se pen­cher sur des pro­gram­ma­tions hors les murs, avec le sou­tien du Comi­té Dépar­te­men­tal du Tou­risme, ain­si que sur la pers­pec­tive d’un par­te­na­riat avec le Conser­va­toire et le célèbre fes­ti­val, Les Nuits de Cham­pagne. On ne sau­rait en effet par­ler Chan­son à Troyes sans consi­dé­rer ce fes­ti­val né en 1988, pro­gram­mant des têtes d’affiche, orga­ni­sant en novembre des ate­liers, des ren­contres un peu par­tout dans la ville, avec en point d’orgue, le grand chœur réunis­sant envi­ron 800 cho­ristes amateurs.

Nous voi­ci donc le ven­dre­di 10 décembre où Garance a chan­té face à une salle joli­ment trans­for­mée en caba­ret. Garance sait vous prendre par la main, ou plu­tôt par le cœur. Sa fran­chise, ses mots sans détours, elle vous les pro­pose dès son pre­mier titre et n’hésite pas à vous faire un clin d’œil enten­du au beau milieu de la chan­son : « Vous sen­tez l’amour ? » Le public est son par­te­naire, elle compte sur lui et elle a bien rai­son. Il lui rend bien et joue volon­tiers avec elle…

De l’amour il sera ques­tion certes, encore et tou­jours, mais avec elle, dans la lignée de son aînée Anne Syl­vestre, il fau­dra envi­sa­ger ses arcanes, ses mys­tères spé­ci­fi­que­ment fémi­nins. Voi­là que s’affiche le désir fémi­nin et l’on ne sau­rait trop la remer­cier de ce que nous jugeons encore une audace. Comme on ne sau­rait trop la remer­cier de son titre, deve­nu un emblème de notre résis­tance fémi­nine aux malo­trus, rustres, gou­jats de tous poils, Jour de poisse, sans par­ler de cette gla­çante confi­dence J’prends des coups. Bien sûr, elle exprime le besoin de soli­tude, de repli, d’effacement par­fois, mais aus­si « le temps qui secoue, qui dégrin­gole ». On se sent si proche d’elle quand elle est amou­reuse, « Je ver­se­rai dans ta tasse de thé tout ce que j’ai pour toi de sucré… », si proche d’elle quand elle chante l’espoir ou « la mélan­co­lie sous [son] armure », quand elle pro­fesse la soro­ri­té… On veut bien alors faire par­tie de sa liste !

Le len­de­main, pour signi­fier le choix de Troyes Chante de s’appuyer sur des par­te­na­riats locaux, une pre­mière par­tie est d’abord pro­po­sée à un membre de l’association Les Clefs de Scène. Le temps pour nous de se deman­der ce qui peut bien dis­tin­guer un ama­teur d’un pro­fes­sion­nel ? Cette fois avec Tho­mas Schau­der alias Mon­sieur Hibou, on appré­cie­ra la voix, le choix ori­gi­nal des reprises : Saint-Etienne de Ber­nard Lavilliers, Sen­ti­ments numé­riques de Hubert Felix Tié­faine, Le roi boi­teux de Georges Bras­sens...

Valen­tin Van­der, c’est un peu le fran­gin de Garance, tant on les devine de la même famille, de cette jeu­nesse qui chante « sur la pointe du cœur » avec ce qu’il faut de sim­pli­ci­té de géné­ro­si­té et d’humour pour se conci­lier immé­dia­te­ment le public. Valen­tin est joyeux, volon­tiers far­ceur et on aime ça. Les chan­sons de son der­nier album nous sont chères ; nous avons déjà dit qu’elles dis­til­lent le goût d’être heu­reux même si par­tout autour de nous s’invitent les mau­vaises pro­phé­ties… Le concert com­mence avec une véri­table envie d’écrire, de cou­rir, d’aimer, de chan­ter… de vivre enfin ! Et nous nous lais­se­rons faire à coup d’optimisme, de ten­dresse, de fan­tai­sie – ce que nous aimons ce brin sur­réa­liste « La femme de ma vie n’est peut-être pas faite pour moi » ou bien « Toutes mes nanas, elles ont un mec ». Bien sûr on lui sera recon­nais­sant de s’être lan­cé dans le défi d’interpréter, accom­pa­gné à la gui­tare élec­trique le fameux mor­ceau d’accordéon de Joseph Colom­bo et Tony Mure­na, et le texte inimi­table d’André Min­vielle, La vie d’ici basd’inviter Tho­mas à inter­pré­ter en duo avec lui un titre d’Yves Jamait et de nous chan­ter quelques goguettes, mais sans doute plus encore d’avoir mis déli­ca­te­ment en musique Ver­laine, « Il pleure dans mon cœur /​Comme il pleut sur la ville ; /​Quelle est cette lan­gueur /​Qui pénètre mon cœur ?… »

Reste à consi­dé­rer la sur­vie de ce pro­jet, de ces ren­dez-vous. Il va de soi que si les deux week-ends de lan­ce­ment ont réuni un petit public – pour­tant pas si petit, si l’on consi­dère le contexte sani­taire – il fau­dra par­ve­nir à atti­rer à peu près le double. La ville de Troyes a‑t-elle ce poten­tiel, ces curieux qui fini­ront par faire confiance, qui n’attendront pas d’avoir vu ou enten­du par­ler de ces artistes pour réser­ver leur soi­rée ? Nous savons que l’équipe doit pou­voir comp­ter sur les forces vives de cette chan­son que nous défendons.

Et si on y croyait ?