iAROSS - Le café Plùm – – 2022 (©Claude Fèvre)
26 février 2022 – Concert du trio iAROSS – album Apnée, sortie novembre 2021
« Quand la mer bergère m’appelle… »
Avec
Nicolas Iarossi (violoncelle, basse, chant) Colin Vincent (claviers, synthétiseur modulaire, guitare) Julien Grégoire (batterie, percussions, pads électroniques)
Le Café Plùm – Lautrec (Tarn)
C’est fini, la mer, c’est fini, sur la plage, le sable bêle
Comme des moutons d’infini
Quand la mer bergère m’appelle
La Mémoire et la Mer, Léo Ferré
Les murs du café Plùm, en plein cœur du village de Lautrec, ont vibré ce soir d’un puissant souffle poétique avec le trio iAROSS venu partager les titres de son nouvel album, Apnée. Rappelons que déjà au printemps 2013, avec son album Renverser, il avait emporté l’adhésion du jury des découvertes du festival Alors Chante, et, qu’avant même la sortie de ce quatrième album, la revue FrancoFans le présentait comme un de leurs « incontournable ». Alors, inévitablement, l’attente est forte ce soir.
Disons-le tout net, emportés par l’amplitude et la fusion des sons, les lumières accordées aux atmosphères, nous avons fait une traversée en Poésie, terre de refuge dans ces temps tourmentés… Quand soudain s’élève le lyrisme de La mémoire et la mer de Léo Ferré, dont le groupe propose une version bouleversante dans une pluie de lumière verte, on devine l’incontestable filiation et l’on se laisse volontiers porter par cet appel redécouvert « Reviens fille verte des fjords… Toi, fille verte, mon spleen… » On se dit alors que les chansons de Iaross ont quelque chose d’irréel et de puissant, comme une ivresse…: « Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme », écrivait Guillaume Apollinaire, et, pour évoquer l’interprétation du chanteur, on pourrait lui emprunter ces vers « La voix chante toujours à en râle-mourir /Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été… »
Difficile, on l’avouera volontiers, de rendre compte de ce concert dont on perçoit aux premiers mots de Nicolas Iarossi toute l’importance – et la fragilité ! – après tant de privations dues aux contraintes sanitaires. Difficile de traduire la richesse de la scénographie, les effets de lumières, la complexité des recherches sonores, celles de Colin Vincent, au clavier, au synthétiseur modulaire comme à la guitare électrique, celles de Julien Grégoire à la batterie et aux pads électroniques, et bien sûr, celles de Nicolas au violoncelle ou à la basse. Car une chanson, le titre Demain, le dit avec tellement de douceur, « Parfois les mots ça suffit pas, /On a beau les crier, les souffler, /Les regarder se poser sur nos lèvres, /Sur cette page vide et sans fond… » C’est pourquoi, lumières et sons vous enveloppent, vous transportent, ailleurs, très loin…
Et pourtant les textes et leurs images fulgurantes disent nos maux, nos échecs et nos espoirs aussi. Nous les reconnaissons comme nôtres, ils parlent à notre conscience d’êtres humains au bord de l’asphyxie « On se connecte au réseau sans fil et sans filet, rayonnement de lumière /Tout se voit et rien…Tout s’aspire… » Ils rappellent la Barbarie d’un monde devenu fou – quel étrange synchronisme au moment même où la guerre est aux portes de l’Europe ! – « Puisque le sang est versé sur les galets de la paix /Puisque le vent a soufflé sur les plus belles idées /Puisque les rires sont laissés aux banquets des puissants… ». Les mots s’élèvent et par moments nous retenons notre souffle sous l’effet de la musique devenue hypnotique, ensorcelante « Poussière d’étoiles et vague à l’âme /Dans le cortège des insoumis /Insurrection et vogue à l’âme /C’est l’incendie… » Nous écouterons, soulagés, cet appel, même si la terre tremble « Allez viens, /Nous vivrons ensemble, /Au-delà de décembre… » Il existerait donc une terre, un espace où s’abreuver quand il devient urgent d’apaiser sa soif : La nuit nous appartient,
Là où dérivent nos absences,
Là où se croise nos désirs
Là ou dérivent nos sens
La nuit nous appartient
Avec le temps de vivre
Avec le cœur à rire
Avec nos peurs de sourire
Nos joies, nos peines
La nuit nous appartient