L’Affaire Capucine– Relais de Poche –2019 – (© Claude Fèvre)

L’Affaire Capu­cine– Relais de Poche –2019 – (© Claude Fèvre)

9 février 2019, concert de L’affaire Capu­cine en quintet

Chan­son fan­tasque et onirique 

Avec

Auré­lie Lau­rence (cla­vier et chant), Camille Guei­rard (vio­lon­celle, chœurs), Franck Dunas (gui­tare, cla­vier, chœurs) Damien 

Jameau (basse, chœurs) Romain Levêque (bat­te­rie, percussions)


Le Relais de Poche – Ver­niolle (Ariège)

Ce soir Le relais de Poche en Ariège joue plei­ne­ment son rôle de défri­cheur… Quand le public nom­breux et joyeux s’installe autour du bon poêle, il est bien clair qu’il ne connaît pas le groupe qui va se pro­duire et qui nous vient de Tou­raine, après une halte au Café Plùm de Lautrec.

L’espace scé­nique est joli­ment déco­ré de blanc, ce blanc qui fait écho au der­nier visuel de L’Affaire Capu­cine, celui du pro­chain album qui sor­ti­ra offi­ciel­le­ment en avril. Auré­lie Lau­rence y appa­raît ouvrant la cage aux papillons blancs. Image de dou­ceur qui réplique à un incen­die, der­rière une ran­gée d’arbres, que l’on devine au loin, à l’arrière-plan… Preuve que nous ne sommes pas vrai­ment au pays de naïfs rêveurs.

C’est d’ailleurs avec une pointe d’ironie que la chan­teuse nous qua­li­fie­ra tous de « magi­ciens », capables de détruire la Terre en si peu de temps. Pour le signi­fier en chan­son, elle ima­gine le jour où la neige tom­be­ra pour la der­nière fois… Elle évoque aus­si dans une chan­son très émou­vante, qu’elle inter­prète seule au cla­vier, cette peau brune qui est la sienne, qui lui vaut tou­jours la même ques­tion sur ses ori­gines. L’occasion pour elle de chan­ter ce père qu’elle s’est inven­té « J’ai pas le rythme dans la peau /​Mais j’ai sa peau sur les osJ’ai mis du cœur à l’ouvrage /​Mais il reste un mirage »… Elle raconte son sou­ve­nir d’enfant de huit ans, en vacances à l’Île d’Oléron où elle faillit se noyer, vit se refer­mer au –des­sus d’elle un cercle. Elle en fit une de ses plus belles chan­sons « Est-ce que si le cercle se referme je me noie /​Est-ce que les sirènes en enfer se vou­voient… » C’est aus­si ce bord de mer qui lui est cher qui nous vaut une chan­son sur la perte, en l’occurrence la vente d’une mai­son de famille aux volets bleus… « C’est une enfance qui s’est ven­due cet été là… » On l’aura com­pris, la vie même est la source de ses chan­sons et l’on est bien prêt de la croire quand elle nous chante sa capa­ci­té à « [se] recons­ti­tuer » quand elle a « le nez dans la poussière…le sque­lette déman­te­lé… »

Lau­rence sou­rit, nous dit que « tout va bien » et se met à dan­ser les mots. Elle embel­lit la vie, la nôtre, ce soir à Ver­niolle, petit bourg d’Ariège.

Une ambiance bon enfant règne et règne­ra bien au-delà du concert, il n’y a pas à en dou­ter. Car, disons-le tout net, nous avons reçu une bras­sée de joie, une bras­sée de sou­rires. « Tout va bien se pas­ser », nous dit la chan­teuse pour accueil, pro­me­nant son regard et son sou­rire sur le public. « Si vous offrez un sou­rire, vous en rece­vez en retour… A nous tous, on peut faire des miracles… » C’est ain­si que s’est ouvert ce concert par une Col­lec­tion de sou­rires où déjà les quatre musi­ciens donnent la mesure de leur har­mo­nie. Car on ne sau­rait rendre compte de l’indéniable réus­site de ce groupe sans par­ler des arran­ge­ments sub­tils, de la déli­ca­tesse de la bat­te­rie et des per­cus­sions, glis­sant de temps à autre le son enfan­tin d’un carillon, de la pro­fon­deur lyrique du vio­lon­celle, de la basse mar­quant le tem­po, de la gui­tare alter­nant avec le cla­vier… On aura la joie d’entendre au cours de concert un ins­tru­men­tal superbe démon­trant, si besoin était, com­bien la musique par­ti­cipe à la réus­site de la soirée. 

Le plus sou­vent Auré­lie est au centre de la scène – de temps à autre elle rejoint le cla­vier – dans sa robe rouge qui lui des­sine un déli­cat décol­le­té, juste ce qu’il faut de fémi­ni­té, chaus­sée de paille­té argent, les mains des­si­nant dans l’espace un lan­gage gra­cieux… On appré­cie, ô com­bien, la tenue scé­nique de cha­cun, contri­buant à la grâce de l’ensemble. A tra­vers la ges­tuelle, par­fois une cho­ré­gra­phie, les textes annon­çant les chan­sons, on découvre le sens même de cette pro­fu­sion de sou­rires. Auré­lie Lau­rence raconte, se raconte… L’histoire n’est pas aus­si simple qu’il y paraît. Rejoi­gnant les inter­ro­ga­tions de quan­ti­té d’artistes aux prises avec la légi­ti­mi­té de leur créa­tion, elle évoque le choix qu’elle dut faire entre son métier d’éducatrice spé­cia­li­sée auprès d’enfants autistes et son goût pour la musique. La voi­là donc aujourd’hui une femme heu­reuse, une chan­teuse com­blée. Une autre vie a com­men­cé, une méta­mor­phose s’est opé­rée… « J’ai lais­sé ma peau au ves­tiaire » chante-t-elle… Ces trans­for­ma­tions qu’impose une vie, par­fois c’est grâce à une ren­contre que nous les fai­sons, comme cet homme qui, avec trois fois rien, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, lui fit un jour retrou­ver sa joie, en met­tant dans ses che­veux des papillons, des oiseaux, des fleurs… Une coif­fure de rêve…

Le rêve, voi­là le mot clef… A cha­cun le sien même si cer­tains peuvent paraître far­fe­lus, comme celui des col­lec­tion­neurs… Ou comme celui d’Aurélie enfant qui envoyait son billet à la mer dans une bou­teille, ou bien pen­du à un bal­lon, et qui jamais ne rece­vait de réponse… L’affaire Capu­cine c’est une invi­ta­tion à rêver, à ima­gi­ner, à des­si­ner le bon­heur pour qu’il arrive et dépose sur notre langue son goût sin­gu­lier, épi­cé ou sucré de menthe… Son goût du cœur.