[Extrait]
Venir écouter l’égérie des années d’après-guerre, la femme véritable qui affiche haut les cœurs un âge que l’on sait éprouvant, arriver longtemps à l’avance au théâtre pour être certaine d’être au plus près d’elle, admirer le ballet silencieux et précis des techniciens dans le bleu nocturne des projecteurs, et puis et puis… écouter, recueillie, le duo instrumental piano accordéon qui installe le décor sonore, voir l’auréole de cheveux blancs de l’homme à son clavier, le si modeste Gérard Jouannest, et enfin l’apercevoir qui s‘avance du fond de la scène, à petits pas comptés, silhouette fragile dans sa robe de velours noir, sous la poursuite qui l’habille d’un rond de lumière protectrice… Et assister soudain à un incroyable tour de magie : c’est ainsi que s’accomplit le rituel, le passage entre la réalité, ma réalité, et le spectacle vivant ! Juliette Gréco s’approche du micro et, dans un mouvement lent de ses deux mains en calice, lance au public un baiser : passerelle d’amour.