B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

Cou­rant d’Airs- BATLIK (© Claude Fèvre )

7 octobre 2016 -

Concert de BATLIK- 1ère partie BURIDANE

avec  Bat­lik (Gui­tares) et Raoul son chien – Sor­tie de son onzième album, XI lieux – Buri­dane (gui­tare, voix) 1ère partie

Théâtre Inox (Bordeaux)

Avant de deve­nir chan­teur-com­po­si­teur-arran­geur de ses propres créa­tions, il y a 12 ans, Bat­lik s’appelait Sté­phane et enchaî­nait des mis­sions d’intérim dans le bâti­ment. « C’était des contrats courts, j’aimais bien ça. Ça res­semble un peu à la façon dont je tra­vaille main­te­nant. » Inter­mit­tent du spec­tacle, il ne fré­quente pas le sérail de la musique et avoue qu’il ne connais­sait pas du tout de ce milieu, jusqu’à sa ren­contre avec sa femme, une psy­cha­na­lyste. Le Pari­sien

Bat­lik : Une his­toire bien singulière 

Cette deuxième soi­rée s’ouvre en grâce avec Buri­dane. C’est à chaque concert, un bon­heur renou­ve­lé de décou­vrir sa sil­houette blonde et gra­cile. Sa bouche rouge et ce sou­rire qu’elle des­sine nous feraient aimer relire le poème de Jacques Pré­vert, Dans ma mai­son, et cette appa­ri­tion « Avec ta bouche rouge /​Comme les piments rouges pen­dus sur le mur blanc »… Aujourd’hui elle est pieds nus, habillée d’une robe noire très courte joli­ment agré­men­tée de den­telle. Sur­tout, ne pas se méprendre : la grâce et la beau­té ne riment pas avec légè­re­té. D’ailleurs son jeu très sub­til à la gui­tare, son phra­sé sin­gu­lier, ses mou­ve­ments du corps qui sou­lignent le poids des mots disent assez sa force et sa déter­mi­na­tion d’artiste et de femme.

De cette fémi­ni­té reven­di­quée elle ne fait ni séduc­tion ni conquête. Très loin de là… Les chan­sons de Buri­dane s‘en vont creu­ser leur sillon dans la pro­fon­deur du cœur qui s’affole, ques­tionne sans cesse sur l’éphémère, « Tout glisse et tout s’en va », l’inconstance, l’indifférence, qui par­fois nous tombe des­sus sans qu’on ait su s’en pro­té­ger « Qui de nous deux lais­se­ra l’autre sur le bord du che­min ? » : Elle s’avoue « faite de pré­ci­pices, de vides qui ne se rem­plissent pas »… Et tou­jours cette sen­sa­tion d’être prise entre ombre et lumière, « entre bas-fond et arc-en-ciel ». Elle appelle les femmes, ses sœurs bles­sées, vio­len­tées à la parole dévoi­lée : « Dis-leur, dis-leur tout ce que tu as sur le cœur ». On aime cette ardente déter­mi­na­tion à faire des chan­sons des pas­se­relles vers les autres pour pou­voir dire, comme elle le fait ce soir, gui­tare débran­chée, au plus près du public : « C’est beau…j’avance… »

Buri­dane, sub­tile et pro­fonde entrée en matière pour accueillir ensuite Bat­lik et ses nou­velles chan­sons, le jour même de la sor­tie de son onzième album. Un solo ? Pas vrai­ment. Il est entou­ré de ses six gui­tares dont il joue alter­na­ti­ve­ment avec un brio stu­pé­fiant – on se croi­rait par­fois face à une véri­table for­ma­tion. Et puis, on ne sau­rait oublier son gros chien noir, Raoul qui s’en va pro­me­ner lon­gue­ment son flair par­mi les spec­ta­teurs avant de se cou­cher, tran­quille, en fond de scène. Sait-il Raoul qu’une chan­son lui fait dire ses états d’âme d’animal domes­tique, qu’il ins­pire à son maître une belle décla­ra­tion d’amour fidèle à l’entre deux, son huis clos amou­reux ? « Main­te­nant je suis chien /​fidèle et mort de faim /​un clebs pra­ti­quant /​et la rime et le chant ».Tout comme Buri­dane – Saluons l’harmonie de la pro­gram­ma­tion de l’association Bor­deaux Chan­son – Bat­lik peint devant nous ses pay­sages inté­rieurs, ces lieux qui sont autant d’interrogations d’homme d’aujourd’hui. Les titres sont ses voyages intimes, ses haltes : Ailleurs – Ici bas – Para­dis – Là où rien ne va – Sous la voûte…. On y voit poindre, même Au bord de l’abime de déli­cates appa­ri­tions « petite Mar­gue­rite quitte /​sa jolie robe blanche /​enfile son col rou­lé /​et dou­ce­ment se penche » … Mais la peur, la déso­la­tion règnent par­tout Ailleurs, même là où « « Dame nature /​a fait preuve d’indulgence … miel fruits et confitures…se trouvent en abon­dance » par­tout c’est le même constat : « la pro­por­tion d’en­ne­mis /​est la même qu’à Paris ». Le constat est dou­lou­reux : Au nom de ça au nom de toi /​au nom du mieux au nom de Dieu/​tous les para­dis sont construits /​sur des cadavres ou des adieux. Face à la bar­ba­rie que l’on croyait écar­tée à coup d’humanisme et de Lumières, que reste –t‑il ? Il reste à sau­ver les fleurs : « je ven­drai ma mai­son /​à celui qui n’y cou­pe­ra pas les fleurs /​et comme il ne vient pas /​j’at­tends ». 

C’est fou quand on y pense…