Chanson en Région, Le Bijou, Les Idiots (© Claude Fèvre)
2 décembre 2016 – Chanson en Région Occitanie
avec
Charly Astié (solo guitare, voix), Caruso (solo guitare voix) et Les Idiots avec Guillaume (textes et Chant) et Mika (Compositions, guitare folk)
Le Bijou (Toulouse)
Cette soirée au Bijou, à Toulouse pourrait être emblématique de ces réseaux qui entourent la Chanson. Elle peut nous éviter de hurler avec les loups, avec ceux qui nous abreuvent d’affirmations désespérées, désespérantes. Pour l’heure c’est la conjugaison d’efforts – Réseau Chanson, Région Occitanie, CNV, DRAC, diffuseurs… – qui permet ce soir cette rencontre du public avec trois projets. Trois projets qui nous confrontent une fois encore à la vitalité de la Chanson. Ce qui les rassemble c’est une incontestable envie d’en découdre avec la scène. Une jubilation, une énergie en trente minutes chacun.
La prestation de Charly Astié s’ouvre sur un moment que l’on osera considérer comme risqué, comme chaque fois que l’on s’en prend en scène à un handicap. On avouera pourtant avoir beaucoup ri de le voir se battre avec une forme aiguë de bégaiement, où il s’exerce à des percussions vocales, scratchs, boîte à rythme, communément nommé « beat box »… Cette entrée en matière donne le ton. Dans son solo, qui fait l’objet d’une publication des textes, Quand on écrit le mot Arbre, on se plante, l’artiste propose un personnage hors circuit. Complètement fêlé, barjot, déjanté. Voir… Il pète les plombs comme dans cette scène de folie à la piscine, où il finit à moitié déshabillé, bonnet de bain sur la tête, lunettes, dans un ralenti sous l’eau… On pense alors aux délires en scène de Didier Super. Ne serait-il pas un être qui ne se serait jamais guéri de son enfance ? Il en parle d’ailleurs beaucoup… Dans cette frénésie, l’accompagnement paraît parfois approximatif, tout comme la justesse du chant. On retiendra de cet extrait une chanson troublante, une lettre du père absent adressé à son enfant, cet inconnu.
Charly Astié ne manque pas de corde à son arc. Nous le connaissons plutôt bien depuis une dizaine d’années en trio avec Hélène Duret à la clarinette et Sylvain Rabourdin au violon dans Zorozora. Leur histoire de la musique Homocordus part en tournée internationale. Tout va bien pour eux !
Caruso ramène en scène un semblant d’ordre ( !) et de calme. Nous l’avions découvert en mai dernier, au Pic d’Or, sans être totalement convaincue. On connaissait son passage aux côtés de Manu Galure sur l’émission Nouvelle Star. D’ailleurs Caruso ne manque pas d’y faire référence. L’occasion pour nous ce soir d’apprécier à nouveau sa voix, sa maîtrise de la scène, son personnage sympathique : petit chapeau sur sa calvitie, cravate ou nœud papillon, bretelles, pantalon « cigarette » légèrement trop court. Ce soir il maîtrise particulièrement ses échanges avec le public. C’est joyeux malgré l’ouverture avec une chanson qui nous ramène au pire de notre humanité. En fait on pourrait résumer cette prestation à ces mots empruntés à l’une de ses chansons : « Je sais qu’il pleut des cordes /Allez souris quand même… avant que la vie ne passe… » On s’amuse sincèrement à l’entendre évoquer une altercation avec Roselyne Bachelot lui reprochant de s’appeler Caruso… Sacrée Roselyne ! Dommage pour elle, car ce n’est pas un pseudonyme ! Ce soir il chante des reprises, en anglais, en italien. On a particulièrement aimé cette chanson d’amour triste qui, au moment de laisser partir l’objet de son amour, évoque comme autant de cartes postales dans la magasin des souvenirs heureux, Bruxelles, Prague, Rome, Porto… Il chaloupe constamment, se balance au rythme de ses chansons. Nous le suivons volontiers. Il termine en trio avec Charly Astié dans ses pitreries de batteur sans instrument, et le guitariste du duo qui suit, Mika, pour reprendre Scarface du rappeur Booba qui lui avait valu son succès sur la Nouvelle Star.
Les Idiots, duo acoustique, issu du groupe l’Opium du Peuple, finiront de placer cette soirée sous le signe d’une chanson qui, sans se prendre au sérieux, ne va pas par quatre chemins pour pointer du doigt les injustices et noirceurs d’aujourd’hui. Ils commencent avec un monologue, Complainte du gros dégueulasse, ancien PDG de Total, s’attaquent sans détours aux religions, défendent le droit aux plaisirs, donnent la parole au chien d’ivrogne qui « a toujours vécu loin des caresses », ridiculisent leur voisin qui protège son jardin, sa petite vie, ses nains de jardin… Voilà c’est dit ! Le chanteur, Guillaume, petit homme rond, barbe grise naissante, gilet, cravate nous a fait penser à Govrache , avec quelques années de plus ! Pour la silhouette, pour l’humour vache surtout. Il se lance volontiers dans d’irrésistibles parodies, comme celle du Piou Piou, inspiré du western d’Ennio Morricone de son enfance qui s’achève sur une morale : « Quand tu es dans la merde ferme ta gueule ».
On souscrit bien volontiers aux mots de Kebous des Hurlements d’Léo : « Ils ont le verbe haut, les idéaux en bandoulière, entre poésie et crachat libertaire. »