15e Festival DécOUVRIR (2017) – Jean Guidoni (© Claude Fèvre)

15e Fes­ti­val DécOU­VRIR (2017) – Jean Gui­do­ni (© Claude Fèvre)

13 août 2017 – 15e Fes­ti­val DécOUVRIR

Après-midi « De proche en proche » :
concert d’Eskelina – André Ughet­to et André Prud­homme, poètes
Soi­rée : concerts d’Eric Guille­ton – Gau­vain Sers – Jean Gui­do­ni et le poète Étienne Orsini

Avec, par ordre de passage :

André Ughet­to (lec­ture) – Eske­li­na en quar­tet – André Prud­homme pour un temps de par­tage avec le public

Éric Guille­ton (gui­tare, voix) et l’ensemble DécOU­VRIR – Gau­vain Sers accom­pa­gné par Mar­tial Bort et l’ensemble DécOU­VRIR Jean Gui­do­ni en quartet

L’ensemble DécOU­VRIR Étienne Cham­pol­lion (pia­no, accor­déon, gui­tare, uku­lé­lé, arran­ge­ments), Louis Thé­ve­niau (cla­ri­nette), Vincent Imbert (pre­mier vio­lon), Ben­ja­min Clou­tour (second vio­lon), Flo­rian Texier (alto), Astrid Bâty (vio­lon­celle)


Salle des fêtes – Juillac (Cor­rèze) & Salle du Foyer rural – Concèze (Cor­rèze)

Le beau dimanche que voi­là… « De proche en proche » titre le pro­gramme de l’après-midi pour nous signi­fier que nous irons pas à pas le long de rives que nos jours ordi­naires nous dis­si­mulent sous leurs cris et chu­cho­te­ments sans fin. C’est avec le poète André Ughet­to que s’ouvre la célé­bra­tion du beau et du sen­sible. Oui, par­lons de « célé­bra­tion » quand s’invitent les images, les cou­leurs et les sons, le monde vivant, les mythes, quand la souf­france même – le cruel et l’inadmissible – se font poèmes. On rêve­rait que nous reste seule­ment de ce voyage « le silence lac­té sous la lune ».

La belle Eske­li­na, Prix Mous­ta­ki 2016, et les mots de sa Suède natale pour­suivent l’évasion hors du temps. Elle nous dira plus tard qu’il s’agissait d’une chan­son de paix… Sen­sa­tion étrange d’avoir reçu le mes­sage, sans en connaître la langue. C’est d’ailleurs dans cette langue aus­si qu’elle achève son concert… Une chan­son tra­di­tion­nelle qui appelle plantes et fleurs au secours d’une fille, pour ne pas « tom­ber enceinte »… Le poète André Prud­homme dira d’elle – avec tel­le­ment de jus­tesse – qu’elle est « la conjonc­tion de l’énergie, du talent et de la beau­té ». Son auteur Florent Vin­tri­gner et son com­po­si­teur-arran­geur Chris­tophe Bas­tien, lui font des « chan­sons sur mesure », des chan­sons qui s’attardent volon­tiers aux maux et mots de nos réa­li­tés d’aujourd’hui, qui rap­pellent ses ins­tants de doute, ses fêlures et ses peurs sur­tout quand s’élèvent les cris des hyènes… Mais son âme est libre et légère aus­si. Car ce que nous signi­fient son éner­gie, sa joie en scène c’est qu’elle ne lâche rien. Avec elle on se sou­vient des pré­noms gra­vés dans l’écorce du cèdre, pro­messe d’amour non tenue, du grand lit d’Émilie et l’on entend encore les sif­flets des oiseaux qui accom­pagnent cette déli­cate chan­son. On se sou­vient de son grand éclat de rire quand elle en a fini avec son aveu « Je suis amou­reuse, affreu­se­ment amou­reuse »…

Pour clore cette après-midi, un ins­tant de par­tage est offert au public, ani­mé par le poète André Prud­homme. Cette alliance du beau, dans cette salle d’un vil­lage de Cor­rèze, c’est un « luxe » assurément.

Luxe, calme et beauté…

Le concert d’Éric Guille­ton, hom­mage à son ami Pierre Barouh, c’est le pri­vi­lège encore de ne pas s’arracher à la beau­té et à la sim­pli­ci­té. Un cadeau de plus dans ce dimanche peu ordi­naire. On sent le chan­teur à fleur de larmes… « S’il est vrai qu’il était une fois »…Quand le pas­sé cogne à la fenêtre qui s’embue, quand « le vent dehors joue de son orgue bar­bare », la nos­tal­gie pal­pite comme un petit oiseau bles­sé. On se sou­vient alors, pour se ras­su­rer, de l’instant fra­gile où l’on s’endort contre le corps de sa bien-aimée. C’est un véri­table pri­vi­lège de faire le cadeau au public de cette sin­cé­ri­té et de la beau­té de quelques chan­sons, ô com­bien fami­lières, signées Pierre Barouh, Les ronds dans l’eau ou A bicy­clette, mais aus­si de chan­sons à décou­vrir comme ce por­trait d’une Lily qui « se glisse dans l’air du temps » fait un clin d’œil à celle de Pierre Per­ret ou à L’auvergnat d’un cer­tain Georges… « Que feras-tu d’hier » ? Nous aime­rions seule­ment gar­der au cœur une petite valse comme celle que nous a été offerte, accom­pa­gnée par l’ensemble DécOU­VRIR.

Le poète de la soi­rée, c’est Étienne Orsi­ni qui lit sa poé­sie avec l’authenticité et la sim­pli­ci­té d’un ami… un ami Corse qui chante aus­si sa terre, son petit vil­lage per­ché et ses qua­rante habi­tants. L’accompagnement d’Étienne Cham­pol­lion au pia­no accorde à cet ins­tant une majes­té, une noblesse. Élé­gance du lan­gage poé­tique en quête de véri­té, entre mélan­co­lie – com­ment pour­rait-on y échap­per ? – et clai­rières lumineuses.

Le public si atten­tif l’instant d’avant, fera l’ovation atten­due au jeune Gau­vain Sers, à ses chan­sons qu’il peut reprendre. Les têtes dode­linent en rythme. On sent une franche joie popu­laire par­cou­rir la petite salle qui s’est rem­plie d’un public fami­lial. On ver­ra les écrans se lever pour sau­ver cet ins­tant… Ce qui est plu­tôt rare au fes­ti­val de Concèze. Nous assis­te­rons – qua­si-mot pour mot entre les chan­sons – au même concert qu’à celui enten­du à Bar­jac il y a quinze jours, sauf qu’ici il sera beau­coup ques­tion d’une riva­li­té ami­cale Creuse-Cor­rèze qui ravit l’assistance. Sauf que nous ver­rons Clio entrer en scène pour par­ta­ger une chan­son coécrite, un jour de dou­leur, au pied de la fameuse Marianne qui veille sur la place de la Répu­blique et dit : « J’avais même pas vu les étoiles là juste au bout de mon rameau »… Juste une courte appa­ri­tion de Clio qui donne envie d’être à demain.

La soi­rée s’achève tard dans la nuit avec un grand, très grand inter­prète de la Chan­son, avec Jean Gui­do­ni magis­tra­le­ment accom­pa­gné, pia­no, gui­tare, man­do­line, basse et contre­basse. On note d’emblée la conni­vence qui lie le chan­teur aux musi­ciens. Regards, dépla­ce­ments. On assiste à un véri­table par­tage d’amour de ces textes à la beau­té lunaire, comme un poème de Ver­laine où dan­se­raient masques et ber­ga­masques : « Au calme clair de lune triste et beau /​Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres /​Et san­glo­ter d’extase les jets d’eau /​Les grands jets d’eau sveltes par­mi les marbres ». Jean Gui­do­ni, chante, danse les mots. « Moi je danse, dans mon cer­veau, sur ma peau »… Des mots d’homme dont le corps est le palimp­seste de toutes les sen­sa­tions, émo­tions. Entre sang et cendre. On aime­rait sau­ver quelques ins­tants qui nous ont don­né l’envie de crier notre admi­ra­tion : bien enten­du, l’immense chan­son Dje­mi­la, mais aus­si J’ai peur, d’Allain Leprest, ou bien cette invi­ta­tion au réveil, à la révolte adres­sée aux filles d’Irak, de Syriedans son der­nier album, Légendes urbaines, mais sur­tout ces mots de l’homme d’aujourd’hui « Je ne sais si demain sera mieux que demain… je ne suis que fumée, que pous­sière… » Et pour finir, un rap­pel qui va si bien à ce jour, à ce dimanche de fian­çailles avec « l’impossible, l’inaccessible ».