Festival du Verbe au féminin, jour 2 – Clou –2022 (©Claude Fèvre)

Fes­ti­val du Verbe au fémi­nin, jour 2 – Clou 2022 (©Claude Fèvre)

18 sep­tembre 2022 Pour sa 20ème édi­tion, le Fes­ti­val honore le Verbe au fémi­nin, le dire, le par­lé, le chan­té… Jour 2

Je suis femme, et quand on est femme… Diane Tell

Avec

Jour 2 Dick Anne­garnClou et ses Doux mots dits, Diane Tell en solo, Luciole en trio, La mal coif­fée (Karine Ber­ny – chant, bom­bo legue­ro, peta­dou – Myriam Bois­se­rie, chant, péta­dou, mono­corde – Marie Coumes, chant – Laë­ti­tia Dutech – chant, adufe, ben­dir, tam­bou­rins, tam­bour, mono­corde)
et les lau­réats des Joutes Ver­bales Interlycées.

Ani­ma­tion de Luc Tal­lieu 


Cam­ping du Mou­lin – Martres-Tolo­sane (Haute-Garonne)

Voi­ci donc le 2ème jour, sous un même soleil ou peu s’en faut, avec la néces­saire petite laine quand vient la fraî­cheur du soleil cou­chant… Quoique ce soir, elle n’a peut-être pas été néces­saire pour une bonne par­tie du public qui s’est lais­sé séduire par les rythmes et les cadences de La mal coif­fée.

C’est Clou qui ouvre l’après-midi en se prê­tant d’abord à l’interview des lau­réats des Joutes Ver­bales Inter­ly­cées… Une fois encore c’est l’occasion de savou­rer le talent de cette jeu­nesse. On y par­le­ra « ins­pi­ra­tion » – rien que ça ! – on s’interrogera sur l’éventuel pou­voir des chan­sons de chan­ger le monde – Clou y croit, dur comme fer… On pense aus­si­tôt à Bar­ba­ra qui avait un avis radi­ca­le­ment oppo­sé… On ima­gine alors une bien belle « cau­se­rie », une joute ora­toire, comme les aime Dick Anne­garn. Clou répond joyeuse, légère et franche ; elle dit avoir été influen­cée par Renaud dont elle aimait les mots simples, acces­sibles. Ce qu’elle veut ? Que ses chan­sons lui res­semblent… Alors, voyons un peu ce qu’elle a pré­vu pour ce Fes­ti­val du Verbe…

Seule devant son pupitre et son cla­vier, elle pré­sente ses Doux mots dits, alter­nant lec­ture et chan­sons. Elle nous entraîne dans un récit d’adolescence, cette période où on répète « ça va », en ten­tant de sau­ver les appa­rences … On met un temps d’hésitation à écrire « son » ado­les­cence car, après tout, ce pour­rait être une fic­tion. On y pense par­ti­cu­liè­re­ment quand on plonge dans un « secret », celui des vio­lences d’un père « per­vers nar­cis­sique ». Conces­sion à un thème, hélas, conve­nu ? On ne sait, car on prend le par­ti de s’attarder sur­tout à l’écriture, aux mots… On aime cet auto­por­trait tein­té de déri­sion, ce détour par la myo­pie qui pro­tège, met un voile entre soi et le monde au point que « l’horizon devient une immense aqua­relle… ». On aime l’évocation de la vie entre copines, le Conser­va­toire, la pre­mière chan­son, et bien sûr le pre­mier grand amour. Nathan, « blond, aux yeux bleus, délé­gué de classe »… Tout pour être aimé, quoi… Elle prend alors « le béton pour la voie lac­tée » ! Jusqu’au pre­mier cadeau qui gâche tout ! Ce qui la sauve de cette tra­gé­die – elle se « trans­forme alors en mérou de médi­ter­ra­née », tant ses yeux sont gon­flés de larmes – c’est la flûte à bec, oui, vous avez bien lu… C’est par la flûte à bec qu’arrive l’amour de la musique, de la chan­son… « Même les pla­tanes de la cour sem­blaient [l’] écou­ter… » Depuis, elle écrit, rature, raconte…

C’est Luciole en trio qui arrive ensuite (Arthur au pia­no, à la gui­tare et à la basse, Ben­ja­min à la bat­te­rie) pré­cé­dée de cris sau­vages comme nous l’avions déjà enten­due. Tout au long de son concert elle s’efforce de rap­pe­ler l’importance du cri pri­mal et de ten­ter d’inviter le public à s’y lais­ser aller, avec plus ou moins de réus­site, faut bien l’avouer… Luciole, c’est une pré­sence fémi­nine, habillée d’un large kimo­no japo­ni­sant, qui n’abandonne jamais son sou­rire, qui veut mettre de « la cou­leur au milieu du gris », qui danse les mots… Pour elle, écrire, c’est aller à la quête, à la conquête de soi. C’est une urgence. Elle dit écrire avec ses crocs, son crâne… On sent en effet que tout le corps est de la par­tie. Elle est à la fois celle qui serre, qui crispe et aus­si celle qui rugit, s’époumone… Pour finir elle « danse la tem­pête », c’est dire !

Nos jeunes lycéens, Noé­mie et Anto­nio reviennent, tou­jours escor­tés de Luc Tal­lieu fin connais­seur du par­cours de chaque artiste, pour inter­ro­ger la fou­gueuse Diane Tell qui n’hésite pas une seconde à grim­per sur la haute chaise jaune. C’est de là-haut, dans une totale décon­trac­tion, qu’elle raconte à grands traits son par­cours : la radio (émis­sion Les Louves sur France Inter), la ren­contre avec Michel Ber­ger, La légende de Jim­my – non, elle n’a jamais chan­té dans Star­ma­nia ! – 180 fois à Moga­dor, fin bru­tale pour cause de Guerre du Golfe, sur une mise en scène de Jérôme Sava­ry (son amou­reux de l’époque), son tra­vail de com­po­si­trice dans Mari­lyn Mon­treuil… Le reste ? Elle le dira dans la « carte blanche » qu’elle a préparée…

Alors, écou­tons la, seule avec sa gui­tare… Elle raconte ses 17 ans, son pre­mier album, le jazz au niveau uni­ver­si­taire avant d’entonner une chan­son de Boris Vian, sur une musique de Duke Elling­ton, J’suis mor­due… On découvre que la chan­son qui lui colle à la peau – Si j’étais un homme, pour ne pas la nom­mer- lui a valu d’être éli­mi­née au pre­mier tour au Fes­ti­val Inter­na­tio­nal de Spa ! A médi­ter sur le talent du jury ! Elle évoque ses racines, son pays, Félix Leclerc, « notre druide », dit-elle et chante la douce et mélan­co­lique Pré­sence : « Tu apportes dans mon gre­nier le rêve qu’il me faut /​Comme la douce sève qui nour­rit l’arbrisseau… » Mais son pays, c’est aus­si celui où elle a vécu, comme le pays basque. Alors elle chante Hegoak en basque, cette chan­son inter­dite sous Fran­co, cette ode à la liber­té et à l’amour… Que c’est bon de l’entendre ensuite racon­ter le car­na­val en Valais – cette terre où elle vit aujourd’hui – ses masques superbes et ter­ri­fiants, ses cos­tumes de jute bour­ré de paille… et l’odeur qui s’en dégage quand vient le soir, après des tonnes de bière…Puis, sans tran­si­tion, évo­quer une poé­sie éro­tique sur laquelle elle a com­po­sé un blues… Quand elle nous quitte, c’est sur une chan­son écrite par Maryse Wolins­ki, « Faire à nou­veau connais­sance, n’en avoir jamais fini… Quand reviennent la trans­pa­rence /​Et la tié­deur douce des nuits… ». Disons-le, on sort joyeux, apai­sés, de cette entre­vue avec Diane Tell.

Et pour finir, quoi de plus juste que d’accueillir la langue occi­tane que portent haut ces quatre femmes armées de leur voix et de leurs per­cus­sions, le groupe La mal coif­fée. Avec elles, tout fait rythme… Elles battent, frottent, tam­bour, tam­bou­rin, peta­dou… Leur chant poly­pho­nique s’élève pour dénon­cer toutes les formes de domi­na­tion… Il y a du rouge dans le soir qui tombe sur Martres-Tolo­sane, sur cette 20ème édi­tion du Fes­ti­val du Verbe dédiée au féminin.

Alors on danse !

Dal fons dal còr /​ Du fond du cœur,
escam­pi ma len­ga d’aucèl de país /​ je jette ma langue d’oiseau de pays
al morre d’aquelis que rau­ban /​à la face de ceux qui volent
l’ivòri, l’argent e lo mèl dal Tot-monde, /​l’ivoire, l’argent et le miel du Tout-monde,
lo coi­rat de son cant /​le cui­vré de leurs chant
e sas parau­las d’aur /​et leurs paroles d’or.

Paroles et musique Laurent Cava­lié