DDC 2016, Badaboum (© Claude Fèvre)
30 janvier 2016 – Badaboum
avec le chœur de l’ARPA – www.arpamip.org- Voix Express -www.voixexpress.com – Le Cri du Chœur – www.lecriduchoeur.fr-le Chœur Archipels, atelier vocal des Eléments-www.les-elements.fr – le chœur du département musique de l’Université Toulouse Jean-Jaurès
La Halle aux Grains (Toulouse)
Le festival Détours de Chant, originellement impulsé par Hervé Suhubiette dont on n’ignore pas la passion pour le chant choral, ne pouvait se passer d’aller faire un tour (un tour de taille !) par le chant choral. Ce soir c’est révérence faite.
Le spectacle éphémère a lieu dans ce haut lieu de la musique, la Halle aux Grains. Voici donc que le chant choral amateur s’y est invité en majesté pour la joie d’un vaste public.
Cent cinquante choristes au moins se rassemblent sur le vaste plateau où clavier, contrebasse et percussions les soutiennent. Les chefs alternent, parfois se rassemblent, les chœurs se confondent dans une chorégraphie et une polyphonie savamment orchestrées.
Pas un temps mort dans ce spectacle répété au cours d’une quarantaine d’heures dans les semaines passées. Chaque chœur montre sa singularité évoquant ainsi la richesse et la variété des répertoires vocaux. Ce qui les réunit avant tout c’est le désir de partager une expression musicale dont nous pouvons tous disposer, annulant nos différences sociales et culturelles. C’est rendre grâce à la voix chantée, cet organe qui, en tout temps et en tout lieu, permet d’exprimer les émotions et de les partager.
Ce soir, on assiste d’abord aux échauffements cadencés et enjoués de tous les choristes pour entonner un premier chant, Comme un boomerang (Serge Gainsbourg) que nous aurons le privilège de réentendre à la fin. C’est ensuite Le Cri du Chœur, dans ses tenues de couleurs éclatantes du plus bel effet sur cette scène, qui offre une première évasion du côté de la Yougoslavie, du Nigéria, de l’Espagne militante de 1936. Voyageurs immobiles, nous nous laisserons dépayser plus tard par un petit tour en Polynésie, Arménie, Bulgarie, Afrique du Sud sur un chant zoulou qui rassemble tous les choristes.
C’est dans des terres plus familières, mais non moins étrangères, sur des rythmes pop ou jazz, que l’ARPA nous offre son escapade américaine. Le chœur de Voix Express lui, dirigé par les deux complices, Hervé Suhubiette et Lucas Lemauff, fait entendre à nouveau le répertoire éclectique et joyeux préparé pour l’ouverture du concert Jehan-Lionel Suarez. Quant à Claire Suhubiette, nous la retrouvons avec bonheur dirigeant le chœur Archipels et celui de l’Université Jean-Jaurès, dans l’hommage rendu aux chansons de Claude Nougaro qui leur vont si bien.
Il faut le reconnaître nous sommes à nouveau saisis par la beauté, la force de l’interprétation de Toulouse, avec Hervé Suhubiette au chant lead, version que nous avions déjà entendue lors de sa Carte Blanche en juin dernier au Bijou. Oserons-nous dire que ce chant, quasi mythique et d’autant plus risqué, était peut-être le point culminant de ce spectacle. D’ailleurs, la profondeur du silence dans la salle, suivi de l’ovation, nous a semblé en être le signe.
On ne manquera pas aussi de souligner un autre moment personnel d’émotion : quand tous les chœurs réunis offrent l’expérience de chants « en boucles » avec la participation du public, nous croyons reconnaître, dans le couple qui improvise, la jeune et talentueuse Alice Bénar du duo Au creux de l’A. récompensée au dernier prix Vive la Reprise…
La soirée s’achève dans un partage des voix des choristes mêlées à celles des spectateurs, sur des mots d’Arthur Rimbaud :
J’ai tendu des cordes de clocher à clocher
Des guirlandes de fenêtre à fenêtre
Des chaînes d’or d’étoile à étoile et je danse.
Voici que dans la ville, en quittant le théâtre, les mots du poète illuminent le pavé. Ils s’en vont portés par nos émotions encore vives. Deux petites filles et leur mère les chantent dans la rame du métro…
Où vont donc les chansons quand les voix des chanteurs se sont tues ?