Nicolas Jules (© Claude Fèvre)

Nico­las Jules (© Claude Fèvre)

10 décembre 2015 Festival Comme ça nous chante – Nicolas Jules

Café Plum, Lautrec (Tarn)

Nico­las Jules en solo c’est une expé­rience de spec­ta­teur qui donne envie de remettre le cou­vert puisque tout y est impré­vu, impré­vi­sible et que vous ne ver­rez jamais le même concert. Il a pré­ve­nu au micro de René Pagès quelques heures avant sur Radio Rd’autan : « Ce soir, je ne sais pas ce que je vais chan­ter ». Effec­ti­ve­ment, il se lance illi­co, à peine arri­vé en scène, dans un numé­ro de funam­bule où le spec­ta­teur devient un com­plice mal­gré lui. Si « chan­ter c’est lan­cer des balles », il en lance, Nico­las, et vous pou­vez à tout moment en rece­voir une sur le crâne ! Même la blog­geuse-jour­na­liste, pour­tant dis­crè­te­ment ins­tal­lée sur sa gauche bien à l’abri de ses regards – croit-elle à tort – sera de la par­tie. Du coup, toutes ses pho­tos seront inutilisables !

Le gar­çon a plus d’un tour dans son sac à malices, dont par­fois on ne sait plus quoi pen­ser. Tout y passe : le temps mis pour arri­ver jusqu’à Lau­trec, la cave où se joue le concert, « accueillante mais insa­lubre », l’arrivée des spec­ta­teurs, sur­tout les couples… Entre les chan­sons un tour­billon de plai­san­te­ries, de grif­fures plu­tôt, ce qui offre un spec­tacle à double entrée.

On rit beau­coup… on s’amuse aus­si de sa ges­tuelle (un drôle de petit mou­ve­ment du genou droit), de ses mimiques, du mou­ve­ment enfan­tin de sa main dans ses che­veux qu’elle ébou­riffe tou­jours un peu plus, de ses ges­ti­cu­la­tions, ses ten­ta­tives de cho­ré­gra­phie, ses cour­bettes de bal­le­rine en fin de chan­son, de son jeu de gui­tare élec­trique qu’il mal­mène aus­si par­fois. Il lui arrache des sons déchi­rants, lar­moyants même. Et c’est là que l’on pour­rait alors ne plus rire du tout. Car le conte­nu des chan­sons, lui, ne prête pas vrai­ment à rire ou si peu…

Il y est beau­coup ques­tion du couple, de ses bles­sures, de ses errances, de ses petites morts impa­rables. « L’amour est une sale bête qui ne s’attrape pas faci­le­ment ». Tout est si fra­gile en ce domaine où « la véri­té vraie ne s’écrit qu’à la gomme ». Rien d’étonnant à ce qu’il choi­sisse en reprise Les mou­tons de Panurge de Bras­sens, avec cette ten­dresse par­ti­cu­lière pour « les vénus de la vieille école /​Celles qui font l’amour par amour ».

Nico­las Jules affirme qu’il n’est pas poète, et pour­tant les mots écrits, chan­tés des­sinent de bien jolies ara­besques. Jugez-en plu­tôt avec celle-ci attra­pée au vol : « Dans le petit aqua­rium réser­vé aux sen­ti­ments, mon cœur est un cacha­lot, une baleine rouge »… Et c’est sur une très déli­cate chan­son de rup­ture qu’il nous quitte ce soir quand « le chien du désir aboie dans ma poi­trine »… et que « je quitte le feu rouge de tes lèvres ».

Pas poète a‑t-il dit…

On va même feindre de le croire quand il dit que c’est son der­nier concert, qu’il en a plein le cul de la chan­son. Doré­na­vant il se consa­cre­ra à la danse !

Allez, Nico­las Jules, cesse ton numé­ro. On t’a décou­vert. C’est pour te faire par­don­ner toutes ces chan­sons noires que tu nous pré­pares encore que tu fais tant le clown ? Mais nous les clowns, on les aime, tu sais.