Davy Kilembé– Danser les mots (©Stef Saint e)

Davy Kilem­bé - Dan­ser les mots  (© Stef Saint e)

23 février 2017 ‑Sortie de l’album Danser les mots

Avec Davy Kilem­bé (Chant, arran­ge­ments, gui­tare, per­cus­sions, basse, cla­vier) – Guillaume Bou­thie (contre­basse, chœurs) – Eric Flan­drin ( Bat­te­rie, per­cus­sions) – Ben­ja­min Facon­nier (trom­pette) – Mat­thias Coste ( Trom­bone) – Jean-Paul Sire ( accor­déon, ban­do­néon) – par­ti­ci­pa­tion au chant de Syl­vie Dubreuil, Marc Des­so­las (Sadig Song), Gabriel M ( Comme) – par­ti­ci­pa­tion aux textes Marc Estève, Alain Sour­rigues, Syl­vie Dubreuil & Marc Dessolas

Amu­sons-nous à don­ner une cou­leur – des cou­leurs – à ces chan­sons de Davy Kilem­bé qui vont prendre leur envol avec le prin­temps. Dans son coin de France du Sud, il ne tar­de­ra pas à éclore. C’est un texte de Marc Estève, Mille excuses et sans regret, qui nous souffle le bleu, le jaune et les roses chers au fau­visme. On peut d’ailleurs sans risque de se trom­per, ima­gi­ner qu’il s’agit là d’une chan­son qui claque au vent comme un fanion de fête foraine, comme un cre­do de mécréant. « Et nager dans la brise /​Ou l’ombre des ter­rasses /​Quand les palais s’anisent ou pilent devant les glaces »… « Sous le soleil exac­te­ment, juste en des­sous » aurait-on chan­té en d’autres temps car « la vie serait moins pénible au soleil »… Pas ques­tion donc d’aller « s’enterrer dans les salons feu­trés d’un para­dis sur Seine ».

Pour avoir pas mal par­ta­gé de gais moments avec cet artiste, nous savons que ce ne sont pas mots de cir­cons­tance. Avec le soleil, avec le goût des détours, des errances, loin des grands axes, avec l’amitié qui prend le quart, avec l’indépendance et la liber­té, Davy Kilem­bé a fait un choix de vie d’artiste qui lorgne obs­ti­né­ment vers la gaî­té. Et il la chante.

Certes il ne sau­rait tota­le­ment igno­rer les com­bats à mener quand on n’est pas « d’ceux nés dans les beaux quar­tiers, les palaces … Il y a juste à s’armer de cou­rage… » Et Davy Kilem­bé de chan­ter un refrain qui n’aurait aucun mal à faire un tube en radio… « Pagayer, sur les grands fleuves, Pagayer, Pagayer, Qu’il neige, qu’il vente ou qu’il pleuve… ». Par­fois on a bien le sen­ti­ment de faire des efforts pour rien, de « péda­ler dans la chou­croute /​On mou­line, on patine /​Sur des che­mins semé de doutes … Tel l’maillot à poids… Davy Kilem­bé pré­fère donc en sou­rire. Tout comme dans la superbe chan­son d’Alain Sou­rigues, la Rue de la pou­pée qui tousse, cette femme qui clau­dique, cette « rousse en bot­tines [qui ] pousse un lan­dau dont les roues couinentren­gaine acerbe de la vie – et qui pré­fère rire de ce vent « qui la pousse en avant ». On sait aus­si que nous avons à nous méfier des rois qui vou­draient nous tra­cer le même des­tin, nous voir vivre dans des « mai­sons bien ali­gnées en rangs d’oignons… Tous les gens de la même cou­leur /​Le même par­fum /​La même odeur /​Par­tout.

Nous avons enten­du un cer­tain nombre de ces titres déjà, dans son EP Mel­low, il y a un an, puis avec la tour­née des Didou­dingues. Aujourd’hui les voi­ci avec leurs cou­leurs à dan­ser, à trois temps ou moins, ou plus, reg­gae, calyp­so… avec trom­pette et trom­bone, ban­do­néon, accor­déon qui s’invitent. Quelques chan­sons très courtes se sont glis­sées, avec cette voix venue des temps enfouis, celle des 78 tours qui gré­sille sur le phonographe.

Car cet album rend aus­si hom­mage aux chan­sons d’avant comme Dans le trou où plane l’ombre de la mort pré­coce du poète Mor­ris­son  – comme un aver­tis­se­ment à cette bande d’ados qui croit que « C’est pas d’main qu’on des­cend » ou bien dans cette Sadic song, textes de Syl­vie Dubreuil et Marc Des­so­las, lor­gnant du côté de Boris Vian, de l’amour qui fait mal, « J’voudrais qu’ça saigne, qu’ça dégou­line /​Que ça ne fasse pas sem­blant… ». Mais sur­tout Davy Kilem­bé salue ses « maîtres » dans Mel­low, titre qui clôt cet album, quelques grands noms aux côtés de Bras­sens – celui qu’il honore en scène et sur disque. Bien enten­du on recon­naît l’influence du petit tau­reau tou­lou­sain dans le refrain et sa scan­sion : « Mon sty­lo tra­duit l’émo-tion /​Pour toi ma mélo­die mes mots /​J’tisse mon flow avec dévo –tion. »… Et dans le titre même de l’album : Dan­ser les mots… « Dan­sez sur moi dan­sez sur moi /​Le soir de vos fian­çailles /​Dan­sez des­sus mes vers lui­sants /​Comme un par­quet de Versailles ».

Et l’amour ? On s’amusera sans doute de cette jon­gle­rie de mots « Por­ter le cha­peau », de ce « crâne qui vou­drait bien prendre le soleil », ne plus avoir à endos­ser la res­pon­sa­bi­li­té d’une baga­telle, d’une chi­noi­se­rie « dans les bras de Mar­got »… Mais sur­tout on avoue­ra un net pen­chant pour la chan­son inti­tu­lée « Comme » où alternent deux voix d’homme, celles de Davy Kilem­bé et de Gabriel M. Elle suit à pro­pos la chan­son courte inti­tu­lée Le dédain. C’est un appel à l’amour pour­tant assez conven­tion­nel, même en anglais dans le refrain « Before the night is coming /​Please make my sun shine.” Une suc­ces­sion de vingt quatre ter­cets, avec un ban­do­néon lan­gou­reux, pour peindre la sen­sa­tion du manque, de l’absence… Choi­sis­sez … Comme un aveugle per­du /​Errant dans les rues /​Pour retrou­ver son chien…Comme un musi­cien sans doigt /​Qui n’entend plus le la /​Qui attend la coda… Comme un comé­dien sans âme /​Qui joue son propre drame /​Un clown, un sal­tim­banque… Comme une île déserte/​Qui serait décou­verte /​Par le der­nier des hommes… Il y a vingt autres com­pa­rai­sons… Et nous les aimons toutes… C’est si dur le manque.