Courant d’Airs – DARAN (© Claude Fèvre)
6 octobre 2016 – Concert de DARAN – 1re partie MORAN
avec Jean-Jacques Daran (guitare, harmonica, voix), Geneviève Gendron (dessin sur film projeté – conception Serge Maheu) – 1re partie Jeff Moran (guitare, voix), Thomas Carbou (guitare électrique, 8 cordes, voix)
Théâtre Inox (Bordeaux)
Indéniablement, l’association Bordeaux Chanson a frappé fort pour l’ouverture de son 13ème Festival Courant d’Airs. Elle accueille avec Moran et Daran deux artistes qui n’ont pas que la finale de leur nom en commun. Avec eux c’est un peu de ce vaste continent, là-bas de l’autre côté, loin vers l’Ouest. Avec eux, il arrive des effluves salés, des écumes et des accès de tempêtes, sur les bords de la Gironde, sur les quais de Bordeaux à deux pas de la petite salle de l’Inox. Québécois de naissance ou d’adoption, c’est un voyage qu’ils nous offrent. Nous sommes embarqués sur leurs voix profondes, lointaines, sur leurs guitares où dansent des blues déchirés, des rocks révoltés, comme ceux qui les ont longtemps bercés.
Moran, sa voix rauque si singulière et Thomas Carbou en contre chant offrent d’abord en première partie – en ouverture, comme on le dirait d’une symphonie – quelques chansons qui nous rappellent des émotions déjà mises en mots en 2014 : « Il ne fait aucun doute que l’on est en terre familière pour peu que la fréquentation des poètes d’hier et d’aujourd’hui nous ait laissé au cœur son poudroiement incandescent. On aime ses mots qui heurtent, bousculent, caressent et susurrent le doute et le désir, la peur et l’amour. On aime retrouver les frissons sur la peau à leur envolée lyrique ». C’est sombre et beau. C’est une invitation : « Ecrivez fort /Ecrivez beau »… Car « Rien ne s’oppose à la nuit /Osez Joséphine »… On n’est pas surpris d’entendre le duo reprendre Bashung. Mais on reste surtout emportés par la force du texte avec lequel le duo termine son passage : Chez toi, dédié au père disparu où les voix se font incantations, vibrations de l’âme…
Nous avons respiré un souffle lyrique propice au voyage au moment où nous recevons Daran avec la projection d’images où vient se mêler, apparaitre et disparaître, le dessin en direct de Geneviève Gendron. Sur l’écran il s’agit bien de voyages, de routes, de traversées, de villes, de rails, de maisons où l’on s’abrite, de courses à travers les espaces, plaines et mers où l’homme inscrit sa trajectoire, solitaire souvent, en quête de l’Autre, son semblable. C’est douloureux, difficile… Il plane des désirs d’étreintes, de lettres, des manques, des appels, des rêves de devenir navigateur… Sinon rien !
C’est un labyrinthe – « Des portes qui ouvrent sur des portes »… où s’enferment les vies repliées sur elles-mêmes qui n’ont de cesse de se protéger, à l’image de ces petits cyclistes qui « font du vélo avec un casque /Les jours d’ozone avec un masque »… « Parfois « le désir ne bronche plus » … Ce sont des engrenages sans fin autour de la Terre : Tic jour /Tac nuit… Mais l’homme rêve. Toujours. Il rêve fort d’un Monde perdu. Pour rendre grâce à l’amour il dresse des cathédrales, non pas des colonnes de pierre mais des arbres immenses… « Je nous veux sans frontières, sans limites et sans lois »… C’est peut-être en songeant à la Bretagne d’où il vient, à la maison surplombant les rochers, au bout de l’Océan, que Daran peut donner du sens à sa vie… à son voyage d’errant, d’homme de mélodies et de mots qui s’en vient à la rencontre d’autres hommes, répétant « Je ne suis que le mouvement des marées. »