Mell (© Adèle Godefroy)
25 janvier 2017 – 16ème Détours de Chant – Mell en solo
avec Mélanie Frisoli /Mell Turbo (textes, musiques, guitares)
Le Bijou (Toulouse)
Vingt quatre heures après les « Coups de Pousse », même lieu, même heure, une rockeuse, au joli nom de scène affublé de deux L /ailes, vient apporter un démenti à nos commentaires. Voilà qu’elle aussi nous chante les hauts et les bas – surtout les bas – de l’amour qui fracasse… Voilà qu’elle nous promène dans ses états d’âme et voilà que l’on la suit sans même s’en plaindre ! Que se passe-t-il alors avec cette fille en scène qui peut s’enorgueillir de six albums déjà et qui chante depuis la moitié de son âge ? Depuis qu’une fâcheuse blessure a mis un terme à une carrière de sportive de haut niveau. Etrange astuce de la vie pour la mettre sur sa voie, on en conviendra ! Comme le dit Barbara dans ses Mémoires évoquant sa main droite atrophiée : « Il y a parfois des incidences qui bousculent l’ordinaire, puis qui s’imposent ensuite comme des évidences ».
C’est une lorraine d’origine – une fille de l’Est donc – ce qui, pour des motifs très intimes, nous touche. Elle s’est installée à Montréal mais revient, en novembre dernier, fêter la sortie de son dernier album dans sa terre d’origine. Au Québec, elle consacre la majeure partie de son temps aux sons… Elle se forme, devient technicienne du son, l’enseigne… Ce tournant de sa vie, ce départ, cet exil volontaire – ça tangue sûrement un peu, autour de soi, au-dedans de soi- donne ce double album, entrelacs d’instrumentaux et de chansons. Son titre Déprime et Collation n’est que la traduction du nom d’un bar « Snack & Blues »… Mais ça sonne plutôt bien, même si le mot « blues » conviendrait à pas mal de titres et résumerait la tonalité de l’ensemble.
Elle se passionne pour la composition où elle use de toutes les ressources sonores des nouvelles technologies sans jamais pourtant se départir des musiques du siècle écoulé. En scène elle nous apparaît seule avec ses deux guitares. Seule ? Pas vraiment. Car elle est entourée d’une ribambelle de branchements, pédales d’effet, boutons… Toute une technologie qu’elle ajoute à ses guitares – rouges, évidemment !
Revenons au questionnement du début. Mell nous a emportés, oui, emportés, ravis, soulevés par sa danse. Car elle danse littéralement avec sa guitare. Elle est belle à regarder, silhouette noire androgyne, bouche garance ouverte sur un sourire, même pour évoquer le pire… comme son enterrement ! C’est là une part déterminante de son pouvoir de séduction en scène. Elle se rit d’elle-même, de cette longue errance « d’une rive à l’autre » dans le malheur d’aimer qui commence avec ces mots : « J’suis fatiguée /J’veux pas rentrer »… Certes, elle cherche, elle appelle souvent, elle interroge « Hey, comment tu t’appelles ? » ou bien « Où te caches-tu, mon amour, dans quel pays, dans quel faubourg » ? Elle a beau crier, faire hurler sa guitare, rien ne se passe… ou seulement des apparitions comme dans « Au Louvre », des souvenirs, « Comme avant, je nous imagine sur un voilier ou sur un fil, les pieds nus au bord de l’eau »…
Mais ce qui pourrait être banal à pleurer ne l’est plus grâce à cette présence joyeuse, cette connivence, une camaraderie qu’elle installe avec le public. Grâce surtout à cette musique où elle nous promène, où les styles se confrontent et s’assemblent. Certains sauront identifier clairement beaucoup de réminiscences : blues, rock’n’roll, new wave, pop-rock, punk, électro… Et pour notre plus grande joie – avec pour ponctuations des Hey, des oh, des Ah, des yeah et des waouh – le Rock a billy de nos très jeunes années.
Alors voilà, ce soir le Bijou s’est mis debout. Le Bijou a dansé… Mell a soudain dépoussiéré, lavé nos cerveaux de tout le fatras qui s’y loge en nous invitant dans sa frénésie, sa boulimie de sons.
« On danse tant qu’il est encore temps ! »
Courez vite au Bijou (deux soirs encore) et partout ailleurs dans la francophonie où vous verrez passer le nom de Mell… avec deux ailes pour mieux vous emporter !