1, 2, 3 albums, Tous les oiseaux font de leur mieux, Juin 2021 (©Claude Fèvre)

1, 2, 3 albums, Tous les oiseaux font de leur mieux, Juin 2021 (©Claude Fèvre)

03 Juin 2021 : 1, 2, 3 albums

Tous les oiseaux font de leur mieux

Avec

Varia­tions 2, 2 Folks, les textes et com­po­si­tions sont  majo­ri­tai­re­ment de Gui­lam, mais aus­si de Eloïse Combes et Camille avec trois reprises (Jacques Ber­tin, Fred Pel­le­rin, Fran­cis Cabrel – Gui­lam (Voix – Chœurs- ins­tru­ments) Camille (Voix-Chœurs) Séve­rin (voix)

Avant l’effondrementLar­rieu-Plan­tey (textes, musiques, arran­ge­ments, pro­gram­ma­tion, réa­li­sa­tion, enre­gis­tre­ment, ins­tru­ments) avec la par­ti­ci­pa­tion de Grand Ours et la super­vi­sion vocale de Sève­rine Fara­mond.

Mar­chande de rêve, EP 5titres, Colombe (textes, chant) Denis Uhalde (musiques, réa­li­sa­tion, pia­no, vibra­phone, chant) Moham­mad Sade­ghin (basse, gui­tare) Benoit Gar­lan­dat (gui­tare) Oli­vier Koun­dou­no (vio­lon­celle) 


« Tous les oiseaux font de leur mieux 

Et nous par­fois on reste à faire 

Nos mots d’amour sous nos hivers »

Cet album que Gui­lam par­tage avec ses deux enfants, Camille et Séve­rin, est pla­cé sous l’égide du vol des oiseaux, « vaga­bonds sur des nuages blancs »… Comme on envie en effet leur vol libre, entre soleil et océans…Il y a dans ces quinze titres inter­pré­tés en famille, sans pré­ten­tion, sans for­fan­te­rie aucune – et c’est ce qui nous plaît tant – dans la légè­re­té des gui­tares, du uku­lé­lé ou du ban­jo, dans les voix en har­mo­nie, une aspi­ra­tion à des­si­ner un monde nou­veau, un rêve à cares­ser ensemble…Pour cela, sans doute faut-il sor­tir les ailes, « sus­pen­dons-nous pour nous sur­prendre », ten­ter de vaincre ensemble les doutes et les peurs, ce sen­ti­ment d’échec qu’évoque Jacques Ber­tin, dans le Rêveur… Tout l’album consiste à répondre à cette chan­son là, en chan­tant la force des liens, le besoin de s’unir, de se ser­rer, de croire en la ren­contre « On se rêve au détour d’un trot­toir », d’apprendre de l’autre en res­pec­tant la bonne dis­tance, ce que montre la pho­to de la qua­trième de cou­ver­ture… Tout un art certes, résu­mé dès la pre­mière chan­son : « On va se regar­der de loin /​His­toire de se voir en entier… » Et on se lais­se­ra en héri­tage, « dans ce fra­gile et modeste lien funam­bule » des éclats de rire et des chan­sons, des pho­tos aus­si qui auront ce flou par­fois, cette cou­leur sépia de la pochette et du livret…

Il plane tou­te­fois une cer­ti­tude, le besoin de res­ter proche de son enfance, de gar­der un peu de folie au cœur, de veiller à pro­té­ger « l’indomptable /​l’enfant qui som­meillait » comme le dit le texte de Fred Pel­le­rin : « Un monde tout p’tit, tout p’tit… Un monde à côté où je n’irai jamais /​Parce que j’y res­te­rai ». Certes, la reprise de Fran­cis Cabrel, dans Des gens for­mi­dables, nous ramène au modeste rôle des chan­teurs et des chan­sons… Le condi­tion­nel des jeux d’enfants qui se prennent pour des géants, « Comme on serait né avec des ailes… On serait.. On ferait… On dirait… » ne résiste pas à la confron­ta­tion avec la réa­li­té, « Et c’est sans doute mieux. » Alors on peut finir en chan­tant en chœur, comme tous ceux qui ont par­ti­ci­pé au der­nier titre : « Si le soleil revient /​On ira loin /​On ira loin ».

Comme le sou­ligne le der­nier édi­to­rial de Ben­ja­min Valen­tie de Fran­co­Fans, la reprise s’accompagne d’une abon­dance de créa­tions, tous domaines confon­dus, « Nous crou­lons, dit-il, sous les envois »… Nous n’y échap­pons pas. En l’occurrence, Gui­lam et Lar­rieu-Plan­tey sont ici réunis, parce qu’ils ont l’un et l’autre été des par­te­naires pré­cieux d’un évè­ne­ment en Ariège qui nous est cher. L’un et l’autre ont été ani­ma­teurs de l’atelier d’écriture de chan­sons bap­ti­sé Plum’Art… Réunis et si dif­fé­rents, et c’est là toute la richesse de ce que l’on bap­tise d’un nom unique : Chanson…

Voi­ci donc le pre­mier album de Lar­rieu-Plan­tey. Pre­mier après un déjà long par­cours, celui de Super­mi­ka, en rock puis en chan­son avec sa par­te­naire Sève­rine Fara­mond, duo nom­mé Shou­bi or not, dans sa der­nière ver­sion. Sur la pochette, le chan­teur appa­raît seul dans son appar­te­ment… Et le regard qu’il porte au des­sus de lui dans un plan rap­pro­ché, au centre de la pochette, n’est pas dénué de ques­tion­ne­ments… Dans le livret, les pho­to­gra­phies insistent sur le décor de cet enre­gis­tre­ment, fils, micro, gra­da­teur, toute une tech­no­lo­gie que l’homme de dos au syn­thé­ti­seur, mani­pule seul. C’est bien ain­si qu’il a tra­vaillé ses chan­sons, qu’il les a arran­gées, sans oublier, tou­te­fois, celui qu’il nomme Grand Ours, l’ami, « conseiller occulte, homme de l’ombre »… qua­si­ment un cin­quième Beatles !

Le titre Avant l’effondrement… ne manque pas de nous inter­pel­ler, on l’aura devi­né. La com­mu­ni­ca­tion nous dit : « Aujourd’hui, l’ex-Supermika tombe le masque et revient sous le nom vin­tage de Lar­rieu-Plan­tey, mêlant chan­son pop et bidouillages élec­tro, ritour­nelles sélé­nites et arran­ge­ments cos­miques. » On retien­dra les mots « sélé­nite » et « cos­mique »… Un voya­geur inter­stel­laire donc… Peut-être bien aux com­mandes d’un vais­seau au cœur d’une dys­to­pie ? C’est en effet ce que l’on retient de cet album dont les sons élec­tro donne l’unité. Deux ins­tru­men­taux titrés L’incroyable décou­verte et La mort de Super­mi­ka s’ajoutent aux neuf chan­sons, où les audaces ver­bales, les néo­lo­gismes, la pré­sence par trois fois d’une cer­taine Pol­ly Pomme Crue nous trans­portent dans un monde pour le moins incon­nu, dis­rup­tif. Le pre­mier titre, Le nom­bril de la Galaxie donne le ton en nous trans­por­tant avant un nou­veau Big Bang… « Mais /​Quelle volon­té cos­mique ? /​Pour abou­tir à ça : Moi…Par quel miracle, la vie ? » Et le ques­tion­ne­ment per­du­re­ra au-delà de l’humanité qui ne sur­vi­vra pas… « Mais qui parle ? » Au fond, ne sommes nous pas tels des par­ti­cules déte­nus dans l’espace « Mau­dite place /​quel fou­tu corps /​Dans ce décor… » 

Et l’amour dans tout ça ? Il n’a pas suf­fi nous dit le titre Love over­dose… « Il ne man­quait pour­tant pas grand-chose /​Peut-être un soup­çon d’eau de rose… » 

Même si a prio­ri rien ne relie ces deux créa­tions, notre temps d’écoute, notre déam­bu­la­tion entre toutes ces chan­sons qui nous viennent en nombre, nous ont don­né à croire que ce « soup­çon d’eau de rose », ce sont les cinq titres de Colombe – pré­am­bule à l’album, Sous les étoiles, pré­vu pour Octobre – qui nous l’apportaient. A voir son sou­rire radieux sur la pochette sur fond de ciel indi­go étoi­lé et son rire qui explose à l’intérieur, on ne doute pas un ins­tant qu’elle puisse être en effet cette Mar­chande de rêve du titre épo­nyme, celle qui récolte des pous­sières stel­laires et ral­lume les étoiles… « Alors que le monde bas­cule » et pour répondre à la menace qui pèse sur l’espace inter­ga­lac­tique de Lar­rieu-Plan­tey, Colombe pro­pose de nous conso­ler de tout au nom de l’amour, même si bien sûr on ne sau­rait échap­per aux temps de rup­ture et d’absence… « La vie, c’est court et c’est long, la vague passe et s’efface… ». Dans ces cinq titres dia­loguent pia­no et vio­lon­celle, une voix aérienne invite à la ten­dresse, à val­ser sous la lune Rue Lamar­tine, à chan­ton­ner, à croire en nos des­sins d’enfant « pour échap­per aux dra­gons ». Nous sommes bien près de croire à cette quête confiante de l’amour qui vient un jour « sous les étoiles ». Exac­te­ment juste en dessous…

Et c’est ain­si que les chan­sons se répondent, se contre­disent et s’interpellent.