29 novembre 2015 – Chansons en Balades
2e volet
Donzac (Tarn & Garonne)
À quelques heures de ce rendez-vous de novembre, revenons en été, en août 2011, sur ce festival inconnu ou presque mais festival quand même : Festiv’Art en Ariège, disparu quand d’autres naissent. C’est aussi ça la vie culturelle. Elle s’abreuve d’abord aux sources de la vie associative, et donc du bénévolat, mais surtout au bon vouloir chaotique des collectivités territoriales.
Une rencontre, un tête à tête… enfin presque, car à quelques mètres de nous veille encore le père de Jérémie Bossone, longue silhouette d’homme tirant paisiblement sur sa pipe. J’exhume de mes souvenirs un enregistrement, j’écoute et c’est une évidence : envie de partager ce moment très privilégié, presque intime.
Chanter, un « art du partage »
Jérémie le dit, le redit. Il se veut avant tout « passeur ». Il s’agit de transmettre. Transmettre des histoires, ses histoires. Et ce soir-là il est touché de la qualité de l’écoute dans un lieu ouvert, en plein air, où se côtoient les générations. Il rappelle, comme il le fait souvent aujourd’hui encore, qu’il fut un temps où ses chansons se perdaient dans le bruit.
Servir la chanson, c’est aussi être responsable, responsable de ses mots. Dès qu’on les pose sur la feuille, on est responsable. Jérémie Bossone se réfère beaucoup à la littérature et lève le voile sur d’autres formes d’écriture, le roman, la poésie. Peu importe la forme, au fond, tout se rejoint mais autant la poésie est « égocentrique », tournée vers l’intérieur de soi, autant la chanson se doit de ne pas perdre de vue l’autre, celui qui va recevoir. Monter sur scène, c’est prétentieux. On croit entendre Barbara qu’il aime tant, nous le savons. Mais si l’on peut apporter quelque chose, réveiller, n’est-ce pas ?
Il parle de ses chansons comme on parle d’un enfant, un être que l’on doit porter. L’interprète serait presque « transparent ». Il se doit de servir…
Et voilà on y revient à cette mission-là ! Et l’on sait avec quelle énergie il la sert. De tout son corps. Ce qui peut lui valoir aussi le recul de certains spectateurs. Mais pour lui, la musique – la poésie aussi – c’est une énergie qui s’exprime : Brel est rock, Beethoven est rock, Rimbaud est rock… Et très vite, il rappelle en souriant son premier concert, du punk qui a fini en baston ! Car c’est là son premier contact avec la scène, rock, hard rock, métal… Une façon de dire non, de s’opposer à ce bien précieux que la famille a transmis : Brassens, Brel, Chelon…
Savoir s’opposer pour mieux revenir ! Pour mieux dire son goût du contraste, du relief, des aspérités, des respirations, il souligne aussi son rapport inconscient au féminin, quelque chose de liquide…
Chanter, une manière de respirer
A‑t-on le choix ?
Pas vraiment. C’est essentiel, vital d’écrire. Une chanson, c’est un défi à chaque fois, un équilibre fragile entre son monde intérieur et les exigences du public. Des compromis, certes, on en fait, mais sans jamais vendre son âme. C’est un peu comme ce qu’il dit du lieu de vie. Paris, c’est tout un symbole. On y « monte » dans un esprit de conquête. Mais qu’il est doux de revenir à sa terre, à son pays. Pour lui, c’est du côté de Poitiers. C’est en citant Goethe qu’il exprime ce paradoxe d’une vie d’artiste qui exige le repli sur soi, la solitude, pour mieux être au monde.
Chanter, c’est surprendre
Voilà qui nous met en attente. Dans la droite ligne de son modèle absolu, Bob Dylan, on peut deviner qu’il va nous étonner dans les mois à venir. Après son album Gloires, un projet ambitieux, très coûteux, où l’artiste est aux prises avec mille et un regards sur son travail, il opte pour le duo fraternel, intime, avec son frère Benjamin qui l’accompagne en scène. Et d’emblée il dit son besoin : crier, dire sa révolte comme au temps de son adolescence au risque de perdre sur la route quelques amateurs de chansons.
Pas si sûr… On en parlera bientôt.
« Le talent se développe dans la retraite, le caractère se forme dans le tumulte du monde »
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