Starmania – François Alquier – Hors Collection, 2017 (© Loïc Levêque)
11 décembre 2017 – L’histoire incroyable de Starmania
Livre hommage à l’opéra rock signé Luc Plamondon et Michel Berger (1978)
Par François Alquier, journaliste
Le livre que nous avons dans les mains présente tous les ingrédients que nous aimons dans un prestigieux album. Bien entendu ce n’est pas le petit livre que l’on glisse dans sa poche au moment de prendre un train. Il exige du temps et du confort pour l’apprécier. C’est l’un de ces ouvrages somptueux qui font la vitrine des librairies, particulièrement dans la période des Fêtes. C’est un livre cadeau par son format, sa couverture, ses superbes photographies pleine page. Et une histoire palpitante, passionnante sous la plume de son auteur.
Il faut prendre la peine d’ôter la jaquette bleue où s’affichent en lettres de feu son titre et les noms de François Alquier et Maurane (préface) pour découvrir la couverture blanche et sa superbe étoile bleu acier en son centre. Élégance et beauté.
Vous êtes sans doute curieux, désireux de vérifier le contenu ? Alors tournez quelques pages et arrêtez vous au sommaire. En vis-à-vis d’une photographie noir et blanc de France Gall et Michel Berger au studio des Buttes Chaumont en 1976. La tête penchée de France saisie dans un instant de grâce féminine, et celle bouclée de Michel, bouche ouverte sur une parole vous cueillent… Ce noir et blanc, cette jeunesse, cette connivence… Vous suspendez un instant votre regard. Déjà de l’émotion… Car, hélas, on connaît trop bien la suite… Ce sommaire vous apprend que ce livre vous dira tout. Tout de cette histoire qui semble-t-il n’a pas encore de fin, puisqu’une nouvelle version est prévue pour septembre 2018. Anniversaire oblige.
On apprend la genèse de ce spectacle, la rencontre de deux talents, l’auteur québécois de génie Luc Plamondon, et le compositeur Michel Berger qui rêve depuis longtemps d’un vrai show, une comédie musicale capable de rivaliser avec celles des anglo-saxons. L’enregistrement du disque et ces voix franco-québécoises qui marqueront à jamais cette histoire – celles de Daniel Balavoine, de France Gall, Nanette Workman, Claude Dubois, Diane Dufresne, Fabienne Thibeault, Eric Estève, René Joly – puis la première version du spectacle en 1979, mise en scène par l’américain Tom O’Organ, et son dédale, décrit par le menu, d’épisodes artistiques, humains surtout. Les deux versions qui suivront, celles de 1988 et 1993, des versions revues et corrigées, marquées de l’empreinte indélébile de leur metteur en scène respectif, Michel Berger cette fois puis celle avant-gardiste de Lewis Furey qui déclenche l’hostilité de France Gall. Elle confie à l’auteur « Quel mauvais goût ! Il est passé à côté de tout… Le charme de Michel n’était plus là, ce qui a été une énorme souffrance. »
Cet ouvrage où l’auteur s’efface au profit des acteurs de cette aventure – citant toutes ses sources, tous ses entretiens, en enquêteur scrupuleux – c’est avant tout un hommage rendu au spectacle vivant, à ceux par qui naît cette magie, ces illusions dont on ne saurait se lasser. On mesure combien c’est un combat qui exige une énergie folle, à tous les degrés de l’échelle, que rien n’est jamais joué d’avance et qu’au final c’est le public qui décide. Trois millions de spectateurs dans l’espace francophone pour les trois versions de Starmania ! Bien entendu c’est aussi d’une époque dont il s’agit où les noms de Michel Berger et Daniel Balavoine, tous deux arrachés brutalement à la vie, donnent une teinte singulière.
Starmania c’est une histoire qui a bousculé considérablement les codes de l’époque où elle avait émergé faisant écho aux réalités sociales, sociologiques et politiques… A ce titre lire l’avant-propos de François Alquier est essentiel. Alors quel écho aura en nous la prochaine version dans ce monde de 2018 rattrapé depuis longtemps par les démons de Starmania ? Que fera-t-elle de la bande des Etoiles Noires, de son chef Johnny Rockfort, que deviendra Marie-Jeanne, la serveuse – franchement on aimerait pouvoir compter encore sur elle pour nous arracher aux ombres, à l’obscur – et le milliardaire Zéro Janvier… et la star Stella Spotlight… Et Cristal ? Quarante ans après la création, le goût de Ziggy pour les garçons aura-t-il fini de lancer son message ? Pourra- t- on encore y trouver des raisons de dire, au-delà des effets spéciaux, au-delà de nouvelles orchestrations, comme Ingrid Desjours en fin de cet ouvrage : « Si chaque génération s’y reconnaît, s’y projette, […] c’est parce que Starmania contient en son cœur tous les paradoxes et la beauté de notre humanité » ? La version 2018 gardera-t-elle toutes les caractéristiques d’un opéra détaillées par Anne Toujas-Marchand, musicologue avertie ?
Sans doute peut-on compter sur le passionné François Alquier pour nous répondre le moment venu.