Emilie Marsh & Claude Fèvre – Lecture Brigitte Fontaine – Le Bijou- 2017 (© Sylvie Ena)
13 Octobre 2017 – Lecture concert
Portrait de l’artiste en déshabillé de soie (extraits, éd. Actes Sud) Brigitte Fontaine
Avec
Claude Fèvre (lecture), Emilie Marsh (Improvisation – guitare électrique)
Le Bijou (Toulouse)
Article signé Mathilde Andréa, 17 ans et publié initialement sur https://chroniquesdemathilde.wordpress.com/
Ce soir, dans l’intimité du Bijou, Emilie Marsh et Claude Fèvre nous offrent un bien beau portrait, celui de Brigitte Fontaine, celui de « l’artiste en déshabillé de soie ». Alors que la guitare d’Emilie grince délicieusement, Claude entre en scène. Elle est comme une apparition. « Je mesure 1m69. Je suis une femelle francophone de race blanche ». Ses yeux semblent habités par quelque chose d’éloigné, qui la rend différente, ce soir. Les mots coulent hors de sa bouche, ils se fracassent contre nos oreilles. Rythmés par la guitare électrique d’Emilie, les mots de Claude frappent : « Je suis méchante ! Foutez-moi la paix ! (…) Méfiez-vous de moi ! »
Emilie et Claude sont là l’une pour l’autre : l’une dans l’univers des mots, l’autre, plongée dans sa musique, faisant vibrer sa guitare, explorant chacune de ses sonorités. Puis cette dernière rompt le rythme, un instant, et laisse Claude dans un silence troublant, avant de la rejoindre à nouveau. Toutes les deux jouent à un merveilleux jeu. Claude décortique chaque mot, explore chacune de ses sonorités, de ses syllabes. L’amoureuse des mots est majestueuse. Emilie, à côté d’elle, a le regard ancré sur l’horizon, puis elle détourne les yeux vers Claude. Elle l’admire, l’étudie.
Les deux artistes prennent l’espace qu’on leur offre, et elles le remplissent de mots et de musiques, de petits morceaux d’elles-mêmes. Elles se réunissent pour notre grand bonheur, dans un moment unique et intime. Le texte est rythmé par l’obsession de Brigitte Fontaine : son déshabillé de soie, ses « frôlements », ses « gonflements ».
« La vie est menteuse, sadique, sournoise, satanique. La vie est folle de moi, mais pas moi… » Claude clame ses mots comme s’ils étaient les siens, les chuchote parfois, les hurle à pleins poumons, en un seul cri, de douleur ou bien de rage. Claude est à la fois parfaitement ailleurs et tellement présente. Elle sombrerait presque dans une délicieuse démence. Les deux femmes sont illuminées par une lumière tamisée, elles sont resplendissantes.
Claude enfile un blouson de cuir noir, le regard suspendu dans le vide, « vêtue en bécassine japonaise ». Parfois même, elle chantonne, marmonne : c’est beau, ça tremble, un moment à fleur de peau. Alors qu’Emilie bouge lentement sous les battements de son instrument, Claude joue avec un foulard d’un jaune éclatant.
Adossée au pilier noir, Claude est belle, le regard suspendu dans le vide. Emilie ne la lâche pas, sa guitare est là pour soutenir le moindre de ses mots. « Il n’y a pas de conclusion, même pas de commencement. Tout est là comme toujours. Mais quelque chose s’est produit. »