Gari Grèu, album Barka, Luttes d’artiste 2021 (©Droits Réservés)
1er Mars 2021, « En ces temps si perturbés, où les artistes ne peuvent s’exprimer que par écrans interposés, où les salles restent portes closes, où la culture est officiellement proclamée NON ESSENTIELLE, résistons ! » (Gari Grèu)
LutteS d’artisteS en vidéoclips
Avec
Luttes d’artiste de Gari Grèu, album Barka, réalisation Patato Sanchez – Rosechou de Katel, album Mutants merveilles, réalisation Clifto Cream – Viêt-Nam sous la neige (B. Jalabert-Therre), réalisation Marion Castéra et Michel de Lisbone, réalisation Tom Courrieu, G. Chatelain & Lisbone, extraits de l’EP six titres éponyme – Dali de Claire Gimatt, album Sorcières, réalisation MiraRuido /Joseba Elorza – Sous l’eau, de Samuel Rozenbaum, album La Bande Song, réalisation Läetitia Laguzet – Elle voudrait de Clio, album L’amour Hélas, réalisation Isabelle Maurel.
« Oui l’artiste, ce fada, ivre d’idéal qui se bat pour un peu de beauté.
S’il n’est pas à l’affiche les passants auront au mieux de la pitié…
mais lui lutte, contre le deuil des idées, contre le verbe enchainé.
Il est vivant. »
Ce sont les mots de Gari Grèu (Massilia Sound System, duo Oai Star, collectif 13) qui claquent au vent comme l’étendard d’une troupe montant à l’assaut.
Regardez, écoutez ! Cette chanson Luttes d’artiste pourrait devenir l’hymne de l’art vivant. Elle commence avec la voix du griot, du poète, Tartare, « pauvre, éclairé, éclairant, punk, fin lettré », selon les mots de Gari Grèu. C’est de leur rencontre en 2012, de leur « collaboration enivrante », de leur sept années de pérégrination ensemble qu’est né l’album Barka, mot qui signifie « merci » en langue mooré parlée par les Mossi du Burkina Faso, né de la « baraka » arabe, signifiant la bénédiction, l’abondance de biens terrestres ou spirituels.
Les images de ce dernier clip, le quatrième de l’album, met en scène une autre rencontre, celle du trio de musiciens et des artistes de cirque : La compagnie Biz’Art, Somnambulle, le Cirque Aléatoire, Les K‑barrés, Nelson Malabares, Pesanteur et Pesant d’Or, les danseuses Sarah et Suzel. Acrobates, jongleurs, danseuses, échassiers – artisans du rêve, du risque et de l’illusion – ils les encerclent pour exprimer dans leurs corps, leurs gestes, le feu de l’artiste : « Il se bat, Guerrier cramé, /Il se bat, /Mercenaire griot, / Il se bat, /Pour un peu de beauté /Il se bat, /Trouvée dans un caniveau… »
Ce clip est aussi l’occasion de créer une vaste chaîne, de lancer un appel : « Racontez-moi le souvenir le plus extraordinaire de vos concerts, afin de mettre en lumière tout ce qui nous est interdit. Je vous invite à vous livrer dans une petite bande audio (durée max 1minute), que vous enverrez via mon site www.gari-greu.fr. » Certes, on attendra avec une vive impatience la compilation de ces témoignages.
Le nouveau clip de Katel est un hymne aussi. Depuis toujours, dit-elle, dans ses chansons, « la résistance c’est la fluidité, le mouvement ». Elle poursuit « Rosechou est une figure solaire, un corps qui résiste, un corps qui danse, et qui oppose à tous les discours de conservatisme et de peur une joie militante et salutaire. » Pour traduire cet acte militant, elle a choisi d’être paradoxalement légère « façon sixties », de nous donner une envie irrésistible de danser. Les images tournées en caméra Bolex confrontent le noir et blanc à la couleur un peu vieillie, l’image au crayonnage, au gribouillage ludique peint sur pellicule… Des images qui, on l’imagine, n’auraient pas déplu à Jean-Christophe Averty. Les sixties encore ! Il n’en reste pas moins que le message fait mouche : « On peut être chou et pousser dans les roses /Sous le même soleil /On peut être rose et pousser dans les choux /Sous la même lune pleine / Être rose fou rose chou rien de tout ça / Sur la même scène… »
Dans le même temps, à l’heure où il se prépare à la publication de son EP six titres, Lisbone touche à l’intime, à la douleur de l’absence avec son clip titré Michel, du prénom de celui dont il pleure encore la disparition brutale à 30 ans : « En moi il pleut /Une âme si belle, /Un homme, Michel. » Pour l’exprimer en images, le chanteur apparaît marchant sur la digue de Beauduc en Camargue. La caméra tourne autour de lui, s’arrête sur l’eau, le ciel teinté de rose, sur le visage de l’homme qui pense… On se rappellera son précédent clip, sorti en juin 2020, celui du titre Le Viêt-Nam sous la neige, dans un superbe noir et blanc proche de celui des films noirs, l’envolée des cordes, le scénario troublant et nocturne… « C’est le drame, la tempête pour de bon / Des ornières le long du cœur … »
Quand on en vient à Claire Gimatt, on se souvient que son album attend indéfiniment le temps de la parution qu’elle souhaite accompagner d’un concert. Comme tant d’autres direz-vous ! Nous avons suivi le lourd travail de communication antérieure, le visuel de chaque titre, les cartes assorties d’un QR code, le puzzle qu’elles constituent pour « plonger dans une autre dimension, celle de l’irréel, de l’imaginaire, d’une vie seconde » disions-nous alors.
Voilà qu’elle publie le clip du titre Dali pour annoncer l’album. Et c’est à nouveau le charme puissant d’un saut dans l’imaginaire, « une vie seconde et ininterrompue », chère à Fernando Pessoa auquel elle se réfère. Le réalisateur espagnol MiraRuido /Joseba Elorza lui prête main forte avec ses incrustations d’images détournées, disant « c’est le voyage libérateur d’une femme à travers des scénarios impossibles », celle qui chante « Hey ! / Je m’en vais / Oh je saute dans le tableau /de Dalí, là où /les éléphants sont les reflets des cygnes ». Offrez-vous sans tarder ce voyage dans les couleurs et les formes où plus rien n’est impossible, vous laissant emporter par la voix très singulière de Claire Gimatt.
De l’imaginaire encore, avec le clip instrumental du titre Sous l’eau de Samuel Rozenbaum, réalisé par Laëtitia Laguzet dont l’auteur –compositeur dit dans Longueur d’ondes du 12 Février 2021 : « Elle est capable de donner vie à n’importe quoi, de se débrouiller avec trois bouts de ficelles. Je lui ai donc donné carte blanche et un soir, m’a‑t-elle raconté, elle a eu l’idée de faire un clip en papier découpé scanné. C’est à dire que toute l’animation est faite en bougeant ses bouts de papiers sur son scanner. Je suis toujours bluffé par son inventivité et à quel point elle arrive à m’émouvoir avec trois fois rien » Sur ce trois fois rien, sur l’épure de la composition instrumentale – ces quelques notes que vous fait le plic-ploc de la pluie – sur les larmes et les gouttes de sueur, sur la magie de l’eau et le soleil qui s’invite, on meurt d’envie de poser ses mots aux côtés, pourquoi pas, de ceux de l’auteur qui écrit : « J’aime sentir, couler sous l’eau, la sueur suave et indemne. Et quand je pense aux ruisseaux, les yeux fermés ils m’appellent. »
C’est avec Clio, que s’achève cette incursion dans le monde luxuriant des clips (On ne sait pourquoi la langue française a choisi ce faux anglicisme quand la langue anglaise dit « music video ). Et – surprise- il n’est pas sans lien avec le clip de Samuel Rozenbaum, comme vous l’allez voir… Le tout nouveau clip de Clio s’ouvre sur l’image d’un rideau rouge fermé. Tout un symbole, on l’avouera, par ces temps sombres pour le spectacle vivant. Quand il s’ouvre, une femme, une comédienne, marche pendant que derrière elle on pousse des décors. Des gouttes de pluie de carton pâte tombent des cintres (lien avec le clip précédent…) On la maquille, on la coiffe, on l’habille… Et le texte de la chanson dit : « Pendant qu’elle marche des heures / Personne ne voit qu’elle pleure… Elle voudrait du piquant, des couleurs /Un volcan dans son coeur… » Quand le rideau se referme, voilà que nous y lisons une métaphore de ces maudits interdits pour le spectacle…