La Pietà, Une tempête, 2022 (©Virginie Nourry)

La Pie­tà, Une tem­pête, 2022Vir­gi­nie Nour­ry)

20 juin 2022, De clip en clip # 18

Quand le vent vient de face … 

Avec,

Muet /​Colin Vincent ex groupe Volin, Mille Mots (Paroles Colin Vincent, musique Colin Vincent, Maxime Rouay­roux) accom­pa­gné de Maxime Rouay­roux à la bat­te­rie élec­tro-acous­tique, réa­li­sa­tion Tho­mas Bringuier

Blonde Hiver (Milu & Jules Nec­tar) Etreins la lumière extrait du pre­mier EP, à paraître dans l’hiver 2022, réa­li­sa­tion Mari­lyne Solignac/​SLC

La Pie­tà, Une tem­pête (Paroles et musique de Vir­gi­nie Nour­ry) extrait de l’album épo­nyme réa­li­sa­tion Vir­gi­nie Nour­ry avec son Iphone

HYL, Nomade (Paroles et musique HYL), extrait d’un pre­mier EP  Mono­po­ly à paraître en octobre 2022, réa­li­sa­tion  Igor Ver­dy /​HYL /​Nicho­las Pearce


« Quand le vent vient de face » chante le tout nou­veau duo Blonde Hiver… Au len­de­main d’une élec­tion qui nous confronte défi­ni­ti­ve­ment à la pous­sée d’une droite extrême qui ne fait plus peur à beau­coup, qui s’est len­te­ment mais sûre­ment immis­cée dans les cer­veaux. Ce matin on se sent défi­ni­ti­ve­ment face au vent… Depuis tou­jours, quand elle ne se replie pas sur ses ren­gaines amou­reuses, la Chan­son hume l’air du temps et cet air pour­rait bien deve­nir irres­pi­rable. Alors voi­ci une sélec­tion de clips qui placent l’artiste au cœur de cette vie, de ce temps pré­sent, cher­chant son mode de résis­tance, sans jamais échap­per aux ques­tions sur l’amour… Et c’est à HYL que j’emprunte la fin de ce pré­am­bule : « Pour­quoi ne pas prendre cette danse comme s’il n’en res­tait qu’une ? »

Ecou­tons, regar­dons Mille Mots de l’auteur Colin Vincent, artiste para­doxa­le­ment nom­mé Muet… Etrange, non, pour un auteur, un chanteur ?

C’est un nou­veau pro­jet (après le groupe Volin) qui nous est pré­sen­té en ces termes « réper­toire tein­té de nappes syn­thé­tiques et de rythmes élec­tro ». Rete­nons cette for­mu­la­tion méta­pho­rique « Enco­der, cap­tu­rer, modu­ler des bribes de mots et les fil­trer dans la machine, les regar­der à l’envers, les faire flot­ter en long der­rière l’oreille… » pour expri­mer cette sen­sa­tion de ne plus pou­voir trou­ver du sens à l’empilement inces­sant, conti­nu d’informations : « Mille feuilles se baladent mille mots mille fois mon­tés en mille feuilles » et le cer­veau n’en peut plus… « Com­ment trou­ver du sens, tis­ser des ponts ? » Ima­gi­nez-vous un ins­tant la mise en images de cette sen­sa­tion ? L’électro que les accom­pagne est lan­ci­nante, obsé­dante… Le réa­li­sa­teur Tho­mas Brin­guier a opté pour le noir et blanc. Le musi­cien chan­teur est au cla­vier, en ombre chi­noise… Très vite appa­raissent des codes barres aveu­glants sur les­quelles s’impriment en jaune le nom de l’artiste et le titre comme tra­cés d’un coup de pin­ceau. Le mou­ve­ment du corps du musi­cien au cla­vier semble méca­nique, mu par ces codes qui défilent. La voix déroule le texte dans un flot à peine chan­té, les images se suc­cèdent dans un dérou­le­ment sac­ca­dé, entre­cou­pé de noir… Elles s’accélèrent… Dans un insert le musi­cien semble sor­ti enfin de cette course effré­née d’images « Faut que j’recolle les mots » Sor­tir enfin de cette dys­to­pie ? « Qu’est-ce qu’on en retient ? »

Le tout nou­veau duo bap­ti­sé Blonde hiver s’annonce dérou­tant si l’on en croit ce clip d’un pre­mier titre, Etreins la lumière.  La réa­li­sa­trice Mary­line Soli­gnac s’en est don­née à cœur joie, plon­geant le spec­ta­teur dans un uni­vers tota­le­ment sur­réa­liste. Ins­pi­rée peut-être par les voix du début du mor­ceau, des voix que nous connais­sons pour les avoir sou­vent enten­dues– celle de Jules Nec­tar, pur pro­duit de la Chan­son et de Milu venue de l’électro – mais ici per­çues comme métal­liques, robo­tiques… Les quelques notes élec­tro du début suf­fisent pour que les images collent à cette musique : cou­leurs six­ties un peu pas­sées, gros plan sur un pro­fil, jusqu’au grain de la peau, lunettes noires puis bas de jean, bas­kets sur les­quelles tombe une pein­ture épaisse et rose, une main laisse tom­ber un verre de car­ton où trempent des pailles… Voi­là le ton est don­né… Le texte est un appel à cher­cher la lumière dans la rue, dans « des sou­rires entre­vus, des regards échan­gés » même quand tout semble contraire, « que la tête sur­ex­po­sée déborde »… Cet état même que décri­vait le clip de Muet et qu’illustrent ici les gros plans sur un visage qui se crispe, sur des mains qui froissent, sur des yeux outra­geu­se­ment colo­rés, sur la pein­ture qui dégou­line, une tête sous l’eau… Le temps est arrê­té à la pen­dule… « Les rêves épar­pillés » sont comme autant de feuilles dis­per­sées au sol d’un ate­lier d’artiste. Le visage est frag­men­té dans le miroir bri­sé et le feu dans la che­mi­née réduit en cendre les écrits. Mais la lumière revient, elle est pour finir dans les regards apai­sés des trois femmes pré­sentes dans ce clip. Etreindre la lumière, faire en sorte de la gar­der… Avec Blonde hiver, on veut y croire.

Comme le clip de Muet, c’est le noir et blanc que choi­sit Vir­gi­nie Nour­ry, autre­ment nom­mée La Pie­tà, pour le sien entiè­re­ment réa­li­sé avec son Iphone, tour­né sur la plage de Sète. Il y aurait sur cette plage comme un écho de la scène finale de Zor­ba le Grec de Michael Cacoyan­nis… Les vagues s’échouent sur la grève, un couple se tenant par la main s’éloigne. L’homme tient des bal­lons, la voix de la chan­teuse s’élève aus­si­tôt « ça com­mence comme ça comme une vague chan­son chan­tée du bout d’un doigt ». Les bal­lons ont chan­gé de mains, la sil­houette fémi­nine est proche de l’eau, l’homme filme, un chien le suit… L’image de la chan­teuse arrive en sur­im­pres­sion. Vont se suc­cé­der alors des plans très courts d’un couple amou­reux qui se joue du temps, des lieux… Lui a les rides de la vieillesse, elle la légè­re­té d’une jeu­nesse encore là… Ils s’aiment et dansent, jouent cet amour… « Le pre­mier de nous deux qui aime­ra aura une tem­pête »… On voit ain­si se suc­cé­der des couples qui valsent et s’aiment et jouent sur cette plage trans­for­mée en salon où l’on danse. Gros plans sur des mains, des visages, plans larges sur la danse tour­billon­nante. Il y a de la fré­né­sie quand les mou­ve­ments s’intensifient, s’accélèrent. « Il faut s’aimer beau­coup tant qu’il est encore temps… » On remonte le temps, retrou­vant peu à peu l’enfance comme dans la nou­velle de Scott Fitz­ge­rald et le film de David Fin­cher, L’étrange his­toire de Ben­ja­min But­ton Et le film s’achève avec des couples d’enfants qui ont pris le relai dans cette fête à l’amour. L’image finale est pour une fillette qui tient bien haut les ballons.

Qu’est deve­nu l’amour dans ce temps pré­sent ? Serait-il encore le refuge ?

HYL (pro­non­cer les lettres sépa­ré­ment) répon­drait-il à cette ques­tion ? Il est l’un des nou­veaux venus de la nou­velle vague, rap, pop, élec­tro qui s’est tout récem­ment dis­tin­gué au Pic d’or de Tarbes après voir rem­por­té le Prix d’écriture Claude Nou­ga­ro en 2019 et le 50ème prix des Ren­contres d’Astaffort en 2021. Il trace sa route, c’est une évidence.

Voi­ci un clip illus­trant une his­toire d’amour « J’vais pas résu­mer notre his­toire sur des pleurs / Te dire au revoir me fait peur… » C’est ain­si que com­mence ce flot amou­reux et dou­lou­reux. Il a le ton d’une conver­sa­tion sans fard, sans faux-sem­blant. Mais les erreurs, les doutes, les espoirs s’expriment en méta­phores comme celles-ci :[On a ] sau­té dans cette flaque comme le font les enfants … Tu veux m’amener sur la piste mais j’ai pas les pas de danse…  J’aimerais reve­nir fumer à ta fenêtre » C’est sans doute ce mélange sub­til de sim­pli­ci­té et de recherches poé­tiques qui fait la saveur de cette langue du rap.

Quant aux images de départ elles alternent de très gros plan sur un visage – celui de l’homme qui doute et qui parle – et sa course effré­née dans la nature… Enfin la camé­ra cadre ce même homme habillé de blanc qui cou­rait, main­te­nant dans un lit posé, avec ses deux tables de che­vet, sur une petite plage de cailloux dans une rivière. Tout se déroule là, dans ce cadre natu­rel… L’homme semble éga­ré, cherche une connexion avec son por­table, en vain. Il est vu en plon­gée, cou­ché dans ce lit blanc. Au refrain on revient ensuite à sa course folle au bout de laquelle il retrouve ce même lit, cette fois, dans une prai­rie… Sur un pont il ren­verse tout, reprend sa course… On le voit qui hurle, se dirige vers la mer, se laisse tom­ber dans le flot… « J’aimerais reve­nir fumer à ta fenêtre /​J’espère qu’on s’endort pas, que c’est juste une sieste » Le lit échoue alors sur la plage, puis en mon­tagne… bras ouverts il danse, il rit… A la der­nière note il a les bras levés vers le ciel en forme de V…On veut croire que l’amour l’a empor­té  « Avant d’être débous­so­lé, comme à la fin du film quand la lumière se ral­lume ».