15e Festival DécOUVRIR (2017) – Patrick Poivre d’Arvor (© Dom Condou)

15e Fes­ti­val DécOU­VRIR (2017) – Patrick Poivre d’Arvor (© Dom Condou)

12 août 2017 – 15e Fes­ti­val DécOUVRIR

Lan­ce­ment du fes­ti­val – Avant-goût des concerts
Lec­ture musi­cale de Patrick Poivre d’Arvor

Avec, par ordre de passage :

L’ensemble DécOU­VRIR Étienne Cham­pol­lion (pia­no, accor­déon, gui­tare, uku­lé­lé, arran­ge­ments), Louis Thé­ve­niau (cla­ri­nette), Vincent Imbert (pre­mier vio­lon), Ben­ja­min Clou­tour (second vio­lon), Flo­rian Texier (alto), Astrid Bâty (vio­lon­celle)

Gau­vain SersAntoine Coe­sensMar­gaux Guille­ton, Ines Deso­ragesGaranceCéline Olli­vierÉmi­lie MarshÉric Guille­ton

Patrick Poivre d’Arvor (lec­ture) accom­pa­gné au vio­lon­celle par Caro­line Glory


Ter­rasses du Châ­teau – Pom­pa­dour (Cor­rèze)

Un soir ines­pé­ré de beau temps après une immer­sion inat­ten­due dans des jours froids et gris, une scène dres­sée sur les ter­rasses d’un châ­teau aux tours tuté­laires, des artistes qui donnent furieu­se­ment envie d’aller voir plus loin et plus long­temps : voi­là ce qui s’offrit à nous, public chan­ceux, hier soir.

Le Fes­ti­val cor­ré­zien DécOU­VRIR se donne en beau­té et gran­deur avec en ouver­ture le quin­tet, pia­no, cordes et cla­ri­nette, qui lui vaut son ori­gi­na­li­té. On ne peut rêver plus belle har­mo­nie avec ces pierres ances­trales qui se dressent en fond. Chaque par­ti­ci­pant vien­dra se fondre dans cet uni­vers hors du temps. Un pri­vi­lège, vraiment.

Mat­thias Vin­ce­not, direc­teur artis­tique, mais sur­tout poète, ne manque pas de remer­cier tous ceux qui sou­tiennent cet évè­ne­ment et l’on note­ra que nom­breux sont les élus pré­sents dans le public, repré­sen­tant les muni­ci­pa­li­tés, le dépar­te­ment, la Région Nou­velle-Aqui­taine. Même si l’heure n’est pas à ce pro­pos, on rap­pel­le­ra que c’est un équi­libre tel­le­ment fra­gile quand on veut défendre l’idée de la gra­tui­té et donc de l’accès de la culture à tous.

L’heure est à la joie de se retrou­ver et de par­ta­ger. L’heure est à l’émotion devant tant de beau­tés réunies. On découvre que c’est la chan­son Ma France, de Jean Fer­rat, qui sert d’hymne inau­gu­ral… Tout un pro­gramme ! Et c’est un duo inat­ten­du, Antoine Coe­sens et Gau­vain Sers, qui sans façon nous invite à chan­ter. Viennent ensuite suc­ces­si­ve­ment les trois jeunes chan­teuses, auteures com­po­si­trices et inter­prètes qu’un spec­tacle en cours de créa­tion, nom­mé Déca­lages, réuni­ra en fin de fes­ti­val. On retien­dra leur atten­tion accor­dée au couple, à la femme sur­tout… Les mots de Mar­gaux Guille­ton, attra­pés au vol « Je crois la femme née pour se rendre heu­reuse, être res­pon­sable de ce qui l’accable et faire la dan­seuse… », ceux d’Inès Deso­rages qu’ont rejointe cla­ri­nette et uku­lé­lé« S’il pou­vait l’aimer telle qu’elle se pro­pose » et ce refus lan­cé avec force par Garance « Je n’écrirai pas de chan­son sur toi… »… Toutes trois – filles d’avril ou de novembre ? – allez savoir, se sont fina­le­ment réunies et l’on espère déjà le 18 août. Ce sont ensuite Céline Olli­vier, ses nuances de bleus, ses évo­ca­tions d’instants fra­giles à la quête de l’Autre puis Émi­lie Marsh affi­chant dix ans de fidé­li­té au fes­ti­val, qui lancent haut vers le ciel leurs mots et les notes de leurs gui­tares. La nuit tombe dou­ce­ment sur Pom­pa­dour et leurs deux sil­houettes ont quelque chose d’irréel. Enfin, on aime­ra que ce soit Éric Guille­ton et ses mots pour son ami Pierre Barouh qui referment ce pre­mier cha­pitre… « Putain ça penche », glisse-t-il mali­cieux avant d’entonner Quand j’aime une fois c’est pour tou­jours de Richard Des­jar­dins. Une façon de décla­rer son amour à ce fes­ti­val dont il n’a man­qué à ce jour aucune édition.

Quand s’élève une suite de Bach au vio­lon­celle, que s’installe sur un fau­teuil XVIIIe, Patrick Poivre d’Arvor livre en main, on sait que l’instant est sus­pen­du entre rêve et réa­li­té. Moment de grâce abso­lue. Alter­nance de musique et de poé­sie. Le public retient son souffle. Plus rien ne bouge sauf les pages du livre qui se tournent et l’archet déli­cat de Caro­line Glo­ry qui glisse volup­tueu­se­ment sur les cordes. Alter­nance par­faite de musique et de poé­sie lue sans emphase, sans effets, avec cette voix qui nous est si fami­lière. Patrick Poivre d’Arvor, par le pou­voir de notre écran de télé­vi­sion, est en effet de notre famille et on l’écoute comme s’il était venu s’installer dans notre cana­pé… On recon­naît bien sûr quelques-unes de nos poé­sies pré­fé­rées. On cite­ra, flo­ri­lège très per­son­nel : J’ai tant rêvé de toi (Robert Des­nos), L’amoureuse (Paul Éluard), Ver­laine bien sûr et son « rêve étrange et péné­trant », son Col­loque sen­ti­men­tal dans « le vieux parc soli­taire et gla­cé », Le pont Mira­beau (Guillaume Apol­li­naire)… l’émouvante, trou­blante « blanche Ophé­lia, comme un grand lys » d’Arthur Rim­baud… Alors le temps, oui, a sus­pen­du son vol jusqu’à ce que le lec­teur, « Mar­cheur qui se cher­chait des ailes », rende hom­mage en termes choi­sis à Mat­thias Vin­ce­not et ter­mine cette soi­rée avec un poème de ce siècle où nous ramène l’histoire de ce châ­teau, Plai­sir d’amour de Jean-Pierre Cla­ris de Florian.

La soi­rée se referme, comme une « échap­pée ver­ti­cale », loin de la furie de temps obscurs.

Mar­cheur qui se cher­chait des ailes

Tu ne croyais pas aux rives infernales

Mais à l’échappée ver­ti­cale par-delà dédales et fournaise

Avec au fond de l’âme un regard cal­ci­né. (André Velter)