Bertille – 2018 (©Droits Réservés)

Ber­tille – 2018 (© droits réservés)

14 décembre 2018 – Concert de sor­tie du pre­mier EP

Chan­sons pop-électro

Avec
Ber­tille Fraisse (voix, vio­lon, cla­viers élec­tro) et Maëlle Poney Des­brosses (vio­lon­celle, alto, voix)


Le Bijou (Tou­louse)

Le pro­jet de Ber­tille est de ceux qui valsent entre la tra­di­tion la plus clas­sique- ici cordes (vio­lon, vio­lon­celle, alto)- et l’infinie recherche des sons élec­tro­niques. Il inter­pelle, donne envie d’aller voir com­ment peuvent s’allier des uni­vers à prio­ri aus­si dis­tants. Ces der­niers temps nos décou­vertes nous apprennent que la musique élec­tro­nique gagne du ter­rain dans le monde de la Chan­son. Cer­tains, cer­taines, lui donnent même l’exclusivité, comme Claire Gimatt ou Chris­telle Boi­zan­té (ex Orlan­do) et son Bel Armel, aux­quelles Le Bijou a tout natu­rel­le­ment fait une place dans son actuelle sai­son. Sou­li­gnons une fois encore com­bien ce lieu nous est pré­cieux pour prendre la mesure de la vita­li­té de la Chan­son, pour ne pas pas­ser outre ses recherches, ses expé­riences, pour nous faire faire un pas de côté.

La soi­rée a com­men­cé avec Erwan, co-fon­da­teur des Hur­le­ments d’Léo, que Ber­tille accom­pagne au vio­lon dans son trio Wal­lace. Il est venu en solo cette fois. Il dit sa joie, son émo­tion de ce dépouille­ment inha­bi­tuel, invite des membres d’un récent ate­lier d’écriture à chan­ter deux chan­sons, offre des nou­veaux titres et rend un hom­mage émou­vant à Marc Estève, auteur tou­lou­sain… L’atmosphère est à la sim­pli­ci­té, à l’authenticité, la proxi­mi­té avec le public, on ose­ra même écrire à la fra­ter­ni­té, quitte à faire sourire.

C’est avec les cordes pin­cées du vio­lon­celle, dans la len­teur, la dou­ceur que s’ouvre le concert de Ber­tille qui chante l’harmonie de la ren­contre amou­reuse, de sa voix lim­pide : « Je les aime nos silences, quand les mots n’ont plus d’importance… ». C’est un chant d’« ins­tants fra­giles, comme sur un fil… ». Une invi­ta­tion à nous fondre dans l’image de deux corps qui s’aiment, se parlent avec les mains, avec une infi­nie déli­ca­tesse, dans le silence. En ouver­ture il s’agit de chan­ter l’harmonie et c’est l’alto de Maëlle, se mêlant à l’électro de Ber­tille, qui nous en offre la note subtile.

Le tableau qu’offre la scène est élé­gant. Les mou­ve­ments, aériens, presque cho­ré­gra­phiés de Ber­tille, la brune, font écho au jeu de Maëlle, la blonde, qui ferme sou­vent les yeux, comme recueillie, absor­bée dans la musique et les mots. On aime assis­ter à cette inter­pré­ta­tion, tout en pro­fon­deur, concen­tra­tion, émotions…

Le duo a quelque chose de déli­cat, de sub­til. On se sent l’envie d’arrêter le temps, de se fondre dans les chan­sons, les voix, les sons. La musique élec­tro­nique se prête à toutes les nuances, du désir à la peur, du doute à l’abandon… Tan­tôt elle pré­cède les cordes, tan­tôt elle les suit et s’y mêle. Cet alliage semble aller de soi comme si les heures de recherches et d’efforts s’étaient effa­cées au pro­fit du ressenti.

Les sen­ti­ments amou­reux où rien ne va de soi sont décli­nés, comme autant de tableaux impres­sion­nistes, ver­lai­niens, où appa­raissent, ten­dre­ment colo­rés, un vieux port en contre­bas, une véran­da dans la lumière d’un été finis­sant, un cerf volant, un arbre, un aman­dier au prin­temps, une plaine et les pieds nus dans la neige, du froid des rivières, du vent dans les voiles…

Au bout du compte on garde en soi la cer­ti­tude qu’un jour la tem­pête cesse, qu’alors on n’a plus peur, que le monde peut chan­ger « corps et âme », que l’on aura « le cœur un peu moins de tra­vers »… On attend ce moment là, se repo­ser un peu de la dou­leur, au-dedans de soi, au dehors : « Tous les pays ont leur mis­tral, un vent de mèche avec les femmes ». Et l’on vou­drait remer­cier l’homme, Marc Estève, qui a écrit cette chan­son, Du vent dans les voiles, comme on vou­drait aus­si remer­cier ceux qui ont écrit dans cet EP : Jérôme Pinel pour La véran­da et le com­plice de longue date Oli­vier Daguerre pour Les rivières.

Quand on sait ce que le monde autour nous réserve, ce que nos vies nous imposent de com­bats, ce que cet automne en France nous dis­tille de souf­frances à en perdre le fil, on s’attache inévi­ta­ble­ment à ces espaces de ten­dresse comme ceux que Ber­tille et Maëlle dessinent.

Des chan­sons pour s’accorder une pause, dou­ce­ment res­ter là : « Sim­ple­ment écou­ter, m’assoir et me fondre au reste, à tout, pour toi… »