Détours de Chant 2018– Leïla Huissoud (© Alvaro Romero)
25 janvier 2018 – Festival Détours de Chant – Leïla Huissoud en duo
Avec
Leïla Huissoud (guitare, voix) & Kévin Fauchet (Guitares, clavier Korg, harmonica, voix)
Le Bijou (Toulouse)
Est-ce encore l’effet The Voice – il y a quatre ans -, qui vaut à Leïla Huissoud ce public, cette vénération pour certains ? On a compris que quelques spectateurs avaient réservé pour les deux soirées consécutives au Bijou. Un couple lui offre un bouquet en début de concert et allume un photophore. Étrange cérémonial… Presque dérangeant.
Nous l’avons découverte d’abord en octobre 2016 au cours d’une soirée humanitaire, puis, il y a bientôt une année sur cette même scène pour la sortie de son album. A chaque fois, nous avons essayé d’exprimer notre vif intérêt et notre étonnement devant cette chanteuse qui reste pour nous une énigme. D’ailleurs l’état du plateau, avant même que le duo n’entre en scène, pourrait bien en être l’expression. Des papiers traînent partout, partitions, cahiers d’écolier, comme s’il y avait eu un mauvais vent violent. Un vrai capharnaüm dont on cherche la signification évidemment.
Dans un premier temps on pourrait se laisser prendre à son jeu de fantaisie, de légèreté. Elle continue de faire la même entrée en scène, jouant de sa petite taille derrière le micro pour ensuite grimper sur sa chaise et nous dire en chanson sa panique intérieure à l’idée d’affronter le public et ses regards. « Il n’y a rien de plus flippant…On se cramponne à la rambarde », avoue-t-elle. Alors, immanquablement on s’attendrit à l’écoute de sa petite voix perchée, de ses maladresses à s‘exprimer entre les chansons – elle bavarde beaucoup, pas toujours de façon très audible ! – Le public aime cette fragilité là. On s’interroge alors sur ce personnage d’enfant grandie trop vite ou pas assez. Pourra-t-elle encore longtemps en user, en abuser ?
Mais dès la deuxième chanson on perçoit comme une mise en garde : « N’allez pas croire que c’est facile de défendre ce que j’ai de fragile. » Et cette question de l’arbitrage « Je vous laisse entendre, à vous de juger, est-ce que j’écris pour de vrai ? »
C’est qu’elle passe le temps de son concert à brouiller les pistes, Leïla, y compris avec son accompagnateur, musicien discret, lui-même auteur-compositeur sous le nom de Tom Bird. Tantôt elle en fait son souffre douleur, l’objet de ses railleries, tantôt il est celui dans lequel elle plonge un regard empreint d’une infinie tendresse, il est même le seul à la comprendre vraiment si on en croit – si on l’en croit seulement ! – leur duo en chanson, On s’connaît depuis longtemps. A la fin du concert ils iront même jusqu’à partager la même guitare.
On aime, il est vrai, les textes qui pourraient être des échos de sa jeune existence – mais ils peuvent tout aussi bien être de pure fiction – comme cette courte chanson – paysage, « sous un figuier au frais des beaux jours » , ou bien la disparition de la famille presque parfaite et ce moment où « [sa] maison devient nulle part », ou cette délicate déclaration d’amour à une femme – elle prétend alors que c’est une chanson qu’elle s’offre à elle-même… Soit.
Au cours du concert elle endosse bien des rôles. Celui de la « chianteuse », de « l’empaffée du micro, sensible et torturée » quand elle raconte par exemple son séjour d’une année en Suisse et qu’elle offre à ce pays une lettre, un hommage à un certain Jacques, quand elle s’approche de trop près des rivages de l’amour… Celui aussi de la provocante, de l’audacieuse qui ne recule devant aucun mot, aucun texte, comme ceux qu’elle emprunte à Patrick Font. Enfin, on l’imaginerait volontiers en rockeuse endiablée quand elle lâche sa colère, sa rage, « quand la gosse se change en chien »… Et voilà qu’elle déjoue le piège de la femme-enfant dans lequel pourraient l’enfermer sa voix, sa petite silhouette, sa « bouille de petite fille » sa guitare-voix.
On quitte une fois encore ce concert en se disant que l’on reviendra écouter Leïla Huissoud. On se laissera prendre volontiers aux mailles de sa vitalité, son exigence, sa révolte, sa tendresse. On essaiera de percer un peu plus l’énigme de celle qui dit n’avoir pas eu d’autre choix que d’être Auguste, le clown au nez rouge dont on rit, le clown aux grandes godasses qui le font trébucher.