B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

Chan­tons sous les toits  2019 – Matéo Lan­glois (© Claude Fèvre)

20 jan­vier 2019, ouver­ture de l’édition 2019 – opus 15 avec « Chan­son tra­ver­sière en Occi­ta­nie »

Concert de Matéo Langlois

Avec Matéo Lan­glois (Cla­vier, pia­no, saxo­phone beat box, sam­pler, voix)

Expo­si­tion des pein­tures de Boris Lugan 


« Alba­rine »Lau­trec (Tarn)

Sous l’appellation « Chan­tons sous les toits ! » se cache à peine une asso­cia­tion « L’oiseau Lyre com­pa­gnie » qui œuvre à l’organisation d’une cin­quan­taine de concerts par an. Ce n’est pas rien ! Les trois mille spec­ta­teurs de 2018 le savent bien.

Comme toute asso­cia­tion, elle se plie aux exi­gences juri­diques et fis­cales qu’impose la loi de 1901. C’est aujourd’hui le grand jour, le jour de son assem­blée géné­rale. Moment solen­nel où se suc­cèdent bilans et pers­pec­tives, où appa­raissent les forces vives : adhé­rents, conseil d’administration, bureau, par­te­naires, mécènes… Cette année, l’association s’est mobi­li­sée pour répondre à un appel à pro­jet de « sou­tien à la pro­gram­ma­tion de musiques actuelles en milieu rural » pour les com­munes de moins de cinq mille habi­tants. C’est ain­si qu’est né le dis­po­si­tif, « Chan­son tra­ver­sière en Occi­ta­nie » qui se voit sou­te­nu par l’Etat, la Région et le CNV (Centre natio­nal de la chan­son des varié­tés et du jazz). Quinze concerts ados­sés à la pré­sen­ta­tion d’un acteur local pré­sen­té par les accueillants. Aujourd’hui ce sera un artiste peintre, Boris Lugan, dont les œuvres abs­traites, ardem­ment colo­rées, décorent la salle où nous sommes accueillis. Plus tard dans la sai­son on pour­ra voir d’autres formes artis­tiques, danse, musique, écri­ture, sculp­ture, pho­to­gra­phie, ciné­ma, et même pro­duit d’une agri­cul­ture sin­gu­lière, comme la culture du safran… De quoi aigui­ser tous les appétits !

Tout était donc réuni pour que Matéo Lan­glois se pro­duise devant une salle bien rem­plie, sin­gu­liè­re­ment cha­leu­reuse… La mai­son est grande, la pièce trans­for­mée en salle de spec­tacle, une ancienne étable, pos­sède ses poutres véné­rables, sa che­mi­née où flambe un feu de bois… et même un pia­no quart de queue. De quoi enchan­ter le public et l’artiste ! Et rendre jalouses bien des salles de spectacle…

Les tableaux de l’artiste peintre invi­té, Boris Lugan, sont sin­gu­liè­re­ment en har­mo­nie avec l’univers du chan­teur. De la cou­leur, de l’allégresse, du désir, de l’élan… Les traits, les courbes cherchent leur des­ti­née… Comme la poé­sie de Matéo cherche la sienne. L’artiste est en che­min, il palpe la vie, la sienne, intime, inté­rieure, mais aus­si le monde autour… Alors sur la toile jaillissent les formes, les aplats, les courbes, les dia­go­nales comme les mots s’assemblent, se croisent et se toisent sous la plume…

Bien sûr, Matéo Lan­glois a sa jeu­nesse pour éten­dard. Les che­veux ramas­sés en petit chi­gnon au – des­sus de la tête – comme beau­coup de jeunes hommes le font si joli­ment aujourd’hui – barbe nais­sante, tenue élé­gante sans osten­ta­tion. Il aborde la scène sim­ple­ment, avec une franche bon­hom­mie, une pointe d’humour. Et pour­tant, sous cette appa­rente décon­trac­tion, voire désin­vol­ture, se cache un tra­vail métho­dique, incroya­ble­ment com­plexe et précis.

Seul en scène, jon­glant avec les sons, avec ses micros, pédales au pied, touches du cla­vier sous les doigts, saxo­phone à la bouche… Le musi­cien se démène avec sou­plesse, esquisse sans cesse des petits pas de danse et, quand l’espace le lui per­met, nous le savons, il danse… Une vraie chorégraphie !

Alors voi­là, ce jeune chan­teur nous éblouit lit­té­ra­le­ment… Il se dégage de sa pré­sence en scène une ardeur, un souffle, une envie d’en découdre avec la vie… Et ses mots le disent… Yes ! dit une chan­son en début de concert, une « chan­son spor­tive » dira- t‑il, une chan­son pour nous tra­cer la voie à suivre, « juste devant [nos] pieds », celle de la « liesse », « l’allégresse »… Car « tout appelle à vivre. »

Matéo Lan­glois excelle à nous trans­por­ter dans les tableaux qu’il des­sine, la ville et sa jungle, son asphalte où se salit la poé­sie, bords de mer un jour de grand froid inté­rieur, vol d’une mouette libre, éten­due du désert, son infi­ni sableux et son cha­meau tout petit dedans… « C’est ça qui est joli »… Par­fois il s’attarde dans les méandres de ses inter­ro­ga­tions exis­ten­tielles, pour pour­suivre ensuite avec des chan­sons légères, courtes… mais jamais insi­gni­fiantes ! Et sa reprise au pia­no de Parce que, chan­son d’Azna­vour qu’interpréta le jeune Gains­bourg, est juste un moment de grâce. Un effleu­re­ment… « Parce que j’ai trop d’amour/​ Tu viens voler mes nuits du fond de mon som­meil / Et fais pleu­rer mes jours… »

Quand il impro­vise, que ce soit au chant ou au saxo­phone, on sent bien qu’il pour­rait ain­si nous emme­ner loin. Long­temps… Avec lui, sur la vague de ses mots, qui sont autant de musiques, loin « Et des cases et des codes… » Qu’il conti­nue de chan­ter, de jouer de ses ins­tru­ments, qu’il conti­nue de dan­ser, Matéo Lan­glois ! Même s’il se voit « prê­cheur fou fati­gué du décor »- celui qui ne sau­ve­ra per­sonne- il donne indu­bi­ta­ble­ment la force de croire que les chaînes, les bar­reaux, les entraves ne sont que le prix à payer pour tant de beauté !