19 novembre 2015 – Johnny Hallyday, Chansons à la Plume et au Pinceau
Michel Kemper/Héran, préface Alain Lanty
Éditions Carpentier
Ah ! Que ce « quoi qu’on die » est d’un goût admirable ! S’exclamerait une délicieuse idiote, affublée, allez savoir, du prénom d’Armande, dans je ne sais quel salon où l’on causerait chanson d’aujourd’hui.
Que l’on idolâtre ou que l’on déteste – les deux attitudes étant pareillement contestables – celui que seul son prénom d’emprunt désigne, Johnny, puisqu’il faut le nommer, est, depuis 55 ans passés, au zénith de l’actualité « chansonnière ». D’ailleurs nos titres de journaux ne vont pas tarder à nous le rappeler puisque son cinquantième album paraît dans trois jours.
Après les trois noms devant lesquels notre Armande se répandrait sûrement en gloussements de jouissance, à l’unisson d’autres pintades, Brassens, Renaud, Brel, voici que les éditions Carpentier sortent un Johnny, signé Kemper pour le texte, Héran pour le dessin. Ni pamphlet, ni hagiographie. De l’humour, de la tendresse aussi. De la recherche. Beaucoup.
Pour être franche, de la première à la dernière page, mon plaisir n’a pas failli. Tiens, aurais-je quelque chose d’Armande ?… Pas question évidemment de rivaliser avec la biographie exhaustive de Frédéric Quinonero, La vie en rock (L’Archipel, 2014) même si, bien entendu, nous savons tous que « le répertoire de Johnny est une biographie chantée en temps réel. »
Cet album-là c’est une mine. On y trouve des anecdotes savoureuses, comme ce refus de Johnny de prendre dans ses débuts quatre musiciens, ceux mêmes qui deviendront les Beatles ! Ou ces marchés particulièrement juteux de la publicité, du côté de la lunetterie – ça tout le monde sait – peut-être moins celui du petit jaune au goût d’anis, poussant jusqu’au ridicule sa fonction d’homme-sandwich. Le plus intéressant est que l’auteur dépasse très largement son propos en évoquant toute une génération, et même plusieurs générations qui d’un seul homme adoptent les mêmes penchants. C’est aussi une agréable traversée dans les thèmes prisés du chanteur, l’occasion de mentionner d’autres noms : le mariage (ou la non-demande en mariage !), l’amitié, la solitude, le vieillissement, le statut de star et ses épiphénomènes (les sosies) ou plus tragiquement la mort qui le frôle.
On aborde surtout les questions qui traversent la chanson comme elles traversent nos vies. Cette fonction sociologique offre à la plume comme au pinceau, leurs pages les plus fortes. Citons par exemple les audaces d’écriture sur l’amour charnel, Jésus-Christ, le viol qui vaut à Héran une planche superbe pour Les chiens de paille (La naissance de Vénus de Botticelli lacérée), sur l’engagement (Tien an Men), la plainte du soldat au front (Marie)…
S’intéresser à Johnny c’est croiser tellement d’auteurs, tellement d’univers artistiques, le cinéma, le théâtre où il s’est illustré parfois avec une troublante efficacité, la peinture (Un tableau de Hopper) une foule de noms prestigieux, « un invraisemblable casting d’auteurs. » « Une légende » dit de lui Jeanne Cherhal. Aussi on peut être saisi d’une certaine émotion en regardant la dernière planche illustrant la chanson Rester vivant : « le vaisseau spatial Johnny Hallyday intergalactic tour… Module en approche… »