Expérience ACADIE – Danny Boudreau au Café Plùm (juillet 2017) (© Claude Fèvre)
8 juillet 2017 – Festival Pause Guitare hors les murs
Scène découverte de L’Acadie du Nouveau-Brunswick
Avec Pierre Guitard, Danny Boudreau, Joey Robin Haché
Café Plùm – Lautrec (Tarn)
De toute évidence, la tentative visant à éliminer le peuple acadien en 1755 (« Le Grand Dérangement ») n’a pas réussi. Les Acadiens et les Acadiennes forment encore aujourd’hui des communautés plus dynamiques que jamais en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et aux Îles-de-la-Madeleine. On trouve aussi au Québec, aux îles Saint-Pierre et Miquelon, en France et, bien sûr, en Louisiane des descendants des déportés ou des réfugiés qui ont conservé leur langue, leur culture et leurs traditions. Tous ensemble, ils constituent ce qu’on appelle aujourd’hui la Grande Acadie.
Les Acadiens au café Plùm vont-ils chanter, vont-ils danser sur le violon ? Impossible de prononcer le mot « Acadiens » sans entendre Michel Fugain, sans revoir en mémoire le Big Bazar…
Qui sont-ils donc ces lointains cousins, descendants de poitevins, angevins, basques ou bretons ? Le savons-nous ici, en Occitanie ? À Lautrec ? Pas sûr… Et le passeport acadien qui nous est remis symboliquement nous est bien utile, avouons !
Ces Acadiens en visite – grâce au festival Pause Guitare qui les accueille pour la troisième année – nous viennent du Nouveau-Brunswick, province située à l’Est du Canada, la seule officiellement bilingue. Là-bas, à 5 500 kms d’ici, ils représentent plus de 33 % de la population. On sent chez chacun de ceux qui prennent la parole pour présenter cette scène francophone, une farouche volonté de montrer la vitalité de la scène acadienne.
Cette partie de la francophonie nous apparaît presque comme un petit miracle dans un continent dominé par la langue anglaise. C’est une sacrée leçon de courage, de ténacité, d’amour… On pense à d’autres peuples dominés qui ont su, malgré l’oppression, sauver ce qu’ils avaient de plus cher : leur langue. On pense par exemple aux Grecs dominés pendant quatre siècles par les Turcs… L’Acadie qui a été rayée de la carte, dont le peuple a été déporté, éparpillé partout au mitan du XVIIIe siècle, survit pourtant à travers cette culture, cette langue qui nous rassemble.
Disons tout net que c’est émouvant d’imaginer la foi dont il faut faire preuve pour que la pensée continue de s’exprimer dans une langue minoritaire. Cette foi s’illustre dans le drapeau de l’Acadie, notre drapeau tricolore auquel s’ajoute l’étoile d’or dans la partie bleue, et dans son hymne… Un peuple qui s’en remet à la Vierge, comme le font les marins.
Parmi ceux que nous écoutons aujourd’hui – une vingtaine de minutes chacun – c’est sans doute Danny Boudreau qui représente le plus cet engagement, cette détermination à défendre et illustrer son patrimoine culturel. Partout, en Europe, en Afrique, au Canada et aux États-Unis il véhicule les noms des poètes acadiens. D’abord en sextet – accordéon, violon, guitares, basse, batterie – puis en trio et enfin en duo avec le violoniste, il donne une idée de son univers qu’il emprunte fréquemment à d’autres auteurs. On aime ce mélange de pop-folk et d’airs traditionnels où le violon met son empreinte. « Quand Jules est au violon /Et Léon à l´accordéon /Faudrait avoir deux jambes de bois /Pour ne pas danser la polka, chantait Gilbert Bécaud… On a pu le vérifier aujourd’hui : le violoneux, c’est celui qui fait pleurer, qui fait danser tout pareillement… On a aimé l’émotion de la dernière chanson, simple, populaire avec ce refrain où apparaît le portrait du père dans le salon… Ce père besogneux, porté sur le gin et qui faisait brailler la mère.
De l’émotion on aurait aimé en avoir aussi en écoutant en ouverture de cette vitrine acadienne le jeune Pierre Guitard dans son quartet plutôt rock. Disons qu’il faut attendre une ballade, nettement plus douce, pour que l’on accède au sens des paroles. Quand le « frappeur de casseroles » se calme un peu. C’est ainsi que Joey, qui vient plus tard, a nommé le batteur. Expression tellement juste parfois !!… Des histoires d’amour ? Oui, on croit en saisir les douleurs, les blessures… D’ailleurs avec humour le chanteur avoue « Mes chansons ne traitent pas vraiment du bonheur… » Il parle d’« embouteillage des émotions » – nous aimons cette expression imagée. Mais on regrette surtout l’absence d’échange, de connivence – perceptible du moins – entre les membres du groupe.
La dernière découverte est celle de Joey Robin Haché. Un « show man » – pardon, un homme de scène – ce gars-là ! Une vraie jubilation à chanter ! Avant de commencer il mime, amusé, Elvis Presley… Hé bien, comme lui, il finira au sol, jambes en l’air, guitare sur le ventre ! Ses yeux pétillent de malice derrière ses lunettes. Cette fois nous aimerons particulièrement ce qui se passe entre les quatre musiciens. On avoue avoir été peu attentive à ce qui se disait dans les paroles, divertie sans aucun doute par la présence charismatique du chanteur. D’ailleurs, on s’en est même amusée, autorisée en cela par le bassiste-trompettiste mimant : « Loin de chez moi /Loin de chez toi /Loin de tout /Loin des vagues… » Bref, c’était dynamique, enjoué. Idéal, pour clore cette matinée.
Au café – librairie Plùm on préparait déjà le repas de midi, sous le vieux tilleul de la cour. Histoire de démontrer qu’ici on s’attache à toutes les sources de plaisirs. Les professionnels de la musique, invités là par Alain Navarro, directeur du festival, commentaient à l’envi la chance de ce département doté d’un si bel endroit. Tout l’été pas moins de soixante concerts vont y avoir lieu en plein air ! Toutes les musiques s’y invitent à l’heure de l’apéro… Une visite s’impose par ici – http://www.cafeplum.org/programmation-estivale-au-cafe-plum/ – C’est vrai qu’il fait rêver ce café Plùm et c’est important qu’un évènement comme Pause Guitare, à moins de trente kilomètres, y fasse une halte. On fait confiance à Alain et Annie Navarro pour ne pas oublier la dimension territoriale de leur festival, eux qui non contents d’être les âmes vives de ce grand évènement à Albi, organisent aussi Les Ptits Bouchons en avril à Gaillac et ses environs et Un bol d’Airs à Puyguzon en septembre.