4 mars 2016 – Piano voix 2015
Textes de Jimmy Grandsire et musique, piano et chant d’Hélène Grandsire
Sortie de l’album
« […] lorsque je joue du piano, je ne peux m’empêcher de chanter ; et quand je ne joue pas, des mélodies me viennent et me poussent vers le piano… »
Il est de ces albums qui, lorsqu’ils vous arrivent, retiennent vite l’attention. Pour celui d’Hélène Grandsire, il a suffi d’un regard sur la pochette : le noir et blanc, visage suggéré plus que portrait véritable d’une femme qui chante, tête légèrement inclinée, Barbara inévitablement évoquée et ce titre sobre : Piano voix 2015 qui s’inscrit dans la lignée de ceux qui ont précédé avec une régularité de métronome.
C’est sans prétention et c’est exactement ce dont il s’agit. Un piano – sans grande prétention non plus – qui nous ramène à d’autres mélodies familières souvent entendues. On se sent en terre connue. Une voix surtout. Une limpide, claire et affirmée que l’enregistrement (« à la sauvette » ou presque nous dit-on) a choisi de mettre en avant. Et ce n’est pas pour nous déplaire ! Ainsi le texte est lui aussi distinctement porté, comme poésie déclamée ou presque. On y devine le travail, le respect. La simplicité de l’écriture est affichée, alors on pense à un poème d’Eugène Guillevic que voici :
J’ai vu le menuisier
Tirer parti du bois
J’ai vu le menuisier
Comparer plusieurs planches
J’ai vu le menuisier
Caresser la plus belle
J’ai vu le menuisier
Approcher le rabot
J’ai vu le menuisier
Donner la juste forme
Tu chantais, menuisier,
En assemblant l’armoire.
Je garde ton image
Avec l’odeur du bois.
Moi, j’assemble des mots
Et c’est un peu pareil.
La chanson d’Hélène et Jimmy, c’est ce savoir – faire là, cette patience à assembler les mots, à les poser sur les notes du piano, à les glisser dans la gorge. Ce sont des artisans de la chanson, des artisans comme ceux sans doute que la vieille terre qu’ils habitent en Basse Normandie a dû porter.
On tient à saluer aussi cette chanson-là qui s’en va, de petite scène en petite scène, toucher le cœur de beaucoup de gens sans jamais prétendre accéder à une autre joie que celle du partage de la chanson, celle qui « débouche tous les austères /et remue les cœurs fatigués » et qui aime les ritournelles « Nananananère » (Je veux). Hélène Grandsire chante la solitude, interroge son cœur qui bat, qui boîte, et préside finalement à la création (Regarde, on te regarde) ; elle n’oublie rien de l’humanité en errance… Rien de ses « sales besognes de l’Histoire » (La page blanche) ni de ceux parmi elles « qui nous déglinguent » (Ding dingue dong), de son mépris des autres espèces (Chanter aussi). Parfois, l’écriture peut paraître naïve dans ses références bucoliques, tant elle est limpide, sans détours inutiles, loin de certains textes prétentieux et hermétiques. Mais quand il s’agit de son sort de femme libre, la chanteuse ne lâche rien… Elle « enfonce jusqu’à la garde ». Et gare à la femme amoureuse ! « T’as quelle heure à ton cœur /Faudrait pas qu’il retarde /Soulève ton pull que je regarde » (Je t’aime).
Hélène et Jimmy servent la Chanson, la leur, celle des autres mais toujours fidèles à la poésie. L’album s’achève sur trois reprises : Verlaine, Rimbaud, Aragon mis en musique par Léo Ferré.
Du bel ouvrage en somme.