Jean-François Grabowski – Carte Blanche au Bijou - 2018 (© Droits Réservés)

Jean-Fran­çois Gra­bows­ki – Carte Blanche au Bijou – 2018 (© Droits Réservés)

6 février 2018 – Concert de Jean-Fran­çois Grabowski

Carte Blanche au Bijou – Invi­té Phi­lippe Forcioli

Avec

Jean-Fran­çois Gra­bows­ki  (Gui­tare voix) Phi­lippe For­cio­li (Gui­tare, voix) et la par­ti­ci­pa­tion de Kiki, Ber­ni, Catoche et Oli­vier Gil


Le Bijou (Tou­louse)

Le maître d’œuvre de cette soi­rée porte sur lui, dans sa sil­houette, son visage, sa voix, la bon­ho­mie, la sim­pli­ci­té d’un bon vivant. Jean-Fran­çois Gra­bows­ki a quelque chose d’un Ber­nard Dimey de Mont­martre, la ron­deur, les petites lunettes, et sur­tout le réper­toire qui va droit au cœur, qui ne fait pas de chi­chis. Le public dans la salle du Bijou a lui aus­si cette fami­lia­ri­té… On sent vibrer toutes les émo­tions d’amis véri­tables. Quelque chose d’indéfinissable plane dans l’air, un petit rien d’enfance… et de bonheur.

A la volée, à la volette …

D’ailleurs à peine appa­ru sur la scène il s‘efface pour lais­ser place à Phi­lippe For­cio­li qui lui res­semble comme un frère. C’est un artiste, un poète majeur de la chan­son. Il serre les mots dans sa gorge, dans ses mains, les caresse, les dor­lote comme per­sonne. Il faut l’avoir vu, enten­du pour savoir ce que le corps, les gestes, la voix peuvent faire de cette matière vivante, vibrante, char­nelle que sont les mots. Il modèle ain­si les chan­sons de Georges Bras­sens, en fait des say­nètes qu’il nous semble décou­vrir. Il faut l’entendre dire, racon­ter Le grand chêne, La fille à cent sous, fai­sant mine de tenir un mégot au bout des doigts, Le nom­bril des femmes d’agents, L’enterrement de Paul Fort… On garde de ce concert l’image d’un homme qui incarne à lui seul la poé­sie. Il la nomme sim­ple­ment « un peu de folie ». Tout comme Jacques Pré­vert, pour l’incarner, la rendre sen­sible aux cœurs simples, il en appelle à l’oiseau et, de ses mains, il évoque le bat­te­ment de ses ailes, l’envol … « Oiseau, entre moi, s’il te plaît, dans ta ronde ». Il s’en va, « allu­meur de réver­bère », semer la poé­sie sur les che­mins. « Il faut mar­cher pour espé­rer trou­ver la vie aimable… des ailes aux pieds… des ailes au cœur. » Le poète, le chan­teur est inves­ti d’une mis­sion, « chan­ter pour déjouer les coups bas du des­tin /​Chan­ter pour saluer la bon­té du matin 

Chante à la volette /​Chante à l’aveuglette. »

Or, pour Phi­lippe For­cio­li ces mots ne sont pas seule­ment des images. Il ne s’en tient pas à un joli dis­cours en ren­dant grâce au mys­tère de notre vie sur terre, en chan­tant « Océans inson­dables et vol­cans endor­mis, c’est beau, c’est grand, c’est fou, c’est incom­pré­hen­sible ; on est plan­té là sans savoir pour­quoi… Toc un jour on meurt… » Il invite réel­le­ment à mar­cher « A pied sous le ciel », à ran­don­ner en com­pa­gnie de son ami Mar­tyn Neal, sur les che­mins de France et d’ailleurs. Cette année deux des­ti­na­tions : la val­lée du Vic­des­sos en Ariège et très loin d’ici, en Lor­raine, Ver­dun pour y chan­ter la Paix.

On devine que nous sommes déjà sous le charme de cette soi­rée quand Jean-Fran­çois accom­pagne à la gui­tare ensuite ses trois amies, nom­mées ami­ca­le­ment Kiki, Ber­ni, Catoche. Elles viennent répondre à cette invi­ta­tion avec sim­pli­ci­té et réel talent d’interprète. Elles ajoutent suc­ces­si­ve­ment leur note sen­sible, leur petit côté réa­liste aus­si, en nous rap­pe­lant La Non­cha­lante d’Emma­nuel Pari­selle, Dans le sac à main de la putain d’Allain Leprest et Dans la mai­son sur le port d’Ama­lia Rodri­guez. C’est Oli­vier Gil dont nous regret­tons sou­vent la pré­sence sur la scène tou­lou­saine d’au­jourd’­hui – chan­ge­ment de cap ! – à qui revient de conclure ce moment d’amitié avec sa chan­son Zazie l’a dit si joli­ment mise en musique par Jehan.

Voi­ci donc main­te­nant Jean-Fran­çois Gra­bows­ki. On se plaît à citer la plume de Louis-Laurent Dus­sel dans La dépêche du Midi, édi­tion du Gers, en octobre der­nier, à l’occasion de son retour dans son vil­lage de Mau­ve­zin : « On est de là où l’on a joué au rug­by. Sa voix cogne comme un gros caillou, avant d’é­cla­ter dans un rire vol­ca­nique ». Le jour­na­liste rap­pelle un peu de son his­toire, le rug­by, la fan­fare, le rock, le jazz manouche… « Et son sur­nom « Nou­nours », au départ, en rai­son d’une proxi­mi­té sup­po­sée avec le pro­fil d’un célèbre plan­ti­grade. Alors qu’il res­sem­ble­rait plu­tôt à un alba­tros à poils raides, englué dans le mari­got d’une pro­fes­sion pois­seuse, sur une terre bien trop basse pour les ins­pi­ra­tions célestes. Les plus célèbres poètes l’ont bien expli­qué. » Il nous semble que tout est si jus­te­ment écrit…

On découvre ici, main­te­nant, au Bijou, un artiste qui occupe la scène comme s’il était dans votre salon où il vien­drait dire sim­ple­ment aux copains ses bleus à l’âme, ses rires et ses coups de gueule. Dans le registre sen­ti­men­tal, lyrique, il garde un pied dans l’enfance, « regarde le vent qui vole ses feuilles à l’acacia » ou rêve encore de sa « menotte nichée au creux de [la] paluche » qui le ramène « là-bas au jar­din pota­ger »… On aime l’entendre évo­quer sa vie d’artiste qui le sauve, l’extirpe du temps des déchi­rures, des « amours pas mortes ». On l’aime aus­si quand il défend avec humour Les Pla­tanes que l’on sacri­fie au bord de nos dépar­te­men­tales. Et bien enten­du les spec­ta­teurs reprennent ses refrains à tue- tête comme ils le feraient dans leur salon… ou au bord du stade de rugby !

Une soi­rée d’amitié s’achève, deux autres sui­vront. Avec d’autres invi­tés, Jean-Luc Ames­toy  et Gilles Carles puis Mar­cel Dor­cel et son orchestre de merde, « médi­ta­tion trans­cen­dan­tale autour d’un verre »…