Album, Reste la lumière, sor­tie le 23 octobre 2015 chez Ici, D’ailleurs.

Angé­lique Iona­tos : Chant, Gui­tare, Gas­par Claus : Vio­lon­celle, Kate­ri­na Foti­na­ki (Gui­tare) Claude Tcha­mit­chian (Contre­basse, César Stros­cio (Ban­do­néon)
Voi­là plu­sieurs mois déjà que cet album est appa­ru, cha­leu­reu­se­ment salué comme il se doit et comme cha­cun de ceux qui l’ont pré­cé­dé. Une bonne ving­taine, en qua­rante ans de carrière !

Fin octobre, quelques jours avant que nous ne soyons frap­pés, aba­sour­dis, par la vio­lence aveugle qui s’est abat­tue sur Paris. Sou­dai­ne­ment ces chan­sons deviennent pré­mo­ni­toires, comme offertes pour nous appe­ler à retrou­ver « notre regard… à la hau­teur des dos voû­tés » (Habi­tudes, Yian­nis Rit­sos), à aimer nos pro­chains, « les humains, les inhu­mains », même « les Atrides » ! (Aimez vos pro­chains, Dimi­tris Mortoyas).

Bien sûr pour entendre ces chan­sons là, il faut d’abord faire silence.

Bien sûr, il faut remon­ter le cours du temps, len­te­ment, dans sa tête, ses souvenirs.

Bien sûr, il faut regar­der Le bateau fou du poète Odys­séas Ely­tis, celui qui « voyage depuis la nuit des temps » et n’a tou­jours pas som­bré, « nous à bord depuis tant d’années ». Puis écou­ter la note lon­gue­ment tenue de la pre­mière chan­son, comme dans un chant tibé­tain (Cou­rage). Lais­ser alors mon­ter en nous le désir de rejoindre ces « belles com­pagnes » convo­quées par le poète, chan­ter avec elles, avec ces Anges Fémi­nins du sep­tième titre, avec ces « sœurs sor­cières, vieilles com­pagnes, fées oubliées » (Mes sœurs sor­cières, texte signé d’Angélique Ionatos) :

« Pre­nez des fila­ments de lune dorés et argen­tés /​Bro­dez des étoiles brillantes, des gouttes de rosée/​Des rêves et des espoirs sur nos ailes frois­sées ».

C’est que, grâce à Angé­lique Iona­tos, on sent bien que « notre déci­sion de nous battre reste intacte » (Opti­misme /​Et si l’arbre brûle). Certes Per­sé­phone qu’un ban­do­néon sen­suel escorte, arpente tou­jours le monde sou­ter­rain, tutoie la mort, mais elle est aus­si source de ger­mi­na­tion, de vie pros­père, « elle veut chan­ger monde /​Elle veut une peau de soie, des rêves doux ». (Per­sé­phone, Dyo­nis­sis Kapsalis).

Bien sûr, il faut avoir en mains le pré­cieux livret offrant la tra­duc­tion des textes grecs car c’est s’offrir alors un voyage vers nos ori­gines loin­taines, nos racines enfouies, notre source.

Cette langue d’une saveur sin­gu­lière, Angé­lique Iona­tos la porte comme on porte un bijou, un camée d’une chère dis­pa­rue. Elle rend un vibrant hom­mage à ses chants de joies et de dou­leurs mêlées dans Ana­to­lie (texte de Kos­tis Pala­mas) : Je marche et m’en vais avec vous.

De sa voix pro­fonde et grave, de sa gui­tare par­fois orien­ta­li­sante elle rejoint à plu­sieurs reprises un vio­lon­celle aux accents déchi­rants d’une âme cha­vi­rée, bou­le­ver­sée et ten­dre­ment amou­reuse (Habi­tudes, L’équation de l’amour, La route).

Coûte que coûte, mal­gré la fièvre et le sang, cet album nous invite à regar­der ver­dir le monde, à ten­ter de sau­ver l’amour et l’espérance : « Je vais ser­rer- une fois, deux fois – les caresses dans mes paumes/​Je vais ser­rer –deux fois, trois fois- la chance, la trou­ve­ras-tu ? » (Début du monde, texte d’Odysséas Elytis).

« Et si l’arbre brûle reste la cendre et la lumière,
Dans le désert les cac­tus prennent racine.
Si les sources se sont taries il pleu­vra à nouveau
le jeune fils reviendra
à la mai­son abandonnée.
Sous la neige épaisse les graines veillent
A la fron­tière de la cour le vent mau­vais s’épuise.
Et si nous sommes res­tés nus et entou­rés de loups
notre déci­sion de nous battre reste intacte. » Dimi­tri MORTOYAS

https://soundcloud.com/icidailleurs/5‑et-si-larbre-br-le