DDC 2016, Lizzie (© Claude Fèvre)
28 janvier 2016 – Lizzie en trio
Avec Lizzie (guitare, accordéon, voix) Pierre-François Maurin (contrebasse) Filipe de Sousa (guitare portugaise)
La pause musicale – Salle du Sénéchal (Toulouse)
Midi, quand sonnent les douze coups, à quelques pas du Capitole, on cherche déjà difficilement une place dans les gradins de la salle du Sénéchal habillée de la brique rouge du vieux Toulouse. C’est que la Pause musicale a ses adeptes, amoureux de toutes les musiques le jeudi à 12h30.
Aujourd’hui ce rendez-vous gratuit s’offre à Détours de Chant pour Lizzie dont nous avons récemment salué en termes élogieux le premier album :
La voici en trio dans une formule qui donne enfin à son cheminement son plein sens et son épanouissement. Elle s’installe avec sa guitare, cheveux libérés, dans sa petite robe noire trapèze, délicatement surmontée d’une dentelle aux épaules et au cou, petites bottines couleur fauve. La silhouette mérite de vous être dessinée pour que vous vous installiez avec nous dans cette atmosphère de douceur et de beauté. A sa droite la guitare portugaise, à sa gauche la contrebasse. A ses pieds l’accordéon dont elle jouera presque timidement. Le voyage peut commencer aussitôt sur l’embarcation de cette voix si singulière de chanteuse de fado. Elle enchaîne trois chansons qui nous emportent sur ses mots, comme autant de délicates aquarelles marines. Nous nous sentons comme elle, « le souffle suspendu ». Elle nous adresse alors quelques mots d’accueil mais nous avons déjà emprunté son chemin, à sa suite, à la suite des notes de sa guitare folk, de la guitare portugaise, de la contrebasse qui ponctue, fidèle, cette invitation au voyage, le monde pour horizon.
On se permettra de glisser là ces lignes qui furent nôtres en écoutant l’album :
Lizzie a choisi de décliner ce thème de la navigation pour dire son chemin de vie – le nôtre ? « Mais qui soufflera dans mes voiles et y aura-t-il quelqu’un sur le quai, sur la rive ? Je navigue au-dessus du vide… » (Je navigue). C’est là le risque, le « risque de vivre… Je n’ai pas d’ailes mais de l’écume /Sur ma robe de ciel à perte de vue (Perle fine). Bien sûr les dangers, les remous manquent de faire chavirer l’embarcation qui pourrait s’enliser parfois dans les Sables mouvants. Mais chacun sait qu’il est guidé par une soif, une envie de trouver enfin son « île » (Sur mon visage) et tant pis si parfois c’est un peu comme un saut dans le vide (La falaise). On s’accroche à son rêve comme à une bouée, et l’on aperçoit au loin [son] amour qui tangue. Une certitude pourtant : ce que ce voyage veut fuir, quoi qu’il en coûte. Ne pas être cet « Acteur du néant /Passif et prétentieux… (Être ou paraître).
Les chansons de Lizzie sont impressionnistes, comme autant d’émotions perçues, senties, autant d’envoûtement des mots, français ou portugais, parfois même anglais (le folk anglo-saxon lui va si bien aussi !) et des sons qui les portent. C’est un partage de beauté, entre « poussière et poésie ». Il suffit de fermer les yeux pour que le charme opère, pour se laisser embarquer, par ce « chant de sirène perdue, entre ciel et terre ».
Il faut vous dire que dans cette salle, avec ce public silencieux et captif de la beauté, nous avons été tellement chanceux ! Chanceux d’être portés, transportés par cette musique d’ailleurs, par cette « saudade » propre à l’âme portugaise et dont toute traduction serait approximative. Chanceux que ce festival Détours de Chant accorde tant de prix à ces jeunes talents méconnus du grand public et même d’un certain microcosme, le nôtre, cette enclave dans le monde de la musique. Chanceux de se sentir rassurés au moment de retrouver le bruit de la rue : la beauté existe, nous l’avons rencontrée.
Ici et maintenant.