15 avril 2016 – Concert
Lise Martin (chant, ukulélé) accompagnée par Cyrille Aubert à la guitare
Café associatif Chez ta mère (Toulouse)
« Une voix profonde qui funambule sur l’émotion. Une voix colère qui éteint les silences. Une voix qui dessine et se réapproprie des espaces de libertés. Une voix amie qui libère les peurs et les fausses croyances. »
Lise Martin, un nom qui a déjà fait son bonhomme de chemin dans notre monde de la Chanson. Si vous voulez vraiment tout savoir sur l’histoire de cette chanteuse, son parcours à la recherche de sa voix/voie déjà bien dessinée par une éducation tournée vers les arts, vous irez lire le très long et très beau portrait qu’en trace David Desreumaux (Hexagone).
La voici à Toulouse, chez nos amis de Chez ta mère, incontournables défricheurs de talents. Ce préambule souligne seulement que la Chanson a d’incontestables soutiens sans qui elle aurait bien du mal à survivre… Peut-être ce réseau « alternatif », ô combien, répond-il à sa façon aux questionnements actuels des Nuits debout.
Lise Martin nous apparaît aux côtés du guitariste Cyrille Aubert, cheveux courts – c’est tout nouveau ! — dans une petite robe noire qui laisse apparaître une épaule dénudée, note délicatement sensuelle, chaussée de bottes fauves. Des pendants d’oreille s’agitent sur son cou. L’ensemble lui dessine une très jolie silhouette de femme qui pourrait bien nous en conter…
Sa voix fredonne d’abord pour entonner Derrière le mur, une chanson un brin mélancolique. Comme une comptine qui ne finirait pas très bien. On s’installe doucement dans cette atmosphère tendre, profonde qui nous enveloppe et dont on s’arrache par instants quand on perçoit les doutes, les questionnements et les colères aussi. Lise Martin assemble ses mots sur une vie intérieure qui se noue, se dénoue sans que jamais ne s’éloigne vraiment l’Autre, objet de toute attente, de cet amour insaisissable, et de ces jeux amoureux qui nous déchirent. Sensation de « [se démener] dans des sables mouvants ». Les images ainsi défilent, des paysages mouillés, des perles de pluie… la nuit. Et cette image saisissante de liberté : « Je me ferai reine des cerfs-volants ».
Lise se saisit aussi des textes des autres pour les emporter dans sa voix et sa musique, les faire siens comme Les plaintes d’un Icare de Baudelaire et sa symbolique de la quête d’un inaccessible rêve, « Sous je ne sais quel œil de feu /Je sens mon aile qui se casse ». On bien encore Crépuscule de Victor Hugo. Une invitation à s’aimer « avant que ne meure le temps d’aimer » aurait écrit une autre chanteuse. Elle chante aussi Aragon, un texte peu connu, comme un paradoxe dans son répertoire, Les mots qui ne sont pas que d’amour, et Vingt ans de Léo Ferré. C’est un plaisir de « relire » ainsi nos classiques avec elle. C’est un cadeau. Peut-être pourrait-elle alors nous offrir d’autres chansons, simplement dites ou mises en musique, plus légères et plus ludiques qui nous offriraient de brèves respirations, pour mieux revenir à cette écoute exigeante que requièrent ses chansons. Paroles de femmes cette fois ?
Vous l’aurez compris, Lise Martin porte la chanson comme on porte un enfant, en lui donnant tout ce qu’il peut être possible de donner d’attention, de ferveur et d’amour. Parfois c’est lourd un enfant… Alors, on aimerait la voir sécher au vent ces larmes dessinées sur la pochette bleue de son double album, la sentir plus légère, l’entendre plus souvent répéter « Je veux juste trouver Paris beau en été » — ce texte est magnifique ! — la voir, heureuse enfin, pousser la porte de cette maison où elle n’aurait plus peur du noir.
Voilà, en écrivant ces lignes, on prend la réelle mesure de ce que l’on a partagé au cours de ce concert. Tout simplement on a cru à ce que Lise Martin chantait. Et l’on aimera écouter encore cette voix, avec l’accompagnement des cordes cette fois. Violon et violoncelles s’accordent si bien à ces chansons là en mode mineur. Faute de trouver les lieux qui peuvent accueillir son groupe au complet, on pourra écouter l’album.
Demain, elle chante au café Plùm à Lautrec (Tarn). L’équipe lui a dédié son coup de cœur 2015. C’est dire l’attente là-bas…