Bobin, Gaillard et Boissery, Renaud for ever (© Manon Frizot)
1 & 2 juin 2016 – Gaillard et Bobin chantent Renaud et Boissery le lit
avec Frédéric Bobin (guitare, chant), François Gaillard (accordéon, chant), Laurent Boissery (lecture)
Le Bijou (Toulouse)
« Il faut aimer la vie et l’aimer même si /Le temps est assassin et emporte avec lui /Les rires des enfants et les mistrals gagnants. »
Parfois vous vous rendez en concert comme à un rendez-vous de copains. Ni frime de votre part ou de la part des acteurs, ni attente trop forte. Aucun risque d’être déçu ! Vous vous installez dans la confiance et la certitude de trouver la chaleur, l’amitié… et même la tendresse.
C’est le cas ce soir, d’autant plus que c’est au Bijou à Toulouse, presque un peu chez soi… D’autant plus qu’il s’agit d’écouter les chansons de Renaud, comme un frangin – décidément paumé ces derniers temps au point de chanter qu’il a embrassé un flic (mais ça, c’est une autre histoire !)… D’autant plus qu’il s‘agit de retrouver des valeurs sûres de la chanson qu’on aime, Bobin et Gaillard, tous deux copains comme cochons et en chansons depuis belle lurette. Un troisième larron, Laurent Boissery, les a rejoints. Directeur de théâtre, organisateur du festival Attention les feuilles, il est surtout là comme un grand frère portant un regard tendre et amusé sur ce duo de chanteurs. Installé confortablement côté jardin il lit quelques-unes des chroniques parues dans Charlie Hebdo de 1994 à 1996 et rassemblées dans un ouvrage titré Envoyé spécial chez moi. Quelle idée savoureuse !
C’est entendre autrement Renaud dans ses confidences au lecteur, forcément son complice. La langue est délicieusement fleurie, avec juste ce qu’il faut de familiarité pour rendre compte d’un parlé juteux, gouleyant, devenu l’image de marque du chanteur, ce qu’il faut bien appeler son style. On pense alors au meilleur de Cavanna. C’est cette voix qui ouvre le spectacle et donne le ton. Il est question du Bassin d’Arcachon, de paparazzis du dimanche. C’est Renaud confronté à la célébrité… et à la connerie, pas d’autre mot ! Plus tard on entendra ce qui pourrait bien s’échanger avec ses musiciens en cas de victoire de l’extrême droite – rappel : on est en 1995 ! – puis l’histoire de son chien Toto à qui l’on veut à tout prix donner des friandises et qui les vomit inévitablement sur ses chaussures, un projet d’exil politique… à Monaco (!) et surtout le blues, son blues… comme on imagine qu’il l’a eu souvent, avec cette sensation que la vie est un château de sable que les déferlantes du monde autour détruisent inexorablement…
Il faut le dire ces textes sont un écrin pour les chansons que les deux musiciens, guitare et accordéon, arrangent à leur façon. Leur accompagnement est un langage, le prolongement de leurs émotions, celle de leur enfance à l’écoute de Renaud. On y devine qu’ils s’identifiaient à lui comme tant de gamins de ces années 80 même s’ils n’avaient ni blouson de cuir, ni mobylette et peut-être même pas de barres d’immeubles autour. Tout juste un bandana rouge… Même pas sûr !
Ce qui frappe c’est leur bonheur à chanter, seul parfois, mais le plus souvent ensemble. Que c’est bon de les voir se tourner l’un vers l’autre dans une joie qui éclabousse le spectateur ! On est troublé durant la première partie quand ils entonnent ces chansons qui expriment le mal de vivre d’une jeunesse qui se sent flouée, oubliée, méprisée, qui n’a pour horizon que la violence, la douleur, la mort. Comment ne pas frissonner en écoutant la longue note tenue de l’accordéon sur la lamentation du voyou qui rate son braquage, et meurt sur le bitume : « J’ai des millions d’étoiles au fond de mon caveau ».
Que n’a‑t-on écouté davantage les chansons de Renaud, à commencer par Hexagone ?
Bien entendu on aimera les regards amusés posés sur quantité de personnages, toute cette tendresse aussi qui pleut souvent dans les textes de Renaud… Germaine, Doudou, la Teigne, le loubard, celui qui est une bande à lui tout seul, le vieux « marxiste tendance Pif le chien… Ch’timi jusqu’au bout des nuages », le retraité à qui sa vie de sueur ne laisse même pas la chance d’aimer ce temps délivré de sa machine.
Pour finir on laisse les larmes venir en écoutant leur émouvante version de Mistral Gagnant, une très, très, grande chanson de notre patrimoine que ces deux-là, Bobin et Gaillard, portent haut…
« Ce qui frappe, c’est leur bonheur à chanter.… Une joie qui éclabousse le spectateur… » Et qui a fait de cette deuxième soirée au Bijou un moment de grâce ! Bien sûr, « l’écrin » des textes dits si justement met l’ensemble en valeur. Renaud, c’était bien. Avec ces trois complices, Renaud, c’est mille fois mieux !
Et tant pis pour ceux qui n’étaient pas là ! la salle n’était même pas pleine ! Mais moi je sais que Frédéric, François et Laurent ont donné le meilleur d’eux mêmes et jeudi soir, j’ai eu le sentiment de faire partie des privilégiés.
En outre, ils ont eu la gentillesse de m’indiquer votre blog.… J’y reviendrai.
Revenez souvent, Pierrette ! Merci pour votre témoignage et pour ces artistes !