Clio – Album Déjà Venise 2019 (© uGo&Play)
13 septembre 2019 – Déjà Venise
sortie du 2e album de Clio
Avec
Clio (textes, musique sauf Sous l’averse de Jérémie Kisling, voix – en duo avec Ours sur Sous l’averse), Florian Monchatre et Augustin Parsy (instruments, programmation, chœurs, arrangements sur tous les titres sauf Sous l’averse, guitare Paul Roman) – Porque te vas (Jose luis Perales Morillas) adaptation française de Clio.
Il arrive enfin ce 2e album de Clio… On en a semé des petits cailloux blancs pour nous donner envie : des clips puis des émissions de radio. Invitée d’abord de Karima Charni dans l’émission Musique ! sur Europe 1 le 20 août puis le lendemain sur France Inter avec Laurent Delmas pour Ciné qui Chante…
Vraiment de quoi mettre l’eau à la bouche ! Avouons que nous l’attendions avec impatience, car nous étions restés sous le charme d’une écriture délicate, subtile, ciselée comme des émaux… Elle avait mis sa touche originale dans la création nouvelle, nous n’en doutions pas à la sortie de son premier album. Allait-elle maintenir le cap, nous surprendre encore ?
Sur la pochette nous la retrouvons telle qu’en elle-même. Silhouette gracile, toute simple. Son visage auréolé de cheveux libres, mi-longs cacheraient presque son visage baissé, yeux mi-clos sur sa pensée ou sur ses mains. La posture est nonchalante. Les teintes sont pastel. Quelques tâches à peine rosées. Seules se détachent en bleu-vert son nom Clio, et en rouge le titre Déjà Venise.
C’est sobre, dépouillé, à l’image des mots choisis. L’auteure en effet prend le parti d’écrire d’une plume familière, sans ostentation. Une écriture qui fait mouche en venant nous atteindre dans notre vécu. D’ailleurs, elle use régulièrement du ton de la langue parlée, elle dit souvent le texte… Et ce serait presque un monologue ou un dialogue – notamment dans le dernier titre avec Ours – écrit pour un court métrage. Son écriture a quelque chose de celle de Philippe Delerm, et des photographies de son épouse Martine, quand ils s’attardent et s’attachent ensemble aux menus rien de nos existences et de nos décors.
Impossible en effet avec Clio de ne pas s’identifier aux personnages, de ne pas se transporter dans leur décor. La maison, le quartier dans T’as vu, avec sa boulangerie en bas où elle achète les croissants, la rue et ses horodateurs, la plage quand vient le soir et le Bar de l’oubli, le Louvre, un vendredi d’hiver par mauvais temps, le silence d’un village sous la neige un matin de rupture, et le délicieux p’tit coin de parapluie Sous l’averse…
Chaque chanson décline un nouvel épisode amoureux. Onze au total. Ce sont ces petits riens, ces pas grand-chose que l’on n’oserait dire, ces instants fragiles, ténus, ces accords, ces désaccords, ces sentiments confus, ces désirs inavoués qui font nos histoires d’amour. Croyez-vous que l’on s’en lasse ? Et bien pas du tout tant l’écriture nous touche par sa justesse. Il s’en dégage un sentiment de vague à l’âme, de fragilité, mais incontestablement aussi un hommage à l’amour comme le souligne le titre Amoureuse dont, cette fois, les arrangements musicaux soulignent la part de jeu, la légèreté…Il nous a semblé en effet que le recours aux claviers synthétiques, à la programmation, aux boîtes à rythmes permettait ce jeu là… Le titre Sous l’averse avec le seul accompagnement de la guitare n’en prend que plus de singularité. Moment de grâce suspendu.
N’y a‑t-il pas une forme d’autodérision dans la répétition du prénom titre Tristan précédé de l’interjection Ô ? Faut-il prendre au sérieux cette déambulation dans la rue, la main dans la poche pour que l’amoureux ne l’attrape pas, à se répéter que l’on s’ennuie, que l’on s’en fout de ses traits d’esprit, de tout ce qu’il raconte (Sur les horodateurs)… Est-ce bien sérieux ce faux départ dans T’as vu « J’ai fait des tours autour de la maison, fumé beaucoup, mouillé mes joues, touché le fond… Mais j’avais chaud dans ton blouson » avec cette galopade de sons électro pour l’escorter. Et cette valise dans le titre Déjà Venise … « Tu crois qu’on fait ça comme ça ? » Le matin d’un amour enfui, dans un village couvert de neige, n’offre –t‑il pas un « paysage plus beau qu’en peinture » ? Sous l’effet du vocodeur, la voix résonne alors comme perdue dans une brume hivernale… Et cette jalousie qui ne manque pas de pointer son nez dans l’adaptation de Porque te vas ? Cette bouche offerte, n’est ce pas un jeu ?
Les plus beaux moments sont sans doute quand on laisse place au désir, au rêve : dans Sous l’averse – décidément un très beau duo ! – « Nous avons caressé l’idée qu’on repoussait sans cesse de nous embrasser sous l’averse », dans Nous perdre au Louvre avec ce passage du « vous » au « tu », l’évocation est romantique à souhait « Delatour, Delacroix, de l’amour, pourquoi pas… » Et surtout, surtout ce passage par le rêve cinématographique de devenir Romy S.… Une chanson qui dessine un amour au conditionnel, comme dans un jeu d’enfant… On dirait qu’on s’rait… « Il faudrait du temps, des rendez-vous manqués… du vent, des cheveux en bataille, l’ouragan qui m’assaille… Et puis il y aurait des larmes »… Bien sûr des larmes et des ruptures…jusqu’aux « bagages jetés du quatrième étage »… Le panel complet du jeu amoureux !
Maintenant nous attendons cette Clio du 2ème album en concert. D’aucuns la jugeaient mal à l’aise, bien trop fragile dans son interprétation en scène. Nous, nous l’avons toujours appréciée, tant nous étions à l’écoute de cette écriture délicate, subtile qui suffisait à combler notre attente.
Nous saurons très bientôt ce que ces nouveaux arrangements auront modifié. Au Bijou, à Toulouse les 8 & 9 octobre, nous nous laisserons volontiers porter par son âme à la vague, par ses jeux de l’amour.