Concèze, De proche en proche (© Claude Fèvre )
14 juillet 2016 – Concèze, « De proche en proche »
avec Julie Bernard et Pierre Aussedat, comédiens, Manu Lods et Thibaut Defever /Presque oui, guitare – voix. En partenariat avec la commune de Juillac et la SACEM.
Salle des fêtes– Juillac (Corrèze)
Hier soir, 13 août, le lancement du festival s’offrait les Terrasses du château de Pompadour… Excusez du peu ! Vous avouerez qu’il y a de quoi mettre quelques étoiles de plus au ciel d’août déjà joliment constellé. D’ailleurs aujourd’hui nous entendons ici ou là des commentaires élogieux de cette soirée qui donnait un avant-goût du festival avec les artistes présents.
Aujourd’hui nous sommes à Juillac, bourgade d’un millier d’habitants, au cœur d’un limousin rural, entre arboriculture et élevage, fière d’accueillir pour la deuxième année un moment de poésie et de chanson. Il faut dire que l’enfant du pays, Matthias Vincenot sait convaincre avec son entêtement de passionné qui parvient à tendre des passerelles enchantées entre Paris Sorbonne et sa « petite patrie ». La salle des fêtes du village, toute proche de la majestueuse mairie du temps de l’école publique et laïque conquérante, s’apprête à accueillir un moment d’exception.
Bien entendu, on entend souvent rappeler les liens historiques étroits entre poésie et chanson mais les voir ainsi illustrés est chose rare. C’est Julie Bernard, comédienne de cinéma et de théâtre qui offre d’abord au regard son élégante silhouette vêtue de bleu, sa blondeur et sa peau dorée. Elle s’assoit simplement en bord de scène et lit quelques poèmes. Sa voix douce et caressante s’élève Comme par miracle ainsi que le répète le poème de Jacques Prévert, puis un extrait de Mamm’Emilia d’Erri de Lucca, s’ensuit un poète belge puis un grec… Et c’est avec Thibaut Defever à la guitare (Presque oui) qu’elle termine. C’est doux, très doux. Léger, très léger. Presqu’un murmure.
Manu Lods lui succède. Casquette, chemise fleurie et surtout œil malicieux. Un petit air de Pierre Perret… Sa première chanson nous promène en tendresse dans la petite enfance, celle qui se grimpe sur les épaules d’un père d’où la terre est si jolie. On aime les chansons de Manu Lods qui se nourrissent de l’air du temps – on sourit de ce pigeon goguenard qui dépose une guirlande sur le costume de notre président un jour sombre de janvier 2015. On aime la chanson qui offre sa promenade familière, satirique parfois mais toujours tendre, jamais amère. Elle se rit de nos travers et parfois s’assombrit juste le temps de finir une chanson mais pas davantage. Car Manu Lods aime la vie et le chante, comme le souligne le titre de son dernier album Garder le fou rire…
C’est avec Alfred de Musset, un long extrait de Spectacle dans un fauteuil /Namouna que se poursuit une déambulation quelque peu orientale en terre poétique. Une série de sixains que la superbe diction et la voix éclatante de l’acteur Pierre Aussedat nous font découvrir. Le texte nous promène dans les méandres de la pensée d’un poète qui s’attarde au paradoxe de la nature humaine – « Est-ce la main de dieu, est-cela main de Diable » chante Barbara – s’interroge sur le rapport entre l’auteur et son personnage… On est littéralement transporté, ailleurs, sur des rives aujourd’hui si rarement frôlées. Temps suspendu avant que ne vienne le dernier artiste de cette fin d’après-midi.
Thibaut Defever a de quoi faire naître des étoiles filantes musicales de sa guitare. Il en joue avec dextérité, finesse et beauté… Difficile parfois de croire que la musique nous vient d’un seul instrument. Ses mots font apparaître des paysages, des émotions. L’artiste s’étonne d’un ton amusé des musiques et des paroles qui ne doutent pas de l’amour… lui trouve suspecte cette guimauve. On se souvient l’avoir entendu en duo avec Sophie Forte dans une chanson tendre et malicieuse… « Tant qu’on n’aura pas… On saura pas »… On se dit alors qu’il a quelques airs d’Alain Souchon que l’on aime tant. Il nous amuse de sa recette de cuisine approximativement réussie, de l’inondation dans son appartement… « Je veux être sauvé par la voisine du haut »… Mais il nous touche au plus profond aussi quand il aborde un thème rarement évoqué, un virage, une embardée, le feu dans la poitrine, le sang… et enchaîne sur « Je n’en démords pas, tu reviendras… ». Un bel artiste décidément qui jongle joliment avec les sons et les mots. Et pour parfaire le portrait, « simplicité et générosité » bien entendu comme le dit avec justesse le programme.
Est-ce la poésie qui fait de l’œil à la Chanson, est-ce la Chanson qui lui court après ? Nous avons quelques heures encore pour nous nourrir de cette gourmandise là.