Clio, toute la fraîcheur d’avril (©Bertrand Vinsu)

Clio, toute la fraî­cheur d’avril  (© Ber­trand Vinsu)

1er avril 2016 – sortie du premier album, Clio

avec Clio (chant), Gilles Clé­ment (arran­ge­ments, gui­tare) Antoine Dijol (gui­tares), Thier­ry Faure  (pia­no et cla­viers) Mar­tin Gamet (basse et contre­basse) Jacques Tel­li­toc­ci (per­cus­sions et bat­te­rie) Etienne Cham­pol­lion (arran­ge­ments et direc­tion du qua­tuor à cordes)

uGo&Play /​L’Autre Distribution

Vous ne le saviez pas ? Vincent Delerm et Alex Beau­pain ont une fille. Elle res­semble vague­ment à sa grand-mère — Bar­ba­ra — et à deux de ses cou­sines un peu per­dues de vue, Car­la et Ber­ry. La petite se pré­nomme Clio. Vingt-huit ans, un uni­vers d’é­ter­nelle étu­diante en lettres, un goût pro­non­cé pour les décors pari­siens et pour le ciné­ma d’au­teur… comme ses deux papas. Beau­pain cite Pia­lat, Delerm vénère Truf­faut ; elle, c’est Eric Roh­mer qu’elle salue dans la plus belle chan­son de son disque : « Eric Roh­mer est mort, et moi, j’en veux encore »… L’hom­mage, gra­cile, sonne si juste qu’il rap­pelle en effet les films du cinéaste des Contes moraux — Luchi­ni doit cau­tion­ner, lui qui appa­raît dans un duo bonus…

Valé­rie Lehoux

Il est grand temps de s’intéresser à cet album qui nous a été remis à l’issue du der­nier Pic d’Or où Clio a rem­por­té le prix Sacem de la musique… Il est grand temps en effet avant que ne s’achève ce prin­temps où ce petit bijou est paru. Bijou, assu­ré­ment, parce que cise­lé, raf­fi­né, rare aus­si dans la pro­fu­sion de ce qui se publie. D’ailleurs il n’est pas pas­sé inaper­çu, si l’on en juge par la plume de Valé­rie Lehoux qui s’y est posée dans Télé­ra­ma – ce qui lui donne une recon­nais­sance du « métier » avant même qu’elle n’ait eu le temps de s’y faire un nom.

Nous l’avons ain­si per­çue en scène, fra­gile, sus­pen­due à son micro comme au fil d’un bal­lon de bau­druche qui sur­vo­le­rait une fête foraine, des manèges pour tout-petits s’entendent, à moins que ce ne soit plu­tôt une cour d’école mater­nelle. On apprend en effet, grâce à Fran­çois Alquier dans ses chro­niques de Man­dor, qu’elle est ins­ti­tu­trice et que la pers­pec­tive d’y renon­cer reste un choix dif­fi­cile… Ce qui ne nous sur­prend guère à vrai dire tant elle semble res­tée les deux pieds dans la marelle de son enfance, sur la case para­dis. Par­di ! Son écri­ture en a la légè­re­té, la fraî­cheur sur des mélo­dies tout aus­si déli­cates, faciles à fre­don­ner. La voix y est déli­ca­te­ment posée et l’enregistrement lui a don­né clar­té, net­te­té. Quand elle est rejointe par celle de Fabrice Luchi­ni, tou­ché par son hom­mage à Eric Roh­mer, on est séduit à notre tour… On la ver­rait bien rejouer avec lui une séquence du Genou de Claire… Dans cette chan­son tout une série d’images défile, recréant un monde enfui, sans même que l’on y ait pris garde…

Et c’est ain­si que l’on découvre que, sous toute cette légè­re­té, affleure la peur du temps qui passe, qui dégrade tout… à chaque anni­ver­saire, en avril (!), au Prin­temps, « Une hiron­delle de pas­sage /​Vien­dra poser sur mon visage /​Un nou­vel âge »… Et cette volon­té d’enfant entê­tée de ne pas s’y lais­ser prendre : « Tic Tac Tic Tic … Moi tu m’attraperas pas, moi tu m’attraperas pas, moi tu m’attraperas pas ! »

Et ça fait mal au cœur pour­tant comme dans Chamalow’s song, comme ces adieux sans cri, sur les rem­parts de St Malo. Com­ment donc res­ter à l’abri ? Peut-être suf­fit-il d’un petit coin de terre, Le bout du monde nous en des­sine les contours : « Per­sonne à cent mille à la ronde », « la mer en bas des esca­liers », le vent, l’été, le sable…un livre… Tableau d’un ins­tant para­di­siaque dont on n’est pas bien cer­tain qu’il pût vrai­ment exis­ter ! Bien sûr on pense à se réfu­gier dans le sou­ve­nir d’un ins­tant fra­gile au risque de perdre le contact avec le réel… On ferme les yeux… Mais alors dan­ger si l’on est à bicy­clette et que l’on prend Haus­mann à l’envers ! Seuls les enfants savent igno­rer ce dan­ger, capables de déva­ler la rue « sans voir les pas­sants, les pieds sur les pédales « (Des équi­li­bristes si émou­vants ! ).

L’album est accom­pa­gné d’un livret illus­tré par ses soins où tous les textes des chan­sons sont cal­li­gra­phiés de sa main. On pressent un véri­table goût de l’image, du des­sin, « Les deux mains dans la gouache », ce qui peut valoir à l’amoureux des por­traits lon­gue­ment tra­vaillés mais si faciles à frois­ser… en cas de tra­hi­son (Plein les doigts).

Clio est une artiste qui ne peut pas lais­ser indif­fé­rent, sans doute parce qu’elle atteint en nous cette part pré­cieuse de l’enfance, qu’elle le fait dans une langue à la fois déli­cate, sen­sible et très dépouillée, sur des mélo­dies à l’unisson.

C’est ain­si qu’elle a rem­por­té cette année le 1er Prix du Trem­plin Fran­co­phone Le Mans Cité Chan­son 2016 et qu’elle fera par­tie du Méga­phone Tour 2016/​2017. Il y a un an elle était dans les 6 fina­listes du radio cro­chet « Par­tons en Live #LaRe­leve » de France Inter pré­sen­té par André Manou­kian qui l’a reçue à nou­veau le 3 juin dans son émis­sion Par­tons en live… Fait raris­sime qu’il est bon de souligner.

Tout ne serait-il pas com­plè­te­ment per­du pour la Chan­son sur France Inter à l’heure où le départ de Phi­lippe Meyer en déses­père plus d’un ?