21 mai 2016 – Rencontre avec Émilie Marsh
Théâtre des Nouveautés (Tarbes)
Le Pic d’or, comme tout festival, c’est aussi l’occasion de partager, d’échanger sur cette chanson qui nous rassemble. C’est sans aucun doute le meilleur à glaner aussi pour les candidats.
René Pagès, chroniqueur auprès de Radio R’d’Autan (Gaillac-Lavaur) bien connu de pas mal d’entre nous pour son fabuleux travail de collectage, ne manque pas de profiter de l’aubaine. Il est même prêt à tendre le micro pour Chanter c’est lancer des balles… à la terrasse du café « Tout va bien » ! On ne peut rêver mieux pour donner rendez-vous à Émilie Marsh qui, tout à l’heure, donnera le concert attendu depuis sa double victoire en 2015 : prix du jury et prix du public !
Près de nous, pendant notre entretien, un certain Michel Gallas, gribouille sur son carnet… Il paraît qu’il va rencontrer Barbara Weldens… À suivre dans le magazine Hexagone !
Voilà pour le contexte ! Ajoutons que même le soleil s’est invité ce qui donne un air de fête à cette journée.
Émilie se prête joyeusement à notre jeu de questions pour tenter d’approcher de plus près son identité de femme chantante.
La chanson, un besoin de s’exprimer
La chanson pour Émilie répond d’abord au besoin de s’exprimer qui, dans l’adolescence, avait pris la forme de nouvelles, de poésies. D’ailleurs elle a fréquenté de très près les questions d’écriture puisqu’elle a opté pour des études de Lettres. Mais elle a très tôt aussi rencontré la musique avec la guitare classique.
Un jour ‒ ô miracle ‒ elle découvre que l’on peut lier les deux. Dès la première chanson, c’est une évidence : ce format court répond exactement à ce qu’elle souhaite dire. Et tant pis pour la littérature ! Elle ne reviendra plus à l’écriture de poésies, de nouvelles…
La musique, c’est son quotidien
Aujourd’hui, c’est davantage dans la composition, donc dans la musique, qu’elle se sent plongée et plus à l’aise. C’est presque devenu « naturel ». Elle se dit même prête à demander un texte sur une mélodie… Avis aux amateurs ! Il est vrai qu’elle fait beaucoup de scènes, pour ses concerts mais aussi comme musicienne pour d’autres artistes. Le projet avec Geneviève Morissette s’achève mais celui auprès de Dani lui tient particulièrement à cœur.
Son goût de la composition s’exprime aussi en ateliers de création de chansons, auprès de tous publics. Les délais sont courts ; il faut se mettre au service de l’expression des stagiaires. Parfois même ce sont des femmes qui parlent peu le français… Alors on structure seulement… C’est toujours très subjectif. Émilie revient souvent sur la nécessité de laisser les mots « nous emmener ailleurs, dire l’ineffable ».
Poétiser le réel
Étrangement Émilie se dit davantage musicienne mais c’est aux mots qu’elle revient, à leur réseau d’images… Elle cite Apollinaire, Cendrars mais aussi Dominique A, Bertrand Belin, tous des illusionnistes qui métamorphosent le réel. Alors bien entendu on comprendra qu’elle ne veuille pas être qualifiée de militante malgré quelques chansons dont on lui parle souvent. Elle n’aime ni l’idée de message qui réduirait la portée de la dynamique des mots, ni le réalisme en chanson.
Elle avoue qu’elle dit en chansons ce qu’elle ne dirait pas dans la « vraie vie ». C’est l’incarnation d’une liberté de parole.
Essentielle toutefois pour nous, spectatrices.
La scène avant tout
Émilie se réfère bien entendu à Patti Smith à qui elle dédie une chanson, mais aussi à Brigitte Fontaine, Catherine Ringer, Barbara, La grande Sophie… toutes des enragées de la scène.
Elle doit à la guitare électrique, découverte fin 2013 seulement, un nouveau rapport à la scène. Tous ceux qui l’ont connue « avant » soulignent ce changement radical. C’est avec la guitare que naît son engagement physique si singulier. Elle fait corps avec elle. La guitare dicte le mouvement qui devient une danse très sensuelle. Un prolongement d’elle-même qui a même modifié sa vie et pas seulement en scène… Émilie s’interroge volontiers sur ce lien. Une défense, une protection ?
Dans un moment Émilie Marsh confirmera qu’elle méritait bien ses deux prix de l’an passé. On ne se demandera plus alors comment ni pourquoi elle a créé ses chansons… On se laissera juste porter par cette fusion entre sa voix, ses mots et sa musique, par cette personnalité scénique qui l’apparente aux plus grandes figures féminines de la chanson.