Barjac, Liz Van Deuq (© Géraldine Aresteanu)
1er août 2016 – Barjac m’en Chante, Liz Van Deuq
avec Vanessa Dequiedt « Liz Van Deuq », piano voix
Cour du château- Barjac (Gard)
Les rendez-vous concoctés par le nouveau directeur artistique, Jean-Claude Barens, poursuivent leurs imprévus. C’est l’occasion de s’interroger sur ce qui a pu motiver sa programmation, notamment la répartition entre chapiteau et cour du château. Il va sans dire que le deuxième lieu recèle une part de reconnaissance d’un degré différent. Enfin, c’est la lecture que l’on est en droit d’en faire…
On attend ce soir au château, Liz Van Deuq, seule au piano, ce magnifique piano à queue qui dans un peu moins de deux heures accueillera le concert fleuve de Romain Didier. Excusez du peu !
Pour tout savoir sur cette jeune fille au pseudonyme assez étrange, il vous suffira d’aller lire ce qu’en dit David Desreumaux sur son site Hexagone. Vous saurez tout de cette jeune pianiste, de ses échecs aux concours qui en auraient fait un professeur de musique au collège – oups, elle a eu chaud ! – de son parcours en radio, de son premier album « Anna-Liz » et de ses récompenses. Diffusé sur France Inter à l’occasion du Radio Crochet 2014, il reçoit l’année d’après le prix Moustaki / le Prix de l’UNAC de la SACEM – Liz en profite pour remporter aussi cette année là le 2ème Prix Le Mans Cité Chanson. Voilà qui peut justifier sa place dans la lumière aujourd’hui… Mais sans doute n’est ce pas suffisant.
Il faut y ajouter d’abord sa personnalité singulière sous ses faux airs de jeune fille rangée. Ensuite son aplomb en scène, son culot. Elle regarde le public droit dans les yeux, sait installer des silences, en jouer comme une comédienne avertie. Enfin son approche de l’écriture et de la musique, où elle n’aime rien tant que papillonner dans des styles différents, être à l’écoute des maladresses, des incidences. Barbara disait qu’une fausse note peut se trouver créatrice… C’est exactement ce qu’elle dit de son art –entendre, son savoir-faire – lors de la rencontre de 11h11 du lendemain. Elle surprend, se surprend, s’amuse et nous amuse. Et ça marche !
Elle nous régale de ses apartés, de ses interludes où elle campe un personnage de jeune chanteuse gauche, empruntée qui doit assumer tous les rôles : auteur-compositeur- interprète –pianiste- manager– directeur artistique du projet Liz Van Deuq … Elle joue les chauffeuses de salle avec l’espoir d’égaler un jour Johnny ou Christophe Mae « Barjac est-ce que vous êtes là/las… ? » Et la voilà qui joue sur les mots… » Mon disque d’or /Dort-Dormira bientôt »… Elle lit son poème minute du jour, donne la feuille sur laquelle il est griffonné à un spectateur pour qu’il en fasse un avion de papier, puis livre son message contre le réchauffement climatique sur une musique de Noël : « Tous ses beaux joujous que tu vois en rêve / vaut mieux les décommander… » Elle bouscule les idées convenues et nous offre ainsi des moments inattendus de rire ou de tendresse : Pourquoi par exemple ne pas se réjouir de vieillir, se foutre d’être vieux, aimer les rides ?… Et si l’amour est si difficile à deux – ce dont tout le monde convient- pourquoi ne pas le vivre à cinq ?
Alors le public se laisse volontiers prendre au filet de sa fantaisie, de sa jeunesse insolente avant d’accueillir un maître es chanson : Romain Didier dans son récital magistral, Dans ce piano tout noir.
Il a subjugué par ses longs enchaînements de chansons intimes, sans bravos, ouvertes et refermées sur le rappel musical de chansons du répertoire qui y font écho. Sous ses doigts, dans sa mémoire tout s’est mêlé, entremêlé. C’est un maillage de sensations, d’émotions où nous retrouvons les nôtres.
C’est la fonction, la force de la chanson, et au-delà de toute forme d’expression artistique : naître d’une tranche de vie, du regard personnel, d’une émotion intime pour aller à la rencontre d’un bout d’humanité en chacun de nous.