Marin et Sages comme des sauvages, envol assuré (© Claude Fèvre)

MarinSages comme des sau­vages (© Claude Fèvre)

14 avril 2016 – Marin invite Sages comme des Sauvages

Marin Bonaz­zi (chant, pia­no, accor­déon), David Mar­ten (vibra­phone, marim­ba et autres per­cus­sions), Aude Bout­tard (contre­basse) & Sages comme des sau­vages (Ava Car­rère et Ismaël Colom­ba­ni) (chant, cava­quin­ho bré­si­lien, bou­zou­ki et defi grec, gui­tare, vio­lon et kayamb)

Espace Croix Baragnon (Toulouse)

Le ren­dez-vous n’a pas man­qué de sus­ci­ter notre curio­si­té. Et c’est un bon­heur d’avoir vu la salle se rem­plir pour démen­tir nos sem­pi­ter­nels – et légi­times – inquiétudes.

Retour­ner écou­ter Marin en trio, c’est déjà accé­der à une chan­son hors de nos fron­tières. Si l’on ne crai­gnait pas le poids de la réfé­rence – les excès des fana­tiques aus­si – on dirait volon­tiers qu’il fré­quente les mêmes terres que Léo Fer­ré. Le gar­çon féru de poé­sie, de la haute et noble poé­sie, la sert avec élé­gance et exi­gence, l’accompagnement sonore, les arran­ge­ments n’étant pas de reste.

Il ne fait pas dans la faci­li­té, certes, et s‘en amuse : « Je ne suis pas sûr d’être sûr du sens »… Et l’on aurait alors très envie de lui répondre que c’est ce qui donne à son spec­tacle un ton très sin­gu­lier, entre lyrisme et humour. Il s’approprie de plus en plus et de mieux en mieux ce que l’on peut appe­ler un style, une signa­ture. Il ne manque pas non plus de talent de comé­dien pour par­faire l’effet. Quand, dans le public, il s’en vient chan­ter Les timides de Jacques Brel, une paro­die qui sou­ligne sa res­sem­blance phy­sique avec l’artiste, on n’en doute plus.

Ses chan­sons étranges nous trans­portent dans des sphères peu fré­quen­tées mais d’autant plus déli­cieuses pour qui sait lar­guer ses amarres. Marin fré­quente les hautes sphères, celles de la poé­sie évi­dem­ment. Apol­li­naire, Vian, Gau­tier, Norge… Résiste-t-on à Minouche ? Tes jeunes cris dévê­tus /​Et les taches de rous­seur /​De tes cuisses de bru­gnon /​Dans les blés de Joli­mont ? Et que dire du bes­tiaire qu’il affec­tionne, Les Ani­maux de tout le monde de Jacques Rou­baud dont le trio réuni der­rière le vibra­phone offre un mor­ceau de bra­voure tota­le­ment hila­rant. Le cous­cous tache­té (hé bien oui, ça existe !) ou bien encore La Baleine, un texte de Manu Galure avec lequel Marin ouvre son concert. C’est l’occasion de saluer l’écriture oni­rique et sou­vent tra­gique de l’actuel can­di­dat de la Nou­velle Star… Mais c’est une autre histoire !

Avouons que nous avons déjà pris le large quand arrive le duo Sages comme des Sau­vages avec son uni­vers tout aus­si fan­tasque. En décembre, nous disions pour les pré­sen­ter « Ava et Ismaël ont mêlé à l’envi et sans aucun plan pré­éta­bli leurs deux uni­vers, les che­mins de leur vie, leurs pays tra­ver­sés : la Grèce, les États-Unis pour elle, le Por­tu­gal, le Bré­sil pour lui. Mais aus­si Lyon, Mont­pel­lier, Paris Bel­le­ville ou Bar­bès et aujourd’hui Bruxelles. Vous l’aurez com­pris leur aire de jeux n’a pas de fron­tières et c’est ain­si que se vit et se crée en couches suc­ces­sives, le palimp­seste de leur réper­toire ». Nous les retrou­vons avec le même bon­heur, dans leur incroyable « mel­ting-pot », coun­try, maloya, calyp­so. Notre corps a la bou­geotte même si les textes ne sont pas aus­si légers que pour­rait le lais­ser croire l’univers musi­cal : Les Jeunes des villes, Mon com­man­dant, Asile Bel­le­ville, La réserve…

Marin peut écrire que « depuis qu’il a enten­du le maloya de Sages comme des sau­vagessou­li­gnons que c’était au Bijou, lors d’une audi­tion Osons – ça le créole de l’intérieur. Il fal­lait soi­gner le mal par le mal. » Voi­là, c’est chose faite !

Quel cadeau vrai­ment de les avoir enten­dus réunis pour par­ta­ger trois de leurs chan­sons dont le texte de Marin, comme un clin d’œil appuyé à ses invi­tés : « Quand les der­nières hor­loges ces­se­ront de tour­ner… nous serons païens /​Nous serons sau­vages »…

Un quin­tet géné­reux qui nous a fait forte impres­sion et nous laisse, nour­ris de leurs éner­gies ras­sem­blées, quit­ter cet ins­tant éphémère.