Le Grand Maul, St-Paul-lès-Dax, 1ère édition, exposition photos 2021 (Isabelle Picarel / Galerie Jean-Denis Walter ©)

Le Grand Maul, St-Paul-lès-Dax, 1ère édi­tion, expo­si­tion pho­tos 2021 (Isa­belle Pica­rel /​Gale­rie Jean-Denis Walter ©)

17 juin 2021, 1ère édi­tion du Grand Maul, Jour 1

Rug­by, lit­té­ra­ture et autres rebonds artistiques 

Avec

Jean-Claude Barens (direc­tion artistique) 

Espace Le Grand Maul

La librai­rie Le vent Délire et les édi­tions Pas­si­flore : Librai­rie du rug­by – Jean-Pierre Ber­to­mère : ins­tal­la­tion sonore « Ves­tiaire » – Isa­belle Pica­rel : pho­to­gra­phies – Clau­dine Cop et Jean-Michel Lafon, pein­tures – Musée d’Aquitaine : prêt de l’exposition « Le rug­by c’est un monde »

J 1

Le rug­by à tout prix, docu­men­taire de Chris­tophe Vin­dis sui­vi d’une ren­contre avec Hen­ri Bron­can et Pierre Alba­la­de­jo, ani­mée par Ben­ja­min Fer­ret, jour­na­liste à Sud-Ouest

Mémoires en short, contes par Oli­vier de Robert 


Espace Felix Arnau­din, St-Paul-lès-Dax (Landes)

Le Grand Maul, assu­ré­ment il fal­lait s’appeler Jean-Claude Barens, « pas­seur de cultureS » comme il aime à se nom­mer lui-même à juste rai­son, pour inven­ter pareilles ren­contres. Il fal­lait aimer le rug­by, cela va de soi, mais aus­si la lit­té­ra­ture, le conte, le chant, le théâtre… Et ima­gi­ner pou­voir les réunir.

Com­men­çons donc par lui tirer notre cha­peau et, tout aus­si­tôt, saluer la muni­ci­pa­li­té de St Paul-lès-Dax qui lui a répon­du « Chiche », dans un temps de repli, d’interdits de toutes sortes.

Voi­ci donc que ce Grand Maul – figure rug­bys­tique soli­daire qui entend faire face aux adver­saires – fait un clin d’œil appuyé au Grand Meaulnes, celui d’Alain Four­nier. Juste avant que la ter­rible guerre de 14 n’eût rai­son de sa soif de vivre et de créer, il fut l’instigateur du Club spor­tif de la jeu­nesse lit­té­raire où s’illustraient – excu­sez du peu ! – Jacques Rivière (futur direc­teur de la Nou­velle Revue Fran­çaise et beau-frère de Four­nier), Gas­ton Gal­li­mard (alors gérant de la NRF), Pierre Mac Orlan ou encore Jean Girau­doux. On croit rêver !

Au soir de ce pre­mier jour, nous décou­vrons d’abord l’exposition, dans la salle Felix Arnau­din où se trouvent réunis quelques prêts du Musée d’Aquitaine de Bor­deaux : le buste de Web Ellis, de nom­breuses figures inter­na­tio­nales du rug­by, immor­ta­li­sées dans leur cadre ovale mais aus­si les célèbres effi­gies, les Rubi­pèdes, nés des bandes des­si­nées de Michel Itur­ria. La pein­ture n’est pas de reste avec les œuvres de Clau­dine Cop et de Jean-Michel Lafon qui sai­sissent des figures éphé­mères, des phases de jeu où les corps se confrontent et se confondent dans un même effort. Après tous ces mois de mise à dis­tance for­cée du corps de l’autre, c’est comme un défi que pro­longent les pho­to­gra­phies, cou­leur et noir et blanc, d’Isa­belle Pica­rel, pho­to­graphe offi­cielle de la FFR depuis 1998.

Ain­si que le dit le titre de l’exposition du Musée d’Aquitaine : « Le rug­by c’est un monde ».

Pour com­prendre ce qui se joue ici et main­te­nant, il faut l’avoir décou­vert ce monde, s’y être confron­té, par­fois seule­ment au bord du ter­rain. Ce soir, nous avons l’opportunité de nous en appro­cher de très près en regar­dant le docu­men­taire de Chris­tophe Vin­dis : Le rug­by à tout prix qui confronte les acteurs pro­fes­sion­nels d’aujourd’hui, joueurs, pré­sident, mana­ger et quelques anciens comme le dacois Pierre Alba­la­de­jo, avec  son amour pour le rug­by à chaque détour de phrase, dans les mots « cou­rage, socia­bi­li­té, col­lec­tif » et le ger­sois Hen­ri Bron­can que nous ren­con­tre­rons ensuite. Belle figure d’entraineur, ani­mé d’une pas­sion inex­tin­guible, qui ne craint pas de dire aus­si ses peurs devant l’évolution de ce sport. Le film met en exergue les ques­tion­ne­ments d’aujourd’hui, un monde impi­toyable où le biz­ness tend à tout empor­ter dans son sillage, où les corps sont sou­mis à des entraî­ne­ments sans pitié, au risque de la bles­sure. Sau­ve­ra-t-on l’âme de ce sport, celui des écoles de rug­by, des édu­ca­teurs, des cohortes de béné­voles ? On veut le croire avec les der­nières images qui en reviennent à cette figure émou­vante du capi­taine de l’équipe des Baron­nies dans les Hautes-Pyré­nées, à son métier de ber­ger, à son chien, à ses mou­tons. Son rug­by de vil­lage, loin des « staf », des ana­lyses du jeu de l’adversaire, des stars, des mana­gers et des agents, nous fait encore rêver tout comme les mots d’Henri Bron­can : « Je suis heu­reux, je me sens gamin avec eux » et de sou­li­gner au pas­sage son admi­ra­tion pour la « fraî­cheur » du rug­by féminin.

La soi­rée se pro­longe ensuite avec le conteur arié­geois Oli­vier de Robert et ses Mémoires en short. C’est tout un monde qu’il nous res­ti­tue à grand ren­fort d’interpellations du public, de gestes, de gri­maces et d’humour déca­lé que nous lui connais­sons bien.

Le voi­là qui nous embarque dans son enfance – un peu la nôtre aus­si – au hameau de Prat Com­mu­nal, près de Sau­rat, chez la grand-mère Augus­tine, un soir où elle rate une maille de son tri­cot… Et c’est par­ti pour une heure de déca­lage spa­tial et tem­po­rel, près de la grande che­mi­née, autour de la TSF, devant un écran de télé­vi­sion où il « neige » des images à peine visibles, au col de Port pour ten­ter ( !) de voir pas­ser le tour de France, au cul d’une vache pour recueillir le lait et entendre naître le blues (si, si !) puis man­ger la tar­tine de crème… Evi­dem­ment on gar­de­ra de ce spec­tacle – bien près de nous rap­pe­ler la verve des mono­logues inouïs de Phi­lippe Cau­bère – quelques tableaux mémo­rables. Bien sûr, on se sou­vien­dra de l’exploit nar­ra­tif que consti­tue le récit du match France- Alle­magne de la Coupe du monde de foot­ball 1982, la fameuse « nuit de Séville », une tra­gé­die antique ! Mais nous gar­de­rons sur­tout le sou­ve­nir de la com­po­si­tion d’une équipe de rug­by… Nous avons tant ri de la « ten­dresse » et des « câlins » des gros en mêlée, du « demi » ain­si nom­mé parce qu’il est petit mais qui gueule très fort « Pous­sez », des trois quart qu’on prend « pour qu’ils ne signent pas au foot », de l’ailier, le « lièvre » – tiens, le lièvre, sur­nom don­né jadis à Estève, encore un arié­geois ! – et du 15ème, le « brave » que l’on a mis à l’arrière…

Fina­le­ment Jean Girau­doux n’a pas dit autre chose : « L’é­quipe de rug­by pré­voit, sur quinze joueurs, huit joueurs forts et actifs, deux légers et rusés, quatre grands et rapides et un der­nier, modèle de flegme et de sang-froid. C’est la pro­por­tion idéale entre les hommes. »